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3,44

sur 347 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Superbe livre. Une page d'Histoire oubliée. Magnifiquement écrite. La fin est particulièrement émouvante. Je recommande très vivement ce livre qui fait partie des lectures dont on se souvient probablement par la qualité de l'écriture et le soin apporté à la mise en situation.
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Sigmaringen
Pierre Assouline (né en 1953)
Nous sommes à la fin du mois d'août 1944 dans un petit coin d'Allemagne appelé Sigmaringen. Ici les horreurs de la guerre sont bien loin. C'est alors que débarquent en ce lieu paisible la part la plus sombre de la France : le gouvernement de Vichy au complet avec à sa tête le Maréchal Pétain, son épouse, son chauffeur, son médecin personnel et le président du Conseil Laval, suivis quelques jours plus tard d'une cohorte de ministres, de miliciens et plus d'un millier de civils parmi lesquels un certain Céline accompagné de sa femme et de son ancienne maîtresse.
C'est un nommé Julius Stein, majordome allemand du château des Hohenzollern qui est le narrateur de cette histoire vraie. le château a donc été réquisitionné par Ribbentrop, un des hommes de main du Führer. Ce château a été choisi par Hitler pour se venger de la défection et le ralliement aux Alliés du roi Michel de Roumanie de la famille des Hohenzollern-Sigmaringen. Les propriétaires du château doivent quitter les lieux au plus vite et ne demeurent céans que les membres du service dirigés par Stein. La date du 1er octobre 1944 marque la date de l'expropriation.
Il apparaît rapidement que le groupe gouvernemental en exil est scindé en deux clans hostiles : l'un rangé derrière Laval regroupe des gens du genre « bras croisés et on attend », l'autre mené par Fernand de Brinon qui pensent encore diriger la France à distance et se prépare à rentrer pour chasser les usurpateurs gaullistes. Ceux qui s'imaginait que la promiscuité dans l'exil ressouderait les gens en sont pour leurs frais : les inimitiés vont aller crescendo, comme une guerre civile entre partisan d'un même monde. S'est constitué en ces murs une parodie de gouvernement en exil dont le premier privilège est de bénéficier de l'exterritorialité. Les relations entre le maréchal et Laval sont glaciales pour ne pas dire hostiles.
Julius Stein est un personnage essentiel des rouages de l'organisation de la vie au château. Il m'a fait étrangement penser à Stevens Spencer dans le roman « Les vestiges du jour » de Kazuo Ishiguro, par son sens de l'organisation et de l'honneur, rejetant tout rapport de forces et conflit de personnes, l'obéissance étant nécessaire là où l'autorité doit s'affirmer. Tenir, se tenir, maintenir : trois verbes qui résument l'attitude qui doit guider tout serviteur du château. Avec comme corollaire : monter vers les principes, ne pas descendre vers les pratiques. Julius est vu par ses subordonnés comme un être gouverné par un devoir d'obéissance, le sens de la mission et la dignité de la fonction. Dévoué depuis des lustres comme ses ascendants à la famille Hohenzollern, il n'accorde aucun crédit aux régimes politiques. Ils ne font que passer quand une grande famille s'inscrit à jamais dans la durée et dans l'Histoire.
Julius est secondé dans sa tâche par une française, Mlle Wolfermann d'origine alsacienne et par un groupe de valets français et allemands qui constituent pour Julius un réseau de renseignements très utiles.
Les conversations entre locataires vont bon train et il se dit qu'une taupe gaulliste serait sur place pour renseigner Paris. Julius est même soupçonné un moment de l'être. L'espion alimente tous les fantasmes, cet épouvantail activant le climat de suspicion qui n'a jamais cessé de régner dans ce petit monde vivant en vase clos.
Trois mois ont passé et la mélancolie s'installe avec l'hiver glacial. Les hôtes du château se détestent et les heurts n'ont de cesse dans cette cour des miracles qu'est devenu le village tranquille de Sigmaringen. Pendant ce temps Julius Stein et Jeanne Wolfermann se rapprochent et se confient l'un à l'autre. Étrangement Julius est beaucoup plus disert que Jeanne et explique son amour contrarié de la musique avec une passion toute particulière pour Schubert et ses Lieder qu'il a jadis chantés, possédant une voix de baryton remarquable.
le vent de la défaite forcit mais Julius reste comme il dit miné par l'obéissance et sa vie privée ne lui appartient plus depuis longtemps. Il sent que son pays est devenu un cauchemar, une horreur, un scandale moral, mais ce pays est le sien et le sera toujours. Imperturbablement francophile il n'en demeure pas moins viscéralement allemand car il ne peut négocier avec son âme. Il lui semble que les seuls moments de vérité sont ceux passés avec Jeanne et cette intimité lui est un baume car autant s'inquiéter seul c'est précipiter l'angoisse, autant s'inquiéter à deux c'est déjà se consoler.
Au fil des jours nait une sorte d'hélvétolâtrie chez les locataires du château, chacun sentant venir la chute et préparant sa fuite, la Suisse semblant être la meilleure destination. Cependant une surprise de taille se révèle à Julius alors que tous font leur valise. La taupe était bien cachée qui va se montrer au grand jour quand l'armée française investit le château.
Ce récit est intéressant à plus d'un titre, admirablement documenté et mettant en lumière la façon de voir les choses d'un allemand normal non nazi durant cette période très particulière. Ses remarques sur les français ne manquent pas de pertinence et son rapprochement avec Jeanne va de pair avec son amour de la France tout en restant viscéralement attaché à son pays natal, dévasté par la folie du Führer.
Une importante bibliographie est citée qui intéressera les amateurs et le destin de chacun des personnages est décrit en épilogue. Un ouvrage à lire.


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Au départ cette ville dans une région située proche du Danube dans le sud de l'Allemagne n'est qu'une ville comme les autres.

Alors pourquoi connait on son nom ? Tout simplement car le Maréchal Pétain et son gouvernement fantoche s'y installe le 1er septembre 1944. Dans ce château point de princesses ou de princes charmants mais tout le personnel des Hohezollem - Sigmaringen.

Pendant 7 mois et 22 jours continueront la vie de ce régime en exil où toutes les mesquineries, trahisons et double jeu seront élevés au niveau du plus grand art.

Le personnel, du Majordome à la plus petite femme de chambre seront les témoins privilégiés de cette "vie de château". Suivez les dans les couloirs, dans les nombreuses pièces et pendant leurs services, ce qui vous permettra de devenir vous mêmes des acteurs actifs de l'Histoire.
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Un gouvernement en déroute, le refus d'accepter la défaite annoncée, une illusion entretenue dans un cadre quasi théâtrale permettant à tous ces acteurs de jouer leur dernier rôle, de réinstaller toutes les règles et artifices pour une dernière scène absurde avant la fin d'un spectacle qui serait des plus loufoques s'il n'était pas d'abord des plus dramatiques.
Quelques lueurs de lucidité surviennent auprès du personnel de maison, certains proches de cette petite communauté ont déjà compris que la fin de la partie va bientôt sonner et quelques rares sont déjà en lien avec la résistance.
C'est une partie de l'histoire peu connue que cet exil d'un gouvernement de fantoches qui s'obstine à ne pas voir le sens de l'histoire et l'on reste étonné de cet appui sur le tard des allemands alors déjà eux-même dans la débandade. Sans doute là une illustration de cette illusion collective folle, délirante et meurtrière que fût le 3ème Reich.
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Le nom de cette ville allemande située sur le Danube, au sud du pays, dans le Bade-Wurtemberg, évoque immanquablement son château qui domine la cité où se réfugièrent vichystes et collabos qui avaient pu fuir à temps la débâcle de l'armée du IIIe Reich.
Dans ce roman, Pierre Assouline nous invite à vivre ces quelques mois, de septembre 1944 à avril 1945, en suivant les pas de Julius Stein, majordome de la famille Hohenzollern qui a dû abandonner des lieux habités depuis quatre siècles, sur ordre de Ribbentrop, afin de laisser place libre au maréchal Pétain et sa suite. Otto Abetz, ambassadeur de France à Paris, avait dit au Führer que Sigmaringen serait la ville idéale pour abriter ceux qui avaient collaboré. Tout le personnel est resté afin que tout se passe pour le mieux.
D'une discrétion exemplaire, Julius ne se livre à aucun épanchement : « Un majordome général a vocation à tout entendre sans rien écouter. » Avec application et précision, il nous présente tous les occupants du château ainsi que cet indescriptible capharnaüm de 383 pièces dont le maréchal occupe le 7e étage, « l'Olympe », pendant que Laval n'est pas content de ses appartements.
Dès l'arrivée de ces Français, les mesquineries reprennent. le maréchal exige d'être le seul à pouvoir utiliser l'ascenseur car il se considère comme le plus illustre prisonnier du château. Quant au gouvernement, il se compose de deux parties : ceux qui ne veulent rien faire, regroupés autour de Laval, et ceux qui travaillent pour reprendre le pouvoir avec Brinon, Déat, Luchaire, Darnand…
Fort d'une recherche énorme et très approfondie, l'auteur qui cite toutes ses sources à la fin du livre, nous fait partager le quotidien de ces sinistres personnages qui se détestent, se jalousent. Sa lecture est formidablement instructive car Pierre Assouline décrit aussi la ville où de plus en plus de Français fuyant les libérateurs et l'inévitable épuration à venir, ont trouvé refuge : « Il y avait de tout : des collaborateurs bien sûr, mais aussi des zazous, des miliciens en armes bien que le port d'armes soit interdit en ville par crainte d'incidents avec les fidèles de Doriot, des mères de famille nombreuses, des dandys, des tueurs, des maréchalistes, des actrices, des politiciens, des enfants, d'authentiques fascistes et même des braves gens qui avaient suivi le mouvement, tombés dans le panneau de la panique en se jetant dans le flot des fuyards, craignant d'être à leur tour dénoncés par leur concierge s'ils rentraient chez eux, persuadés que les gaullistes réservaient un mauvais sort à tous ceux qui n'avaient pas rejoint la France libre, et qu'en suivant le maréchal comme ils l'avaient fait pendant quatre ans, il se plaçaient sous sa protection naturelle, des gens qui avaient trouvé dans cette ville un endroit où abriter leur terreur. »
Julius étant Allemand, il nous renseigne aussi sur les états d'âme d'un peuple en train d'être brisé mais il avoue : « Chez nous, dès lors qu'on endosse un uniforme, on se croit délesté d'une certaine responsabilité. On n'a plus à décider… On obéit, que l'uniforme soit celui d'un soldat, d'un officier, d'un postier, d'un pompier ou d'un maître d'hôtel. »
Pendant que les Alliés avancent et bombardent Dresde, Himmler décrète le Volkssturm, la mobilisation générale, soit 500 000 hommes de 16 à 55 ans. L'hiver est terriblement froid. Julius parle de l'épuration nazie dans le monde de la culture : « le pouvoir mena une guerre contre l'esprit, la sensibilité, l'intelligence, la culture. » Au moment où tout se désagrège, apparaît un personnage important, le Docteur Destouches plus connu sous le nom de Louis-Ferdinand Céline. Ayant obtenu les papiers nécessaires, il réussit à fuir à temps avec sa famille après avoir surtout pensé à soigner les plus pauvres.
Enfin, nous vivons l'arrivée de l'armée française : « La représentation de Vichy-sur-Danube, une comédie tragique et bouffonne, était terminée. » Avec talent, Pierre Assouline réussit un livre passionnant, non dénué de sentiments et très instructif sur une période si difficile pour notre pays, période à toujours avoir en mémoire lorsque les temps redeviennent difficiles.


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La guerre tire à sa fin, l'Allemagne capitule. Les collaborateurs du gouvernement de Vichy se réfugient dans le château d'une petite ville allemande, Sigmaringen. Le prince Hohenzollern est en effet sommé par Hitler de céder son château au maréchal Pétain, à Pierre Laval et à d'autres membres dudit gouvernement. Julius Stein, le fidèle majordome du prince, servira dûment ces hommes et leurs épouses, non parce qu'il est faciste (bien au contraire, il a abandonné un très grand rêve pour marquer sa dissidence au IIIe Reich) mais par fidélité à la maison à laquelle il appartient depuis des années. À travers son regard, le gouvernement déchu nous est donné à voir dans sa défaite. Au fil de ses réflexions, le lecteur mesure l'ampleur de la folie humaine, de la barbarie... mais c’est sur une note à la fois triste et belle que Julius Stein complète son récit, sur un chant où se marient le français et l'allemand, sur l'image d'un majordome allemand s'inclinant vers une Française qui lui a sauvé la vie.


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La grande histoire vue par le trou de la serrure : J'adore ... comme l'écriture d'Assouline, précise, efficace et ponctuée d'humour.
Un livre très documenté, sans que ce soit pesant .
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Ce roman révèle des pages de l'Histoire de France, mais pas que. Situé dans un lieu d'Allemagne, Sigmaringen, les évènements décrits par Pierre Assouline insistent sur le calme de cette région éloignée des affres de la deuxième guerre mondiale, dans une envergure manichéenne le calme est le loup dans la bergerie. le narrateur Julius Stein majordome du château des Hohenzollern voit arriver le gouvernement de Vichy, le maréchal Pétain et ses hôtes controversés. Parmi eux se trouvent Céline l'écrivain au double visage. Tout se passe en vase clos, les protagonistes sont quasi-enfermés dans ce château dont les Hohenzollern sont de force partis ailleurs. le style de ce récit est prenant et captivant. La lecture des mots emporte le lecteur dans les pans troubles de cette page d'Histoire. le maréchal Pétain est plus que jamais « au –dessus des partis. Il faut respecter son retrait, sa distance, sa hauteur. On ne force pas la main au maréchal. »Julius Stein est , dans cette ambiance, l'invisible. Il ne fait jamais voir ce qu'il ressent. Il agit en mimétisme. Il est le secret de Sigmaringen, passible et brillant. « Nous étions protégés à Sigmaringen. Il a fallu qu'ils viennent nous apporter la mort. Oui, la mort. Il a fallu que l'on nous envoie les plus mauvais des français, pro-allemands dans le pire sens du terme, car rien n'est pire que ce qu'ils croient aimer en nous. Notre part maudite, notre folie collective. »Julius Stein aime la musique, et avoue que la plus grande musique sort du silence et prouve au lecteur la clarté de ses convictions. L'épilogue devrait être lu par tous les lycéens du monde entier dans une envergure de mémoire allouée. Splendide, sincère, « Un jour cette histoire sera absorbée par la nacre du temps. » « Tout homme est son propre majordome ». Ce livre, posé, sombre et beau avoue enfin au lecteur que le pire ennemi est souvent nous –même mais qu'en nous veille un majordome qui garde à jamais sa liberté de conscience. A déposer dans toutes les bibliothèques scolaires et universitaires.
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Ce livre retrace une partie sombre, étrange mais loin d'être anodine de notre histoire pendant la deuxième guerre mondiale et c'est pourquoi je pense que ce livre pourrait faire partie des « Must be read ». Pour savoir ce qu'il a bien pu se passer dans ces murs du château à Sigmaringen, nous suivons le majordome Julius Stein qui s'efforce avec la plus grande objectivité de nous raconter cet épisode assez hors du commun. Ce personnage est tout simplement majestueux, distingué, droit et consciencieux jusqu'au bout des ongles mais n'est pas dénué d'humour cependant. Pierre Assouline a utilisé avec brio toutes les astuces et le vocabulaire de notre langue française pour trouver le ton et le juste mot pour chaque évènement et personnage.
Un grand plaisir de lecture, une écriture formidable et une leçon d'histoire indispensable pour qui ne connait pas cette période.

Il est rare que je mette des citations, mais là ce livre le mérite ...
"Que faut-il mettre en oeuvre pour que le présent ne perde pas la présence de ce qui n'est plus ? le passé n'a jamais fait son temps ; le passé ne meurt pas ; il ne cesse de nous envoyer des signes. Page 80"


Lien : http://ideeslivres.jimdo.com..
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Un roman et un témoignage historique étonnant.
J'ai découvert l'existence de Sigmaringen, qui a vu débarquer en septembre 1944, le gouvernement pétainiste. Hitler leur a assigné résidence dans le château des princes de Hohenzollern. Toute la famille princière est envoyée vivre à Wilflingen à quelques kilomètres de là. Seuls les domestiques restent pour servir le gouvernement.
Et c'est Julius le "major domus", qui nous conte ce récit historique d'une très grande précision.
Ils sont tous là : Pétain, Laval, Fernand de Brinon, Déat, Céline…
Il y a plusieurs facettes dans ce roman :
-le monde de la domesticité attentif aux moindres au détail travaillant dans une discipline quasi militaire,
-le gouvernement en exil, ses complots, ses réunions de travail des ministres "actifs" qui pensent encore diriger la France
-et enfin, la France d'en bas du château, des civils expatriés français, des collaborateurs, des lâches, parqués en ville où règne la misère.

J'ai découvert ce très sombre épisode de l'Histoire et très apprécié le conteur, Julius, très attachant, surprenant , très cultivé, plein d'humour, qui sert ces gens avec beaucoup de dignité alors qu'il n'adhère pas à leurs idées et actes.

Très très bon roman.





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