Le Message
Le château où demeurait la comtesse se trouvait à huit lieues de Moulins, et encore fallait-il, pour y arriver, faire quelques lieues dans les terres. Il m’était alors assez difficile de m’acquitter de mon message. Par un concours de circonstances inutiles à expliquer, je n’avais que l’argent nécessaire pour atteindre Moulins. Cependant, avec l’enthousiasme de la jeunesse, je résolus de faire la route à pied, et d’aller assez vite pour devancer la renommée des mauvaises nouvelles, qui marche si rapidement. Je m’informai du plus court chemin, et j’allai par les sentiers du Bourbonnais, portant, pour ainsi dire, un mort sur mes épaules. À mesure que je m’avançais vers le château de Montpersan, j’étais de plus en plus effrayé du singulier pèlerinage que j’avais entrepris. Mon imagination inventait mille fantaisies romanesques. Je me représentais toutes les situations dans lesquelles je pouvais rencontrer madame la comtesse de Montpersan, ou, pour obéir à la poétique des romans, la Juliette tant aimée du jeune voyageur. Je forgeais des réponses spirituelles à des questions que je supposais devoir m’être faites. C’était à chaque détour de bois, dans chaque chemin creux, une répétition de la scène de Sosie et de sa lanterne, à laquelle il rend compte de la bataille. À la honte de mon cœur, je ne pensai d’abord qu’à mon maintien, à mon esprit, à l’habileté que je voulais déployer ; mais lorsque je fus dans le pays, une réflexion sinistre me traversa l’âme comme un coup de foudre qui sillonne et déchire un voile de nuées grises. Quelle terrible nouvelle pour une femme qui, tout occupée en ce moment de son jeune ami, espérait d’heure en heure des joies sans nom, après s’être donné mille peines pour l’amener légalement chez elle ! Enfin, il y avait encore une charité cruelle à être le messager de la mort.
C'est du propre! Tu te mets donc à la politique? Je te vois à Sainte Pélagie, où il faudra que je trotte tous les jours? Ah! quand on aime un homme, si l'on savait à quoi l'on s'engage, ma parole d'honneur, on vous laisserait vous arranger tout seuls, vous autres hommes ! Allons, tu pars demain, ne nous fourrons pas dans les papillons noirs; c'est des bêtises.
Découvrez les personnages de la Comédie humaine De Balzac à travers 4 vidéos produite par la Maison de Balzac : Eugénie Grandet, Eugène de Rastignac, le Baron de Nucingen et Vautrin.