L'autrice s'est prêtée au jeu du roman jumeau avec
Amélie Antoine.
Pour apprécier le travail sur la psychologie des personnages et la cohérence des deux récits qui s'interpellent par delà un monde parallèle, je pense qu'il faut lire les deux romans à la suite l'un de l'autre; ou au moins lire le second quand le premier est encore frais dans la mémoire.
J'ai trouvé que l'exercice était parfaitement rempli.
Le début de chaque roman est identique. Nous sommes le 14 juillet 2004, ce soir c'est feu d'artifices au bord du lac. Coline, 6 ans, est restée à la maison avec son père après avoir été punie dans l'après-midi. Jessica, sa jumelle, se rend gaiement avec sa mère pour clore la fête nationale sous les lumières. le lacet d'une de ses chaussures est défait. Patricia, la maman insiste pour le lacer... ou pas.
Dans
Avec elle, Patricia laisse sa fille courir avec ses lacets défaits. Immanquablement, la petite va trébucher et tomber aux pieds d'un séduisant jeune homme qui déclenchera, sans le savoir ni le vouloir, un séisme dans le coeur de Patricia.
Le roman suivra les jumelles jusqu'à leurs 19 ans.
Les thèmes abordés entrent en résonance d'un roman à l'autre.
Nous avons bien entendu la quête d'identité, surtout quand on vit avec un double de soi-même que l'on trouve mieux en tout et qui attire bien plus la lumière vers elle. Immanquablement, on ne peut pas éluder la question du couple, traité de manière assez "classique" dans ce roman-ci en passant par l'adultère.
Comme nous avons à faire à une famille, il y a de fait toute la thématique du rapport parents-enfants. Pas facile de rester équitable quand on ne souhaite pas renforcer la gémellité pour permettre à chacune de vivre sa vie propre. le personnage de la mère était finement construit, au point qu'elle m'a insupporté à force égale dans les deux romans.
Et enfin, le grand thème qui relie les deux ouvrages est celui de la culpabilité. Si dans
Sans elle, il s'explique aisément; il aura fallu ici une astuce dans l'intrigue pour que Coline se sente coupable, jusqu'au bout, d'une chose qu'elle a faite et dont elle ne parlera à personne en dehors de sa jumelle.
C'est la gémellité, cette culpabilité constante de l'une et le pouvoir psychologique que confère à l'autre le fait de "savoir" qui forgeront les deux fillettes et leur rapport au monde tout au long de leur adolescence.
Et puis toujours cette question: la vie serait-elle plus simple pour tout le monde si elles n'étaient pas deux, s'il n'y en avait qu'une?
J'ai trouvé que l'ensemble était très cohérent, on n'est pas dans un feel-good, loin de là. Toutes les dimensions ont été exploitées par l'autrice. Et si le roman, lu seul, est déjà une lecture bien agréable en soi, il gagne de l'ampleur à la lecture de son jumeau.
Franchement, respect à ces deux autrices pour ce travail remarquable de finesse.