Ce matin, comme tous les matins, j'allume mon PC portable, prêt à attaquer une nouvelle journée de boulot à la maison. Plus de batterie… Je le branche, rien ne se passe. Je démonte la batterie, la remonte, toujours rien. Je me branche sur une autre prise de courant, nada.
Je souffle fort, ça va peut-être faire peur à ce p**** de PC. Même pas.
Je vérifie le reste de mon équipement électrique. Tout pareil, rien ne marche.
Enfin une piste. Je vais voir le disjoncteur avant de disjoncter, je relance… et c'est bon ! C'était juste une coupure de courant.
Pour une coupure de courant, j'étais à un demi-doigt de jeter mon PC du 4e étage en hurlant à la mort… Alors imaginez un peu si le courant disparaissait totalement… partout… le bordel !
C'est ce que raconte
Ravage, dystopie post-apo de
René Barjavel.
Paris, 2052. François, jeune ingénieur agricole attend les résultats de ses concours quand son amie d'enfance Blanche démarre une carrière d'actrice.
Tout d'un coup, pour une raison indéterminée - probablement une conséquence de la guerre déclarée entre les Etats-Unis du Nord et l'Empire Sud-Américain, mais cela n'est pas formellement précisé - le courant s'arrête, et tous les appareils, machines, véhicules cessent brutalement de fonctionner.
François décide de récupérer Blanche et de l'emmener en lieu sûr, dans leur village natal du Dauphiné. En chemin, il prendra la tête d'un petit groupe de personnes qui l'accompagneront dans son périple.
Barjavel est l'un des pionniers de la science-fiction française, et
Ravage l'un de ses romans les plus connus, aujourd'hui encore dans les programmes scolaires. le roman se déroule en quatre parties.
On découvre d'abord le monde de 2052, les évolutions technologiques et ce qu'elles ont apporté, les tensions entre les deux superpuissances mondiales, l'organisation et le mode de vie de la société. On y sent une défiance de l'auteur envers le progrès technique : affaiblissement d'une population de plus en plus assistée par toutes sortes de machines, surindustrialisation de l'alimentation, urbanisme futuriste tout en hauteur… On peut également y voir une satire de la société, ironisant volontiers sur les dérives de la population, ici les citadins parisiens déconnectés des réalités du monde, et du pouvoir en place, si sûr de lui, de son organisation et de sa force.
La deuxième partie traite de l'événement en lui-même et de ses conséquences directes : les machines arrêtées, c'est toute la société qui explose. le gouvernement est totalement dépassé par les événements, la population est dans l'incapacité de se nourrir, de se déplacer, etc. le monde devient totalement fou, avec des comportements irresponsables, violents… le contexte récent nous rappelle à quelle point la réalité pourrait un jour dépasser la fiction.
Dans la troisième partie, le groupe emmené par le héros a enfin quitté Paris et poursuit son chemin vers leur destination finale. le rythme est haletant, l'ambiance apocalyptique est ici parfaitement retranscrite et la tension est incroyable.
Enfin, le roman se conclut sur la description de "la société d'après"… à laquelle j'ai eu (étonnamment ?) énormément de mal à adhérer.
Le roman est ainsi à deux visages : d'un côté, son écriture parfois grandiose, au rythme intense, profondément pessimiste, proposant une réflexion profonde sur la chute de nos sociétés ; de l'autre une oeuvre sans doute trop marquée par son époque, sur la place de la femme par exemple. Je n'entrerai pas ici dans les discussions sur la portée parfois présumée de l'oeuvre, la situation et le contexte, notamment littéraire, de l'époque étant trop complexes pour apporter une réponse binaire à ce sujet.
J'ai ainsi adoré les trois premières parties, remarquablement bien écrites, dynamiques, inquiétantes dans ce qu'elles annoncent, tout autant que j'ai détesté cette conclusion présentant un monde que je n'espère pas voir un jour. Mais cette conclusion est-elle le reflet de la pensée de l'auteur - je n'ose y croire après avoir lu d'autres de ses oeuvres -, la conséquence d'un travail de censure constant à l'époque - possible quand on sait que les maisons d'édition étaient responsables devant les autorités de ce qui était publié chez elles -, ou une conclusion extrême pensée par
Barjavel pour alerter, faire réagir et - je l'espère - pousser à la réflexion ?
Une oeuvre à lire avec du recul et un vrai regard critique, mais qui n'en reste pas moins une oeuvre marquante, un livre majeur de la science-fiction française qui aujourd'hui encore fait des…
ravages (pardon).