Tandis que j'ai vu et revu bien des fois toutes les adaptations possibles et imaginables de
Jane Austen sur grands et petits écrans, c'est loin d'être le cas des romans d'origine. Alors j'aime profiter des belles rééditions françaises que nous proposent les éditeurs. J'ai ainsi relu Orgueils et Préjugés, le plus connu, ainsi que
Persuasion, mon chouchou, mais je ne l'avais pas fait pour
Northanger Abbey, peut-être le titre le plus singulier de la bibliographie de l'autrice.
Je parle de titre singulier car
Northanger Abbey contrairement aux autres titres de l'autrice ne met pas vraiment en avant une romance entre deux jeunes gens que l'on suivrait avec avidité. Dans ce roman, écrit parmi les tout derniers par l'autrice, celle-ci, de sa plume simple et plaine d'allant, nous compte plutôt les mésaventures d'une jeune fille confrontée à la société de ses pairs lors d'un voyage à Bath. C'est plus cet angle satirique de la société que la romance que j'ai eu l'impression de voir développé, d'où ma légère déception car ce n'était pas ce que j'avais en mémoire.
Cependant, grâce à la belle plume de l'autrice, j'ai trouvé que ce roman d'un peu plus de 300 pages se lisait fort facilement sans la langue ampoulée que l'on peut retrouver dans les mêmes situations dans d'autres de ses premiers écrits comme Amour et amitié et Orgueils et Préjugés. Ici, bien qu'écrit à la même période et bien qu'expérimentant plusieurs styles, ambiances, elle a une plume plus légère, plus directe et plus drôle et incisive aussi.
Dans les points positifs, j'ai également beaucoup aimé les propos féministes qui se glissent parfois dans les conversations. C'était très intéressant, pour ne pas dire révolutionnaire de voir une autrice célibataire du début XIX évoquer la place volontairement réduite de la femme dans l'histoire, la littérature et au sein des couples.
L'ambiance gothique et l'intérêt général pour les romans de cette mouvance, fut aussi l'un des éléments qui m'a le plus plu ici. J'avais adoré cela dans l'adaptation de la BBC et j'ai trouvé ça chouette de le retrouver ici, même si soyons honnête ce fut un peu trop ténus à mon goût et que je m'attendais vraiment à ce que ce soit LE truc en plus de ce titre par rapport aux autres de l'autrice.
Globalement, j'ai trouvé la première partie du récit pleine d'entrain grâce à l'engouement premier de l'héroïne qui découvre la vie en bonne société à Bath, sauf que c'est vite devenu long et cela s'est essoufflé. Même si c'était bien fait, je n'ai pas accroché à l'idée de centrer l'histoire sur la vie en société, les apparences, les mensonges et le paraître à Bath. Il y avait bien trop de personnages détestables, manipulateurs, dominateurs et toxiques même parfois. J'ai également trouvé à plusieurs reprises des répétitions, notamment avec ces fameux Upper Rooms, lieux où il faut être vu, dont elle n'arrêtait pas de parler. Mais bien sûr, c'est avant tout une question de goût car l'autrice croque très bien les déviances de ce trait de la société d'alors et s'en moque avec mordant.
J'ai donc eu espoir de trouver la seconde partie plus intéressante dès que l'héroïne, Catherine, se rend chez les Moreland loin de Bath. Les Moreland sont un frère et une soeur de qui elle s'était rapproché et qui n'entraient pas dans le jeu des autres gens détestables de Bath. C'était donc une bouffée d'air frais que ce séjour à la campagne. C'était en plus le passage de l'oeuvre dont je me souvenais le plus et qui devait m'offrir les scènes gothiques que j'attendais. Il y a bien eu quelques scènes inquiétantes au début où l'imagination de l'héroïne, à cause des romans gothiques qu'elle lit, lui joue des tours. J'ai trouvé ces brefs passages, trop brefs à mon goût, vraiment drôle et savoureux, avec une petite dose de loufoquerie bienvenue pour dénouer cette ambiance un peu plombante depuis les débuts. Mais ensuite, l'autrice s'enlise dans trop de non-dit et on repart sur cette fameuse haute société toxique rencontrée à Bath. On tourne un peu en rond.
Ainsi moi qui ai toujours lu
Jane Austen pour ses histoires d'amour, comme celle-ci fut très très discrète et liée surtout à une satire de la société qui place l'argent avant tout, je n'ai pas trop accroché à cette histoire. Je pensais que l'aura gothique du titre serait ce qui me raccrocherait mais ce fut bien trop ténu. L'absence de romance (ou presque) m'a dérangée parce que je sais qu'elle sait tellement bien les écrire et qu'elle m'a souvent fait rêver avec. Ainsi même si c'est très bien écrit et que la critique de cette société des apparences et de ses ravages est bien faite, je n'ai pas été comblée. Heureusement, je me suis consolée avec la superbe édition de Milady - Hauteville qui tient toute ses promesses avec ses jolies reproductions de gravures d'époque et sa belle couverture blanche toilée complétée de dorures. Une merveille !
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