J’y suis passé et ne l’oublierai pas.
La magie de l’électro-choc draine un râle, elle plonge le commotionné dans ce râle par lequel on quitte la vie.
Or, les électro-chocs du Bardo ne furent jamais une expérience, et râler dans l’électro-choc du Bardo, comme dans le bardo de l’électro-choc, c’est déchiqueter une expérience sucée par les larves du non-moi, et que l’homme ne retrouvera pas.
Au milieu de cette palpitation et de cette respiration de tous les autres qui assiègent celui qui, comme disent les Mexicains, raclant pour l’entamer l’écorce de sa râpe, coule de tous côtés sans loi.
Créer ainsi artificiellement la mort comme la médecine actuelle l’entreprend c’est favoriser un reflux du néant qui n’a jamais profité à personne,
mais dont certains profiteurs prédestinés de l’homme se repaissent depuis longtemps.
En fait, depuis un certain point du temps.
Lequel ?
Celui où il fallut choisir entre renoncer à être homme ou devenir un aliéné évident.
Mais quelle garantie les aliénés évidents de ce monde ont-ils d’être soignés par d’authentiques vivants ?
farfadi
ta azor
tau ela
auela
a
tara
ila
Cela a commencé 4.000 ans avant J.-C. cette thérapeutique de la mort lente,
et la médecine moderne complice en cela de la plus sinistre et crapuleuse magie, passe ses morts à l’électro-choc et à l’insulino-thérapie afin de bien chaque jour vider ses haras d’hommes de leur moi,
et de les présenter ainsi vides,
ainsi fantastiquement
disponibles et vides
aux obscènes sollicitations anatomiques et atomiques
de l’état appelé Bardo, livraison du barda
de vivre aux exigences du non-moi.
ALIÉNATION
ET MAGIE NOIRE
Les asiles d’aliénés sont des réceptacles
de magie noire conscients et prémédités,
et ce n’est pas seulement que les médecins
favorisent la magie par leurs thérapeutiques
intempestives et hybrides
c’est qu’il en font.
S’il n’y avait pas eu de médecins
il n’y aurait jamais eu de malades
pas de squelettes de morts
malades à charcuter et dépiauter,
Car c’est par les médecins et non par les
malades que la société a commencé.
Qui a passé par l’électro-choc du Bardo, et le Bardo de l’élèctro-choc ne remonte plus jamais de ses ténèbres, et sa vie a baissé d’un cran.
J’y ai connu ces moléculations souffle après souffle du râle des authentiques agonisants.
Ce que les Tarahumaras du Mexique appellent le crachat de la râpe, l’escarbille du charbon sans dents.
Perte d’un pan de l’euphorie première qu’on eut un jour à se sentir vivant, déglutinant et mastiquant.
Antonin ARTAUD – Témoignages (DOCUMENTAIRE with english subtitles, 1993)
Les deux parties du documentaire "La Véritable Histoire d'Artaud le Mômo", par Gérard Mordillat et Jérôme Prieur, réalisées en 1993. Présences : Luciane Abiet, Jacqueline Adamov, André Berne-Joffroy, Annie Besnard-Faure, Gustav Bolin, Denise Colomb, Pierre Courtens, Alain Gheerbrant, Alfred Kern, Gervais Marchal, Domnine Milliex, Minouche Pastier, Henri Pichette, Marcel Piffret, Rolande Prevel, Marthe Robert, Jany Seiden de Ruy, Paule Thévenin et Henri Thomas.