Revoici les demoiselles de l'Empire.
La série est bien envisagée.
Chacune suivra son destin, tout en permettant aux lecteurs d'accompagner celui difficile du dirigeant de l'époque, Napoléon 1er.
Nous avions fait connaissance dans le tome 1 avec les différentes jeunes filles qui régaleront les tomes.
Toutes inscrites au pensionnat de la Légion d'Honneur de Saint-Denis (Paris), grâce aux services rendus de leurs parents officiers, elles appartenaient à un forme de programme historique visant à en faire la fine fleur des nouvelles épouses de qualité selon la nouvelle utopie Napoléonienne.
Elles se lièrent d'amitié, venant d'horizon diverses, d'origines diverses et elles nous permettaient de découvrir la société française du XIXème siècle, un peu bouleversée par les changements de régime politique très fréquents.
Napoléon avait chassé les nobles et la Monarchie, apporté une forme d'équité sociale, c'est en tout cas ce qui était prévu mais hélas il était difficile de mettre tout le monde d'accord, de leur faire suivre ses grandes ambitions de conquêtes pour le pays.
Les batailles de Napoléon se solderont par une forte résistance d'alliances étrangères, par un abandon progressif de son peuple, faisant basculer le pays, reflétant internationalement une nature française instable et régulièrement insatisfaite, tombant du pouvoir Monarchique à l'Empire puis inversement.
Les inclinaisons contradictoires des moeurs de l'état feront réfléchir à la fin du tome dédié à Héloïse.
Les bonnes amies furent séparées avec la fin de la scolarité et les ambitions que les familles mettaient en place pour elles, quand elles avaient encore une famille avec des moyens.
Les autres demoiselles auront-elles autant de chance qu'Héloïse, qui ne finira pas vieille fille, institutrice au Pensionnat et se mariera avec un noble respectable ?
C'est au tour de Blanche d'avoir son tome consacré.
Blanche avait un pedigree différent de ses camarades.
Fille de noble, elle échappa aux assauts de la Révolution et à la guillotine.
Tandis que sa famille réussit à prendre la fuite en Allemagne, elle fut placée à la charité du nouvel état dans le pensionnat de la Légion d'Honneur, promise à une honorable reconversion salutaire.
Avec le retour à la Monarchie, c'est son frère ainé qui viendra la récupérer à la fin de ses études, craignant déja que l'Empire ait perverti sa nature à un esprit trop populaire.
Là aussi, les nobles semblent avoir une idée précise et correcte de la place de l'esprit féminin au sein de sa société.
Quel suspens pour cette famille retrouvée qui l'attend en Allemagne (la Prusse)!
Ah, oui, autre chose: elle songe déja à la marier.
Elle est en âge et puis, il faut songer rapidement à la placer cette pauvre brebis noble égarée.
Car ce qu'il faut comprendre, c'est qu'avec sa nouvelle éducation, notre Blanche est peut-être déja perdue.
Il y aura tout à refaire dans cette relation frère taiseux et soeur de l'Empire. de parfaits étrangers.
Gwenaële Barussaud arrivera à conjuguer le charme pincé parisien et la simplicité provinciale sur leur sillage pour arriver à destination.
De quoi les soupeser l'un et l'autre pour notre regard de lecteur.
Nous sourirons de bon coeur.
Si Héloïse peinait à trouver sa place dans cette société refaite, Blanche, en revanche, connait sa place et s'y accroche.
Bien qu'amie tendre de la bande d'Héloïse et Nancy, elle semble avoir un honneur à regagner, levant le sourcil devant tous les éléments exotiques de passage, reprenant contact avec de grandes prétentions.
Nous le souhaiterons, pourvu qu'elle s'éloigne du personnage étonnant d'Athénaïs (mon dieu, nous nommons cette fourbe d'Athénaïs. Nous vous renverrons à l'aventure d'Héloïse).
Les récits de Barussaud ont ceci d'intéressant, se mettre dans la peau de l'autre, à une autre époque que la nôtre et être capable de prendre du recul.
Les raisons et la cruauté sociale mises à part, l'auteure arrivera en tous cas à nous mettre en évidence une sorte d'équité de la violence, un dent pour dent, oeil pour oeil malaisant.
De la même façon que certains nobles pouvaient, selon nos ouvrages de référence, se montrer cruellement indifférent au sort du peuple qui avait faim, le peuple se montrera tout aussi inhumain, ne faisant aucune distinction entre le statut social et l'homme, légitimant l'exécution d'un côté plus que l'autre.
Les lecteurs ados ne souhaiteraient pas nécessairement vivre à cette époque "bénie" des princes et des princesses.
Tentez de vous demander quelle serait votre place à cette époque, vous verrez, c'est intéressant.
À quoi je crois ? À quoi ressembleraient mes journées ? Pourrais-je être ami(ie) avec tout le monde et si non, pourquoi ?
L'intrigue principale devrait aussi, là aussi, retenir l'attention des ados lecteurs, sur les réalités d'un autre temps.
Quelles perspectives d'avenir se proposaient à une jeune demoiselle de 20 ans dans le contexte qui est celui des jeunes filles de la pension?
Que choisir entre un mariage ou un emploi d'institutrice au sein de l'établissement qui les obligerait au célibat?
Les perspectives pour Blanche, maintenues dans la tradition des nobles de sa famille, ne l'aiguilleront que vers un seul destin, puisque sans ressources: le mariage de convenance, pour lier des familles du même rang et faire perdurer les lignées de la noblesse dans les temps futures.
Et le bonheur dans tout ça? Nous vous laisserons le loisir de lire la réponse de Louis-Athanase à ce sujet.
Cela semble un vrai luxe bien au dessus du luxe lui-même.
Comme Héloïse, malgré l'époque et les moeurs, Blanche tentera d'influer sur son propre destin avec les quelques cartes qu'elle aura en main et c'est passionnant.
Tenant compte des péripéties historiques bien fouillées par l'auteure, l'aventure tirera l'héroïne hors de l'ornière d'infortune dans laquelle sa société l'aura déviée et la ramènera par ses propres moyens vers la France, loin d'un prétendant indigne.
Cela sous-entend de se débrouiller seule pour une demoiselle, sur les chemins qui traversent une Prusse très revancharde des actions passées des troupes napoléoniennes françaises, déguisé dans un des costumes d'officier de son frère.
Avec peu de choses, qui prennent en revanche de l'ampleur pour le contexte,
Gwenaële Barussaud offre du bon spectacle à la lecture.
On ne s'ennuie pas une seconde.
Comme pour le tome 1, la narration de l'aventure et les correspondances écrites des filles, tentant de préserver le fil du contact entre elles, alterneront.
Qu'adviendra t-il de la noble Blanche sans un soutien bien placé?
Cela sera à découvrir.