AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782070325054
112 pages
Gallimard (04/01/1989)
4.01/5   58 notes
Résumé :
« Il serait bien extraordinaire que des milliers d'événements qui surviennent chaque année résultât une harmonie parfaite. Il y en a toujours qui ne passent pas, et qu'on garde en soi, blessants.
Une des choses à faire : l'exorcisme.
Toute situation est dépendance et centaines de dépendances. Il serait inouï qu'il en résultât une satisfaction sans ombre ou qu'un homme pût, si actif fût-il, les combattre toutes efficacement, dans la réalité.
Une ... >Voir plus
Que lire après Epreuves, exorcismes, 1940-1944Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Michaux mêle ses monstres personnels à ceux de la Seconde Guerre mondiale, à ceux d'une humanité qui s'aliène, qui crée en elle son ennemi. Les souvenirs et les idéologies mal digérées se condensent en silhouettes dures et hostiles, en statues, en sphinx. Ces masses paralysent des échafaudages ascensionnels branlants, signes des tentatives précaires de l'humanité et du poète pour se surmonter au milieu du chaos. Avec autant de lucidité que possible, Michaux tente d'observer les charniers que ces années ont laissé en lui et chez les autres et à les assimiler pour mieux les digérer, au milieu des décombres. Mais le chaos apparaît avant tout sous forme sonore, car on entend retentir l'écho des voix du siècles, celles qui poussèrent les masses à s'entretuer, à s'exterminer. La voix du poète cherche à les faire taire, ou plutôt à les assourdir par un « martèlement des mots » dont l'horreur atteint paradoxalement le calme. Une surdité par saturation.

C'est ce type d'exorcisme que défend Michaux en l'identifiant à un état qui précède l'écriture. Et précède peut-être même l'intelligence, comme le préconise le Maître de Ho (comme « haut » ?), un drôle d'individu qui pourrait symboliser l'élévation mystique de l'âme ou bien la simple faculté de s'étonner (ho !), voire un rire salutaire (ho ! ho !), exorcisme par second degré, « par ruse ». le rire se fait d'ailleurs plus franc en fin de recueil, à travers les descriptions grotesques des créatures échappées d'une partie imaginaire du cerveau, éloquemment baptisée le « Lobe à monstres ». On y retrouve les aliénations michaldiennes inspirées De Lautréamont, car c'est bien connu : l'autre est à monstres. Surtout pour qui a la nostalgie du vieil océan. En effet, chez Michaux les monstres sont des « masques du vide », comme le vide de n'avoir pas pu vivre une vie de matelot... au plus près des monstres marins ?
Commenter  J’apprécie          199
‘'Pour mettre la paix entre deux personnes qui se battent, écrivez sur un billet ou sur une pomme le mot : H A O N et jetez l'objet au milieu des combattants. Ils s'arrêteront. »
(Le livre des conjurations)
« J'écris pour me parcourir. Peindre, composer, écrire: me parcourir. Là est l'aventure d'être en vie » (Henri Michaux)



Vous voyez le portrait d'Henri Michaux, sur la couverture du livre ?
Qui y-a-t-il derrière ces yeux ?ce regard ? Mystère, lointain, familier.

J'ai un peu honte, j'ai honte de parler de Henri Michaux, celui du « Donc, c'est non ! »
Il fait partie des phares près desquels on rode longtemps et où on finit par habiter.
Il y a longtemps j'y suis entré et j'aurai souhaité le garder pour moi seul. Mais…bon

Mais, Je vous en prie, lisez-le
Lisez-le, je vous en prie
Vous verrez, vous rentrerez dans un territoire ami,
Ami et dangereux.
Bon ! Ces jours-là il n'allait pas bien ! Ça passe. La mer, sans doute, aide, temps permettant. !

Commenter  J’apprécie          140
Le recueil de poèmes d'Henri Michaux correspondant aux années de guerre est nécessairement affecté par ces années, mais on ne doit pas s'attendre à reconnaître chez ce poète le moindre engagement du côté de "l'honneur" ou du "déshonneur des poètes". Michaux ne se soucie pas d'enthousiasmer son lecteur dans un sens ou dans l'autre, et au contraire, l'ascèse (dont l'humour et le tragique sont des visages) à laquelle il se soumet et nous soumet caractérisent sa poésie : exorciser la magie et l'enthousiasme, laisser le poète et son lecteur nus dans l'épreuve d'un chemin à frayer soi-même dans le malheur collectif. Entrer dans Michaux, c'est aussi faire un pas dans un palais de miroirs où les significations figées et les slogans se réfractent en millions de mots et de facettes, et où plus rien n'est sûr.
Commenter  J’apprécie          100

Citations et extraits (36) Voir plus Ajouter une citation
LA LETTRE

Je vous écris d’un pays autrefois clair. Je vous écris du pays du manteau et de l’ombre. Nous vivons depuis des années, nous vivons sur la Tour du pavillon en berne. Oh! Été! Été empoisonné ! Et depuis c’est toujours le même jour, le jour au souvenir incrusté…
Le poisson péché pense à l’eau tant qu’il le peut. Tant qu’il le peut, n’est-ce pas naturel ? Au sommet d’une pente de montagne, on reçoit un coup de pique. C’est ensuite toute une vie qui change. Un instant enfonce la porte du Temple.
Nous nous consultons. Nous ne savons plus. Nous n’en savons pas plus l’un que l’autre. Celui-ci est affolé. Celui-là confondu. Tous sont désemparés. Le calme n’est plus. La sagesse ne dure pas le temps d’une inspiration. Dites-moi. Qui ayant reçu trois flèches dans la joue se présentera d’un air dégagé ?
La mort prit les uns. La prison, l’exil, la faim, la misère prirent les autres. De grands sabres de frisson nous ont traversés, l’abject et le sournois ensuite nous ont traversés.
Qui sur notre sol reçoit encore le baiser de la joie jusqu’au fond du cœur?
L’union du moi et du vin est un poème. L’union du moi et de la femme est un poème. L’union du ciel et de la terre est un poème. Mais le poème que nous avons entendu a paralysé notre entendement.
Notre chant dans la peine trop grande n’a pu être proféré. L’art à la trace de jade s’arrête. Les nuages passent, les nuages aux contours de roches, les nuages aux contours des pêches, et nous, pareils à des nuages nous passons, bourrés des vaines puissances de la douleur.
On n’aime plus le jour. Il hurle. On n’aime plus la nuit, hantée de soucis. Mille voix pour s’enfoncer. Nulle voix pour s’appuyer. Notre peau se fatigue de notre pâle visage.
L’événement est grand. La nuit aussi est grande, mais que peut-elle? Mille astres de la nuit n’éclairent pas un seul lit. Ceux qui savaient ne savent plus. Ils sautent avec le train, ils roulent avec la roue.
Se garder soi dans le sien ? Vous n’y songez pas ! La maison solitaire n’existe pas dans l’île aux perroquets. Dans la chute s’est montrée la scélératesse. Le pur n’est pas pur. Il montre son obstiné, son rancunier. Certains se manifestent dans les glapissements. D’autres se manifestent dans l’esquive. Mais la grandeur ne se manifeste pas.
L’ardeur en secret, l’adieu à la vérité, le silence de la dalle, le cri du poignardé, l’ensemble du repos glacé et des sentiments qui brûlent a été notre ensemble, et la route du chien perplexe notre route.
Nous ne nous sommes pas reconnus dans le silence, nous ne nous sommes pas reconnus dans les hurlements, ni dans nos grottes, ni dans les gestes des étrangers. Autour de nous la campagne est indifférente et le ciel sans intentions.
Nous nous sommes regardés dans le miroir de la mort. Nous nous sommes regardés dans le miroir du sceau insulté, du sang qui coule, de l’élan décapité, dans le miroir charbonneux des avanies. Nous sommes retournés aux sources glauques. »
Commenter  J’apprécie          30
J'AI VU

J'ai vu l'homme à la tête diverse.
A la tête semblable au râteau, il ramasse.
A la tête semblable aux racines, il pompe. A la tête semblable à un tonneau, il est penché. J'ai vu l'homme à la grenouille chaude, cherchant assouvissement, et son admirable mécanisme déclencheur qui savait le lui obtenir lui faisant prononcer alors des mots doux, d'ailleurs beaucoup trop doux.
J'ai vu l'homme semblable à une horloge qui parlait à un homme semblable à une dague. Quelle rencontre ! Mais elle n'était pas hors de l'ordinaire.
J'ai vu l'homme à la tête semblable à une balance, l'homme fait de moignons et de réservoirs autonomes, ou comme un cintre, l'homme aux seules épaules.
J'ai vu l'homme à la tête pétillante, et voulant m'en approcher, je n'ai pas pu. La vérité : Je n'aurais pas voulu avoir à le nourrir, seulement le connaître et plutôt de profil et d'une certaine distance à ne pas laisser combler inconsidérément, comme on observe un tigre, sans l'adopter.
J'ai vu les hommes en arc, têtes et corps enflés au vent de la vie. J'ai vu l'homme pyramidal, l'homme requin, l'homme attaqué par sa propre hache, faisant un avec deux, mille avec trois... ou un jugement. J'ai vu l'homme tumultueux, mais j'ai vu sa race gravissant avec sang-froid et patience le haut plateau.
Tandis qu'elle perdait les siens, des spermatozoïdes toujours jeunets en remettaient d'autres au berceau, qui reprendraient toute chose au point voulu. Et elle les regardait et me regardait et nous regardait tous passer silencieusement.

p.40-41

Commenter  J’apprécie          60
ECCE HOMO
A Madame Mayrisch Saint-Hubert.

Il [l'homme] avait plus de cernes que d'yeux, plus de barbe que de peau, plus de boue que de capote, mais son casque était toujours dur.
Sa guerre était grande, avait des avants et des arrières, avait des avants et des après. Vite partait l'homme, vite partait l'obus. L'obus n'a pas de chez soi, il est pressé quand même.
Je n'ai pas vu paisible, l'homme au fabuleux trésor de chaque soir, pouvoir s'endormir dans le sein de sa fatigue amie.
Je l'ai vu agité et sourcilleux. Sa façade de rires et de nerfs était grande, mais elle mentait. Son ornière était tortueuse. Ses soucis étaient ses vrais enfants.
Depuis longtemps, le soleil ne tournait plus autour de la terre. Tout le contraire.
Puis il lui avait encore fallu descendre du singe.
Il continuait à s'agiter comme fait une flamme brûlante, mais le torse du froid, il était là, sous sa peau.
Je n'ai pas vu l'homme comptant pour homme, j'ai vu, « ici l'on brise les hommes ». Ici, on les brise, là on les coiffe et toujours il sert. Piétiné comme une route, il sert.
Je n'ai pas vu l'homme, recueilli, méditant sur son être admirable. Mais j'ai vu l'homme recueilli comme un crocodile qui, de ses yeux de glace, regarde venir sa proie et, en effet, il l'attendait, bien protégé au bout d'un fusil long. Cependant, les obus qui tombaient autour de lui étaient encore beaucoup mieux protégés. Ils avaient une coiffe à leur bout, qui avait été spécialement étudiée pour sa dureté, pour sa dureté implacable.
Je n'ai pas vu l'homme répandant autour de lui l'heureuse conscience de la vie. Mais j'ai vu l'homme comme un bon bimoteur de combat, répandant la terreur et les maux atroces.
Il avait, quand je le connus, à peu près cent mille ans et faisait facilement le tour de la Terre. Il n'avait pas encore appris à être bon voisin.
Il courait parmi eux des vérités locales, des vérités nationales. Mais l'homme vrai, je ne l'ai pas rencontré.
Toutefois excellent en réflexes, et en somme presque innocent: l'un allume une cigarette; l'autre un pétrolier.
...
p.45-46
Commenter  J’apprécie          40
ECCE HOMO

A Madame Mayrisch Saint-Hubert.


Qu'as tu fait de ta vie, pitance de roi ?
J'ai vu l'homme.
Je n'ai pas vu l'homme comme la mouette, vague au ventre, qui file rapide sur la mer indéfinie.
J'ai vu l'homme à la torche faible, ployé et qui cherchait. Il avait le sérieux de la puce qui saute, mais son saut était rare et réglementé.
Sa cathédrale avait la flèche molle. Il était préoccupé.
Je n'ai pas entendu l'homme, les yeux humides de piété, dire au serpent qui le pique mortellement : « puisses-tu renaître homme et lire les Védas ! ». Mais j'ai entendu l'homme comme un char lourd sur sa lancée écrasant mourants et morts, et il ne se retournait pas.
Son nez était relevé, comme la proue des embarcations Vikings, mais il ne regardait pas le ciel, demeure des dieux, il regardait le ciel suspect d'où pouvait sortir à tout instant des machines implacables, porteuses de bombes puissantes.
...
p.44-45
Commenter  J’apprécie          90
DANS LA COMPAGNIE DES MONSTRES

Il fut bientôt évident (dès mon adolescence) que j'étais né pour vivre parmi les monstres.

Ils furent longtemps terribles, puis ils cessèrent d'être terribles et après une grande virulence, petit à petit s'atténuèrent. Enfin ils devinrent inactifs et je vivais en sérénité parmi eux.

C'était l'époque où d'autres, encore insoupçonnés, se mettaient à se former et un jour se présenteraient à moi, actifs et terribles (car s'ils devaient venir surgir pour être oisifs et tenus en laisse, qui pense qu'ils viendraient jamais?), mais après avoir noirci tout l'horizon, ils en venaient à s'atténuer et je vivais parmi eux avec égalité d'âme et c'était une belle chose, surtout ayant menacé d'être si détestable, presque mortelle.

Eux qui au premier abord étaient si démesurés, infects, répugnants, prenaient une telle finesse de contour qu'on les eût, malgré leurs formes impossibles, presque introduits dans la nature.

C'est l'âge qui faisait cela. Oui. Et quel était le signe certain de leur stade inoffensif ? C'est très simple. Ils n'avaient plus d'yeux. Lavés des organes de la détection, leurs visages quoique monstrueux de forme, leurs têtes, leurs corps maintenant ne gênaient pas plus que celle des cônes, des sphères, des cylindres ou des volumes que la nature offre en ses rochers, ses galets et dans bien d'autres de ses domaines.

p.90
Commenter  J’apprécie          30

Videos de Henri Michaux (48) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Henri Michaux
Sacha Guitry, Victor Hugo, Henri Michaux, Raymond Devos... Tous ces noms furent les auteurs de textes illustres, qu'André Dussollier convoque et ressuscite sur la scène des Bouffes parisiens depuis le 18 janvier. Rencontre avec cet acteur à trois césars et récompensé du Molière du comédien.
#theatre #cinema #andredussollier __________ Venez participer au Book club, on vous attend par ici https://www.instagram.com/bookclubculture_ Et sur les réseaux sociaux avec le hashtag #bookclubculture
Retrouvez votre rendez-vous littéraire quotidien https://youtube.com/playlist?list=PLKpTasoeXDrqL4fBA4¤££¤9Henri Michaux20¤££¤ ou sur le site https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/bienvenue-au-book-club-part-2
Suivez France Culture sur : Facebook : https://fr-fr.facebook.com/franceculture Twitter : https://twitter.com/franceculture Instagram : https://www.instagram.com/franceculture TikTok : https://www.tiktok.com/@franceculture Twitch : https://www.twitch.tv/franceculture
+ Lire la suite
autres livres classés : poésieVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (195) Voir plus



Quiz Voir plus

Testez vos connaissances en poésie ! (niveau difficile)

Dans quelle ville Verlaine tira-t-il sur Rimbaud, le blessant légèrement au poignet ?

Paris
Marseille
Bruxelles
Londres

10 questions
1207 lecteurs ont répondu
Thèmes : poésie , poèmes , poètesCréer un quiz sur ce livre

{* *}