AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,08

sur 1004 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Océan mer. Merveilleux vent qui s'en vient du large. le temps d'un long silence mélodieux. le temps d'une marée montante qui déjà disparaît au loin. le temps d'une rencontre…

Sept naufragés de la vie, venus faire escale à la pension Almayer, posée sur la corniche ultime du monde. Sur le bord exact de la mer. Ce n'est ni la terre, ni la mer, c'est un endroit qui n'existe pas, qui n'existe déjà plus. C'est un monde d'anges.

Océan mer, c'est le ventre de la mer, celui qui vous avale, vous digère, vous lave de vos péchés, de vos peines, de vos douleurs et vous recrache sur le rivage comme un vulgaire morceau de bois s'échoue sur le sable. Naufragé mais vivant.

A la pension Almayer, le temps se fige. Nus pieds sur le sable, les sens en alerte, le regard tourné vers Elle, ces naufragés reçoivent ses chants iodés qui les bercent et les enveloppent de ses embruns.

Et commence le conte…

Comment dessiner la mer quand on ne sait où elle commence ? Comment l'enfermer dans un livre quand on ne sait où elle finit ? Comment vivre loin de ses chimères ? Comment l'oublier ? Comment l'aimer ? Comment vivre en elle ?

Il existe mille raisons de venir s'échouer à la pension Almayer. Connaissez-vous la vôtre ?

***

Océan mer. le titre lui-même est déjà un voyage !

Faites vos valises et embarquez pour cette petite pension posée quelque part, sur le rebord du monde. Les petits anges vous y attendent. Faites-y la connaissance de la sensible Elisewin, de la douce Ann, du contemplatif Monsieur Plasson, du cartésien Professeur Bartleboom, du poétique Père Pluche, de l'attentiste Adams… Je n'en ai cité que six, n'est-ce pas ?

L'écriture d'Alessandro Baricco est belle, chantante et imprévisible, comme la mer sur laquelle il nous emmène… Teintée d'onirisme, sa plume est tantôt légère, tantôt grave. Ce livre est à la fois un conte, un roman d'aventure, un poème, une peinture expressionniste, une question…

Faites vos valises, vous dis-je !
Commenter  J’apprécie          7023
" Sable à perte de vue, entre les dernières collines et la mer ".
Océan mer, mer océan, dans la pension Almayer de drôle de pensionnaire se côtoient, des hommes des femmes des enfants, un artiste, un savant, une maitresse sans amant, un prêtre précepteur .....
Pas facile d'écrire sur ce roman d'Alessandro Baricco, " Océan mer" est une plongée dans un univers poétique un peu comme Richard Brautigan, on se laisse emporter, balloter à travers des phrases et des situations.
Les personnages comme le peintre Plasson qui peint sans couleurs, juste de l'eau de mer sur la toile, ou encore le professeur Bartleboom qui écrit une encyclopédie sur les "limites" ou la belle Ann Devéria venu à la pension soigner son étrange maladie l'adultère.
Pendant ce temps, un radeau se désagrège emportant ses passagers dans un enfer sans nom.
Un magnifique récit que je vous recommande, un voyage dans l'univers d'Alessandro Baricco, c'est une invitation à la rêverie et pourquoi pas à l'écriture.
Commenter  J’apprécie          632
Ce livre, pour être franche, j'étais prête à l'abandonner tant le début me semblait confus... Et puis, à partir du cinquième chapitre, j'ai enfin "accroché", me promettant une fois qu'il serait lu de revenir en arrière et de lire consciencieusement les 38 premières pages.
Il s'agit d'un roman d'un genre très particulier, inclassable.
Construit en trois parties de longueurs très inégales, le récit s'articule autour de la mer.
Le livre premier raconte la vie dans "la pension Almayer" bâtisse en bord de mer, au plus près des éléments, et occupée par d'étranges habitants et pensionnaires.
Le livre second, "le ventre de la mer" est le récit terrifiant de ce que fût le sort des naufragés du "Radeau de la Méduse".
Le livre troisième, "les chants du retour" dépeint les pensionnaires de cette étrange pension Almayer et donne les clés des énigmes évoquées tout au long des pages.
Une atmosphère étrange, pour un texte énigmatique où l'on trouve un peu d'amour, de l'inquiétude, de la violence, et la présence de la mer, le bruit de la mer, et la mer pour seul horizon...
Roman fantastique? Conte? Je ne sais pas. Mais le livre a du charme et l'écriture est belle.
Commenter  J’apprécie          500


Il y a une difficulté à analyser ce qu'on a pu lire. le récit n'est pas linéaire mais stellaire. Il part d'un point central pour rayonner dans des directions biographiques. Mais le voyage a bien eu lieu et le dépaysement surtout. Peu de références chronologiques ou géographiques. Un lieu entre passé et présent. Quelque chose comme un 19ème siècle de conte, peu défini et perdu dans une brume délocalisante.

Une pension de bord de mer, sur le ras-bord de la terre, habitée par des enfants étranges. Dira qui tient la réception et la liste des pensionnaires. Dol, le nocher. Dood qui lit dans les rêves des hôtes et de Bartleboom en particulier. Ditz qui souffle des rêves choisis aux dormeurs et une petite fille nue et sans nom qui se cache sous les draps.

Ils y veillent sur des résidents apesantis, certains cachés au fond de leurs vies en cale sèche ou courant après un objet d'étude improbable et dérisoire.

La pension Almayer.

Un nom de maladie que l'on n'aurait pas encore découverte mais aux symptômes bien réels. Un souvenir d'une folie de Joseph Conrad.

Tous les occupants du lieu ou presque ont une relation particulière à la mer. Elle les révèle, comme une potion salée versée dans un tube à essai. Précipités.

Sa présence constante, sa rumeur continuelle, la vue imprenable que l'on en a depuis certaines chambres de l'établissement en font le centre autour duquel tous, hommes et femmes, déploient ou replient leurs existences.

L'océan mer. L'immense grandeur face à laquelle l'homme se sent remis en cause. Comme une colossale question hurlée par la nature et les éléments, une mise au défi : où vas-tu ? Pourquoi ? N'es-tu pas en train de te perdre ? Ton but n'est-il pas vain face à mon étendue ?

Au fur et à mesure du récit, on en vient à ne plus savoir où tout cela peut bien aller. Cet hôtel et ses sept chambres existent-t-ils ou n'est-ce qu'une allégorie, une fable, boîte à bijoux qui renferme des histoires précieuses ?

Casse typographique où l'écrivain range ses caractères dans des chambres closes, les rassemble pour mieux les conter ?

Bateau en panne ? Personnages qui attendent que leurs destins viennent les chercher, hantés par la mer et son insolence, sa cruauté belle ?

La poésie est le liant de tout cela. Il faut accepter que tout ne puisse pas s'expliquer. Afin de goûter les perles fines et irrégulières que nous pouvons ramasser au détour de ces pages, disséminées par Baricco Barocco. Et avant tout, ces personnages et leurs poésies qui se confondent souvent avec leurs failles.

Plasson, ce peintre immobile sur cette plage. Chevalet, palette et couleurs. Gardien immobile qui se bat jusqu'à la marée montante contre un paysage impossible. Par où commencer une toile représentant la mer ? Pour un portrait, débuter par les yeux permet d'ancrer le reste du visage. Mais là ? Où sont les yeux de la mer qui permettront d'arrêter la suite de la composition ? Comment peindre ce qui change constamment, monte et descend, se brise et se radoucit arborant mille couleurs ? Comment peindre cela, à partir d'où, quel instant immortaliser ? Plasson se mesure aux flots, chaque jour et se laisse immerger jusqu'au coeur. En silence. Comme pour se punir de son échec quotidien. Sauvé par Dol et sa barque. Chaque soir.

Bartlebooth et son "Encyclopédie sur les limites" qui s'épuise à trouver l'instant t où la vague et donc la mer s'arrêtent. le moment qui voit la course en avant se suspendre avant qu'elle ne régresse et retourne à la matrice liquide. Seul, à la nuit tombée, il écrit des lettres à une destinataire à venir. Encore inconnue de lui et sans adresse.

Elisewin, princesse de Carewall (muraille- soin) envoyée là par son baron de père à contrecoeur et sur avis médical. On espère la soigner d'un coeur de cristal trop fragile grâce à l'énergie bienfaisante des bains de mer. Pari risqué. Guérir ou mourir.

Le Père Pluche, homme d'église farfelu qui accompagne Elisewin parle plus vite qu'il ne pense et écrit des prières incessantes qu'il ne prononcera jamais.

Madame Devéria et sa mélancolie amoureuse envoyée là par un mari jaloux pour soigner ses penchants adultères grâce à l'océan moralisateur.

Ce qui m'a emporté bel et bien c'est la seconde partie "le ventre de la mer" qui va permettre de relier certains récits qui se tissent depuis le début entre quelques personnages. C'est l'expérience à peine dissimulée du "radeau de la Méduse" ici raconté à hauteur d'hommes. Une boucherie, un crime contre l'humain sur quelques mètres carrés de mâts mal ficelés les uns aux autres. Presqu'épave qui coule à demi, piégeant les hommes dans ses interstices, les noyant petit à petit.

La mer qui rend fou les hommes. Les accule à devenir des monstres. Qui, la nuit venue, prélève son butin de chair et les emporte au loin hurlant. Quand le jour, son sel brûle leurs blessures, les agrandit de ses doigts mouillés pour y semer le tourment et la douleur. C'est le monstre liquide qui dit la vérité humaine et animale.

Des hommes qui s'éliminent pour survivre et sont réduits à l'impensable.

C'est le tournant du livre. de la mer que l'on voit de la rive, que l'on pense, que l'on peint, que l'on envisage, au sec et à l'abri de sa colère on passe aux flots sur lesquels on dérive. La mer océane et brutale dont on revient avec un regard d'égaré. La mer où l'on perd quelque chose pour ne trouver que le drame et le vrai. La réalité qui arrache les yeux et incendie de clarté. Et deux nouveaux protagonistes qui se sont trouvés là. Abandonnés et affrontés. Savigny et Adams-Thomas.

Ce livre a une forme arachnéenne dont le corps énorme et plein est ce second chapitre. Les pattes filiformes sont ces personnages que l'on découvre dans le premier. Puis la mer mélange tout cela dans son abdomen terrible et inéluctable et nous restitue la suite de leurs arcs narratifs qui se terminent dans le troisième chapitre.

J'ai été décontenancé dans les cinquante premières pages. M'attendant à un désastre. Puis, comme on rentre dans l'eau du premier bain de l'année avec précaution frileuse, je me suis senti bien et heureux. Peu à peu. Au jusant, seau et pelle, j'ai récupéré les belles idées que Barricco laissait pour nous.

La mer est une histoire qui ne s'arrête jamais d'être dite. Les vagues colportent ses récits à nos oreilles étrangères. Narratrices éternelles. Il faut des hommes pour les traduire ou les consigner comme l'amiral Langlais au nom si français qui est le personnage peut-être le plus proche du lecteur. A terre, dans son amirauté entourée de jardins, il répertorie tous les récits maritimes les plus fantastiques qui seraient arrivés sur les sept mers. Les classant méthodiquement par ordre de probabilité. Archiviste des océans et de ses mystères. Mon personnage préféré.

J'ai retrouvé quelquefois, notamment chez Plasson, ce que j'avais apprécié chez Audeguy et ses nuages.

Barrico a une vrai maîtrise formelle et un art sophistiqué du récit. Là où l'on pourrait voir du foutraque, ce n'est que technique subtile. Il faut de l'expérience pour faire voguer le lecteur sur un océan de sentiments sans le perdre ou l'ennuyer. Car cette mer est aussi le courant intime qui nous dirige tous. Cette force motrice d'émotions sur laquelle on essaie de garder le cap. de creux en crète. C'est ce qui rend peut-être ce texte si houleux à la lecture car tenant presqu'uniquement sur ses personnages et leurs trajectoires, leurs pelotes de vies, rendant l'édifice flottant et déroutant. Toujours instable. Dans le presque et le non fini.

Baricco use et abuse de la parataxe et des tirets d'incise, coupant le flux de ses phrases, comme un avis du narrateur glissé là. Récif qui brise la lame. Les dialogues sont quelquefois durs à suivre. On ne sait plus qui parle quand ce n'est pas un interlocuteur qui disparaît complètement. On doit alors recréer ses tirades sur la foi des réponses du seul personnage que Baricco nous laisse lire. Une stéréo en mono. Cela pousse à la concentration. Je dirais presque à l'écoute sinon c'est la noyade et l'on quitte la berge du recit pour ressortir et se sécher. Quelques ellipses temporelles aussi, comme des avances rapides.

Certaines périodes très longues débutent sur un grand retrait et se terminent en tiers de ligne. de manière répétée comme lorsqu'il est question des "bains à la lame". Trouvaille formelle. Miroir aux vagues. Phrase de sac et ressac de même que les anaphores qui miment leur incessant va-et-vient. Eternel retour.

Reste ces deux sons dits-soufflés à l'infini. Vague s'élevant puis, se brisant dans le silence :

Oceano mare. Oceano mare. Oceano mare. Oceano mare. Oceano mare. Oceano mare. Oceano mare. Oceano mare. Oceano mare.


Oceano.



Mare.

Commenter  J’apprécie          316
J'aime bien Alessandro Baricco depuis la lecture de Soie et de Mr Gwyn.J'aime beaucoup la mer et j'ai toujours vécu au bord des océans , près des tempêtes bretonnes ou sous les cieux plus cléments du Pacifique qui réservent pourtant de redoutables cyclones.Autant dire que j'attendais beaucoup de ce livre . Je suis à la fois troublé par la poésie de certaines pages et gêné par la structure inutilement alambiquée du livre. le titre du livre est ambitieux presque provocateur
Comme si Alessandro Baricco vais voulu écrire le livre référence sur l'Océan.
Malgré tout son talent , il n'y arrive pas vraiment .Que vient faire ici le Radeau de la Méduse ?
Quel est le message que veut faire passer l'auteur?Le texte est souvent très beau mais trop décousu.
Il s'agit d'un de ses premiers livres.Il aurait été plus sage d'attendre quelques années avant de s'attaquer à un projet si ambitieux.
D'autant que le sujet, la mer , a été à l'origine ne de bien des chefs d'oeuvre littéraires
Commenter  J’apprécie          252
Un enchantement. Alessandro Baricco nous transporte, nous envole. Une écriture subtile, changeante, pleine de poésie, se faisant tout à coup grave, ou populaire et nous égayant d'un trais d'humour soudain, impromptu ! La mer, le vent et ces personnages du bout du monde nous envoûtent, nous ensorcellent. La tête nous tourne mais quel plaisir de se laisser ainsi emporter dans ce tourbillon de folie que seule une grande intelligence peut nous révéler.
Une perle que je recommande à tous les amoureux du beau.
Commenter  J’apprécie          242
Avec un art consommé de la narration, Alessandro Baricco nous promène là où sept personnages semblent devoir affronter le naufrage de leur propre existence. Aucun d'eux ne semble plus important qu'un autre en ce lieu où ils se retrouvent tous face à l'océan : la pension Almayer, « posée sur la corniche ultime du monde ».

Un peintre décidé à saisir l'image de la mer et dont toutes les toiles restent blanches, un professeur passionnément investi dans l'écriture d'une encyclopédie sur les limites observables de la nature, une femme adultérine envoyée là par son mari pour la guérir de son infidélité, une jeune fille de baron atteinte d'une maladie mortelle que seule la mer pourrait sauver, le drôle-malgré-lui et émouvant homme d'église qui l'accompagne, un convive placide et taiseux qui a vu les beautés comme les horreurs du monde, jusqu'au septième et mystérieux hôte qui reste cloîtré dans sa chambre loin des regards…

Tous confrontent leurs solitudes, leurs désirs et leurs peurs à la pension Almayer, tenue par une poignée d'enfants bizarres, à la maturité inquiétante, presque des figures fantastiques. L'un contemple l'horizon assis sur un rebord de fenêtre tout en manifestant une implacable logique, l'autre inspire des rêves sur commande, une troisième sait bien des choses que les gens taisent…

Il y a ce naufrage aussi, qui vient casser le rythme tranquille de la première partie du roman. Une tragédie aux allures de Radeau de la Méduse, où les pulsions de survie se mêlent à celles de mort, où les âmes se révèlent, où les destins se font et se défont.

Il y a quelque chose d'ensorcelant et de déroutant à se laisser aller dans ce récit, comme si le lecteur dérivait lui-même dans une barque sans rame au milieu de l'océan. le personnage principal de ce récit n'est finalement rien ni personne d'autre que l'océan. Il est le grand articulateur, tantôt sujet d'observation tantôt matrice de transmutation, prodigue ou assassin, merveilleux et redoutable tout à la fois. Ce roman énigmatique déroutera plus d'un lecteur mais en fascinera bien d'autres par son pouvoir fabulatoire, son élégance simple et sa construction baroque.
Commenter  J’apprécie          236
C'est mon premier Alessandro Baricco, je découvre là, un auteur dont l'écriture et le style varié m'a captivé. Un peu comme dans une série policière, les suspens s'enchaînent, et pour chacun des personnages un dénouement singulier, heureux ou dramatique, dans les derniers chapitres. le livre est parcouru de dialogues, de récits mystiques, poétiques, philosophiques et parfois d'un contenu d'une violence inouïe, comme le passage faisant référence au radeau de la méduse, à donner froid dans le dos, mais au final, on retiendra la prose poétique de l'auteur et l'hymne à la mer, l'océan mer.
Commenter  J’apprécie          210
Plasson, Ann Deverià, Elisewin, padre Pluche, le professeur Bartleboom, Adams... Autant de drames personnels qu'ils sont de personnages. Entre maladie, adultère ou recherche d'inspiration, tous se retrouvent à la locanda Almayer. C'est un lieu étrange, peuplé de mystérieux enfants, en bord de mer.
La mer... Oceano mare... La mer est elle aussi un personnage à part entière dans ce roman, elle qui peut guérir les peines aussi bien qu'elle peut ruiner des existences ou rendre les hommes fous.

Oceano mare est un roman aussi singulier que l'auberge qu'il met en scène, aussi bouleversant que le massacre exposé dans la deuxième partie. Alessandro Baricco, fidèle à lui-même dans ce livre qui fut un de ses premiers, en 1993, nous enchante par la poésie de son style. Les héros sont à la hauteur de l'excentricité de ceux de la jeune épouse, mais quelle douceur, toujours, dans l'arrangement des mots !
Une fois de plus, je suis ravie de ma lecture !

Challenge XXème siècle 2021
Commenter  J’apprécie          180

La Feuille Volante n° 1280
Océan mer - Alessandro Baricco – Albin Michel .
Traduit de l' italien pare Françoise Brun.

Imaginez la pension Almayer « posée sur la corniche ultime du monde », occupée temporairement par sept étranges personnages de passage, venus au bord de la mer pour guérir leurs maux, un endroit où « on prend congé de soi-même ». Il y a là Elisewin, une fragile et sensible jeune fille de 16 ans à la voix de velours. C'est le père Pluche, un homme d'église, féru de prières interminables et pourtant bien peu religieuses, qui ne dit jamais ce qu'il faudrait dire, qui l'a amenée ici pour la guérir de son hyper sensibilité, le professeur Bartleboom qui observe la nature et écrit une étrange encyclopédie sur la limite des choses tout en cherchant désespérément l'amour, Plasson, l'ancien portraitiste en vogue qui ne finit jamais ses phrases et qui est venu ici pour faire le portait… de la mer, mais ses toiles, peintes à l'eau de mer, restent blanches pour la plupart ! Il y a entre ces deux hommes une sorte de point commun, une recherche folle, chacun à sa manière, de l'insaisissable. Annn Devéria quant à elle, vient ici avec son mari, pour guérir... de l'adultère, sans apparemment y parvenir. Elle est d'une certaine manière le pendant de Bartleboom qui cherche l'amour alors qu'elle veut l'oublier, Il y a aussi entre eux une forme de solitude, différente mais bien réelle, une quête impossible. Entre le docteur Savigny et Adams, dont le vrai nom et Thomas, a existé une histoire un peu floue : tous les deux sont les rescapés du naufrage de « l'Alliance » qui nous est raconté dans la deuxième partie de ce roman et qui ressemble à l'épisode du « Radeau de la Méduse » immortalisé dans un tableau de Géricault. Ce sont les mêmes scènes de panique qui ont transformé les hommes en animaux meurtriers, les ont rendus cannibales pour survivre. Entre eux le point commun est la vengeance puisque le Savigny serait l'assassin de la compagne de Thomas. Ce qui rapproche Elisewin est subtil, l'une ne connaît rien du monde où elle vit et l'autre en connaît trop. Il y a aussi les enfants dont le prénom aux accents magiques commence par un D, chacun semblant être un témoin de cette comédie qu'est la vie des adultes autour d'eux!

Il y a bien sept personnages qui ont entre eux une sorte de complémentarité, comme une sorte de puzzle étrange, mais le huitième, omniprésent, c'est la mer, censée guérir tous les maux de ceux qui sont venus ici, dans ce coin oublié de la planète où chacun est là, en attente de quelque chose qui ressemble peut-être à une renaissance, avec son histoire, ses interrogations, ses fêlures, ses espoirs .Tous la considère comme une panacée, mais c'est pourtant cette même mer qui a tué lors de  l'épisode du naufrage de « l'Alliance », celle qui détruisait aussi quand les habitants du littoral se transformaient en naufrageurs, Cet endroit où finit la terre et ou commence l'océan, avec son mystère ,est une sorte de transition entre deux mondes, ce lieu est étrange, cette pension est une antichambre face a un infini, plus vraiment la vie, pas encore la mort, un état temporaire et mystérieux comme l'est la septième chambre de cet hôtel son non moins mystérieux occupant.

Le texte aussi est mystérieux qui va de la période contemporaine au récit catastrophique du fameux « radeau de la Méduse » qui se désagrège comme disparaît à la fin du roman de cette pension. C'est un récit labyrinthique évoquant la vie dont chacun d'entre nous n'est que le simple usufruitier et qui se termine inexorablement par la mort, Il évoque le Sénégal et la France et tisse autour de lui une sorte de halo d'intemporalité, à la fois dépaysant, dérangeant mais aussi captivant, autant par l'histoire de chacun que par l'écriture.




© Hervé Gautier – Septembre 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com]
Commenter  J’apprécie          170




Lecteurs (2628) Voir plus



Quiz Voir plus

"Soie" tu sais ; "soie" tu sais pas !

Ce court roman est paru en France en...

1985
1997
2003

10 questions
257 lecteurs ont répondu
Thème : Soie de Alessandro BariccoCréer un quiz sur ce livre

{* *}