La Nature a joué un grand rôle d'éveilleuse dans la vie créatrice de Romain Rolland. Il conte comment sa mère, en septembre 1882, le mena avec sa soeur en Suisse où il soignait sa gorge (...) : " C'est le grand paysage classique, d'avant Rousseau. L'harmonie pleine et calme, aux accords consonants, finement instrumentée, sans cuivres inutiles (....). Pourquoi donc est-ce ici que la révélation m'est venue, ici et non ailleurs ? Je ne sais. Mais ce fut un voile qui se déchire. L'esprit, vierge voilée qui s'ouvre sous l'étreinte, sentit se ruer en lui la mâle ivresse de la nature. Et, pour la première fois, il conçut...(...)
tout prit son sens, tout s'expliqua; et dans cette même seconde, où je vis nue la Nature et où je la "connus", je l'aimai dans mon passé, car je l'y reconnus. Je sus que j'étais à elle, depuis mes premiers jours, et que je l'enfanterais...
Le Voyage intérieur
Dans une page d'hommage à Gustav Mahler, Romain Rolland a dit " l'effet de la musique allemande ( Mozart, Gluck) sur un petit provincial français ". A sa mesure, inquiétude, refuge, élévation, la musique fait son lit dans ce coeur qu'elle trempe contre l'indifférence en matière de sensibilité. Coeur pur, coeur blessé.
C'est à sa mère qu'il doit cette ouverture du coeur, cette culture de la sensibilité. " D'elle m'est venu le sens et l'amour de la musique, le sentiment religieux, l'indépendance irréductible de l'âme à l'égard du monde et de l'opinion..."
L'enfance
Devant l'abîme, Romain Rolland avoue avoir éprouvé le vertige, presque la tentation du suicide, comme son Christophe. Quels furent alors ses soutiens ? La nature, d'abord, pressentie (...) après le premier contact avec la Suisse. Depuis lors, les montagnes lui donnent des satisfactions et jusqu'à des transports physiques. En même temps, de ses lectures philosophiques (...) ne tarde pas à se dégager une conception métaphysique où cet instinct se fonde en raison et s'élargit en croyance. Dans cette âme dont la foi s'est désagrégée au contact de la Ville, un éclair fait jaillir de l'Ethique de Spinoza un " élixir de vie éternelle". (...)
Dans des pages d'un lyrisme grandiose et apparenté -sans doute consciencieusement- à l'extase de Pascal, il nous persuade que cette lecture rétablit en son esprit la communication perdue entre la Nature, Dieu et lui-même.
Crise de l'adolescence
Il précise un peu plus loin, dans les mêmes Mémoires : "Je m'étais en effet gorgé de Berlioz, de Beethoven, de Wagner, pendant tout l'hiver (1883-1884). La révélation beethovénienne était venue par la septième Symphonie de l'impérial Concerto en mi bémol, imprimé dans ma chair par la griffe souveraine d'Anton Rubinstein. 1884 marque le plein de ma conquête par Beethoven et Wagner."
La musique
Sous le symbole de l'Oeil il a désigné, dans ses notes du Voyage intérieur, ce don qu'il pensait posséder de voir au loin : en 1914, au delà de 1940, et toujours plus loin. La grande vision qui l'a agité est celle de la ruine de la civilisation, de la montée des Barbares, du dedans et du dehors.
Par dela