Ce tome regroupe 3 histoires initialement écrites par
Clive Barker et transcrites en bandes dessinées.
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Clive Barker's the Thief of Always (1992, adaptation de
le Voleur d'éternité, en 3 épisodes) - Millsap est une ville résidentielle, vraisemblablement américaine, composée de pâtés de maisons bien carrés, avec des pavillons bien rangés, d'un ou deux étages. Dans cette ville dortoir, Harvey
Swick (10 ans) pense qu'il ne survivra par à l'ennui du mois de février, coincé entre la routine de l'école et le quotidien anémique du foyer. Un soir, Monsieur Rictus, un étrange individu en chapeau haut de forme (tuyau de poêle même, vu sa hauteur), s'introduit dans sa chambre et lui fait miroiter un ailleurs plus animé, plus enchanteur. Lors d'une deuxième rencontre dans la rue, Monsieur Rictus propose à Harvey d'aller jeter un coup d'oeil à cet ailleurs. Grâce à un pouvoir magique, il traverse un mur, et ils se retrouvent sur une pelouse ensoleillée, entourant une jolie demeure ancienne. Harvey vient d'apercevoir la Maison de Vacances. Il fait connaissance avec Madame Griffin (entre la gouvernante et la bonne à tout faire) et 2 enfants Lulu et Wendell. Une vie merveilleuse et insouciante peut commencer. Il y a aura bien sûr un prix à payer.
Clive Barker se fait connaître en écrivant une série de nouvelles regroupées dans sous le titre de Livres de sang (Books of blood, 1984/1985) qui redonnent un coup de fouet aux récits d'horreur pour adultes. Par la suite, il écrira aussi quelques livres pour un public plus jeune, tels que "Thief of Always". L'adaptation est réalisée par
Kris Oprisko, et transposée en bande dessinée par
Gabriel Hernandez (dessinateur également de The suicide forest).
Premier constat : si l'on ne sait pas que cette histoire était à l'origine un livre, il n'y aucun moyen de le déceler. le travail de transposition est parfaitement exécuté et le récit coule naturellement comme s'il avait été conçu pour la bande dessinée à l'origine. Deuxième constat : ce récit s'adresse surtout à un jeune lectorat. Il est raconté comme un conte mettant en scène Harvey
Swick comme le héros de l'histoire, un enfant courageux et plus intelligent que les autres ayant séjourné à la Maison de Vacances. Les aventures d'Harvey Swift s'apparentent à celles d'un enfant atteignant le pays de Cocagne et prenant conscience petit à petit du prix à payer. le récit réserve plusieurs surprises et même s'il peut paraître dérivatif d'une des situations de Pinocchio, le déroulement des péripéties s'avère assez original pour retenir l'intérêt du lecteur. Par contre, rapidement, les dialogues d'Harvey Swift s'éloigne de toute crédibilité par rapport à la manière de s'exprimer d'un enfant de 10 ans. le second niveau du scénario ne propose pas grand-chose d'autre qu'une illustration de "there's no such thing as a free lunch" et "à coeur vaillant rien d'impossible".
Le style graphique de
Gabriel Hernandez rend l'histoire plus intéressante. Il utilise un rendu un peu crayonné, un peu esquissé, à base de traits très fins. Les dessins ne cherchent pas à faire joli, mais plutôt à mettre en évidence la bizarrerie de chaque chose. Cela commence avec le sourire démesuré de Monsieur Rictus qui est plus large que son visage. Cela continue avec le visage de Madame Griffin très ridé, avec une forme à mi-chemin entre simiesque et momifiée. En fonction de la scène, il va remplir les cases de détails et d'objets pour montrer la richesse de la Maison de Vacances, ou alors il va se concentrer sur quelques éléments et surtout retranscrire l'ambiance de la scène. Hernandez réalise également la mise en couleurs par le biais d'aquarelles précises, très inspirées et se cantonnant aux contours délimités à l'encre. Dans ses libertés maîtrisées avec la réalité,
Gabriel Hernandez offre un spectacle très personnel qui devrait plaire aussi bien aux plus jeunes qu'aux lecteurs plus âgés.
À partir d'un récit destiné aux enfants,
Kris Oprisko réalise une transposition exemplaire en bande dessinée. L'histoire est assez classique et le niveau d'horreur la destine effectivement à des enfants d'une dizaine d'années. Les qualités graphiques des illustrations en font une lecture sympathique pour un adulte. 4 étoiles.
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The great and
secret show (2006/2007, scénario de
Chris Ryall, dessins de
Gabriel Rodriguez, en 12 épisodes, adaptation de
Secret show) - Randolph Jaffe (un célibataire tassé et peu avenant) est affecté dans un bureau de poste qui traite tous les courriers égarés de la poste américaine, dans la ville d'Omaha, dans l'état du Nebraska. Au fil de ses journées passées à ouvrir des lettres et des colis perdus, dans une pièce en sous-sol, il finit par subodorer l'existence d'une forme de pratique magique dénommée Art. Il est fasciné par ce concept et il déniche Kissoon, l'un des derniers pratiquants de cet Art. Malheureusement la rencontre ne débouche pas sur une entente. Il décide alors de faire équipe avec un chercheur scientifique peu conventionnel : Richard Wesley Fletcher. Ce dernier a mis au point une substance liquide appelée Nuncio qui permet de faciliter l'accès à cet Art. L'objectif de Jaffe est d'accéder à une mer appelée Quiddity. Cette quête va se poursuivre avec la génération suivante, en particulier les jumeaux Jo-Beth et Tommy Ray, et Howard Katz, dans la ville de Palomo Grove en Californie.
Adapter un livre en bande dessinée est un pari risqué. le scénariste doit trouver le bon équilibre entre la fidélité au texte et l'obligation de convertir les scènes en utilisant les codes narratifs spécifiques à la bande dessinée. le dessinateur doit donner une apparence aux descriptions du romancier, avec le risque de choisir des visuels très éloignés de la représentation mentale des lecteurs du roman. La scène d'ouverture est remarquable de justesse. Rodriguez donne une apparence mémorable et légèrement dérangeante à Randolph Jaffe. Il dessine une pièce des lettres perdues crédible, sans être stéréotypée. Il arrive à faire passer le caractère obsessionnel et compulsif de Jaffe. Ryall choisit le bon dosage de texte pour compléter les dialogues par quelques phrases densifiant le niveau d'informations, sans que le lecteur ait l'impression de lire des extraits du livre. Puis arrive la rencontre avec Kissoon. La première page montre comment Jaffe dérive légèrement de la réalité traditionnelle pour se retrouver devant Jaffe : même dextérité des auteurs à transcrire la sensation décrite par Barker, et à ne conserver que le strict nécessaire en termes de prose. Arrive le dialogue entre Jaffe et Kissoon, et là les auteurs perdent le bon dosage. La mise en scène est plate, les dialogues ne font qu'énoncer les informations, sans sentiments ou empathie.
Le roman initial de
Clive Barker compte plus de 600 pages, et en fait il s'avère difficile de faire tenir tout le roman en seulement 265 pages de bande dessinée. Donc parfois, Ryall et Rodriguez doivent gaver quelques scènes d'un maximum d'informations pour pouvoir tout raconter, ou plutôt pour pouvoir caser toutes les informations nécessaires à la compréhension de l'intrigue. Contrairement à une bande dessinée originale, les 2 auteurs n'ont pas toujours la latitude concevoir et d'organiser chaque scène en fonction du médium dans lequel ils racontent leur histoire. Cela ne veut pas dire que le résultat est médiocre, ou même mauvais ; cela veut dire que certains passages sont 100% dédiés à fourguer les informations au lecteur de manière artificielle. Malgré ce défaut, Ryall parvient à transposer les concepts inventés par Barker, sans les dénaturer, que ce soit Quiddity, le culte Shoal, le Cosm et le Métacosm, etc. L'histoire se déroule de façon logique, la majeure partie des personnages dispose d'une épaisseur suffisante. Mais le lecteur sent bien que certaines choses ont dû être sacrifiées. Par exemple le personnage d'Howard Katz semble bien falot. Il est vraisemblable que Ryall a dû élaguer les scènes où il apparaît jusqu'à le réduire à un dispositif narratif, plus qu'un individu pleinement développé.
Le travail de
Gabriel Rodriguez est tout aussi délicat. le lecteur de "Locke & Key" reconnaîtra aisément son style, avec quelques maladresses qui ont disparu par la suite. Il a tendance à utiliser les yeux agrandis de manière un peu trop systématiques, et sa mise en scène des dialogues est terriblement figée. de même la première manifestation de l'Art pendant le premier combat entre Jaffe et Fletcher donne l'impression d'assister à des décharges d'énergie entre superhéros et supercriminel, plutôt qu'à la manifestation physique d'une énergie extradimensionnelle. de la même manière, le passage sur Ephemeris sent le manque d'inspiration pour transcrire la qualité magique du lieu. Enfin, les dessins de Rodriguez deviennent peu crédibles quand l'influence des mangas ou de
J. Scott Campbell est trop présente (le passage des souvenirs sur Ephemeris).
Par contre, il dispose déjà d'un sens inné pour donner une apparence mémorable aux personnages. le faciès de Randolph Jaffe est inoubliable. Il porte à la fois la marque de son manque d'empathie pour son prochain, mais aussi une forme d'ambiguïté qui correspond à ses actions tout au long du récit. Il n'est pas possible de le détester complètement (et pourtant...). Avec la même dextérité, Rodriguez donne vie à Raul, une créature simiesque doté d'une conscience limitée. Dans le deuxième épisode, plusieurs jeunes femmes se livrent à un jeu de la séduction assez particulier, fort bien rendu qui transcrit à la fois leur charme et l'obscénité de leur démarche. À plusieurs reprises, Rodriguez montre une inventivité maîtrisée pour donner une forme visuelle aux créations ébouriffantes de
Clive Barker. Par opposition aux décharges d'énergie magique trop conventionnelles, il trouve une solution graphique discrète et efficace pour le Nuncio, ou pour l'incroyable demeure du comique Buddy Vance. Il crée plusieurs décors remarquables (mais qui disparaissent parfois pendant plusieurs pages).
Cette adaptation en bande dessinée d'un roman de
Clive Barker est divertissante d'un bout à l'autre et elle transcrit fidèlement plusieurs des concepts du roman. Ryall a l'art et la manière d'extraire la substantifique moelle de l'histoire, et Rodriguez sait imaginer des visuels mémorables qui capturent l'ambiance du roman. Mais ces capacités trouvent leur limite face au volume d'informations à inclure, et les scènes d'exposition souffrent parfois de leur nature trop unilatérale, de même que les personnages souffrent parfois de coupes sombres qui les réduisent à une esquisse. 4 étoiles.
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Seduth (un court récit original de
Clive Barker et Chris Monfette, avec des illustrations de
Gabriel Rodriguez) - Il s'agit d'une forme de poème en prose, avec des illustrations plus évocatrices que figuratives qui retranscrit bien la séduction des écrits de cet auteur pour l'anormalité. 4 étoiles.