Après sept années d'amour, Ana, comédienne et chanteuse, rompt avec le narrateur, Pierre, via un SMS le 2 janvier 2018. Tout s'effondre pour lui ; il va tenter de se reconstruire par l'écriture de ce livre et par de très longues marches dans la nature.
La douleur de la perte d'Ana est exacerbée par le procédé utilisé, un SMS, court, tranchant, sans appel, lâche car il exclut tout dialogue, toute explication, toute tentative de ramener Ana à lui. Avec ce SMS comminatoire, il se sent comme « effacé », jeté à la poubelle électronique, comme si ces sept ans d'amour n'avaient jamais existé.
La modernité, en général, ne trouve pas grâce aux yeux de l'auteur qui déteste l'architecture moderne qui, selon lui, défigure Paris ; il rejette également les réseaux sociaux où l'intimité s'expose sans filtre.
Pour redonner de la chair, de la réalité à son amour et également pour dépasser la douleur qui l'envahit, Pierre va coucher des mots sur le papier et marcher jusqu'à l'épuisement physique pour anesthésier le corps tout en permettant à l'esprit de vagabonder pour convoquer les souvenirs, leur donner un sens dans ce qui lui arrive.
Marcher, c'est se (re)connecter avec la vie, avec soi-même, c'est méditer, c'est cheminer moralement et spirituellement, c'est épuiser le corps pour atteindre l'esprit, c'est laisser sur le chemin ce qui vous alourdit, vous freine ; on ne peut s'empêcher de penser aux pèlerins de St Jacques de Compostelle ou à ceux du Tro Breizh, le pèlerinage breton pour lesquels la dimension religieuse n'est pas forcément l'essentiel.
Ecrire, c'est donner un sens à ce que l'on vit, c'est se vider de la peine, du chagrin, c'est exorciser le malheur, c'est se vider de ce qui fait mal, c'est comprendre.
Ce roman est une ode à l'espoir car Pierre renaît à la vie, l'écriture et la marche lui ayant permis de dépasser sa douleur.
Ce texte est aussi prétexte à rendre hommage aux petites villes de province à travers Bernay, dans l'Eure, en Normandie, pleines de charme mais qui se meurent avec les services publics qui disparaissent les uns après les autres, les commerces qui ne résistent pas.
Le début de l'année 2019 voit les hommes s'épancher sur leur chagrin d'amour, se mettre à nu, exposer leur souffrance dans des textes pleins de déchirement, de mélancolie, de tristesse comme «
Rompre » de
Yann Moix, «
Lettres à Joséphine » de
Nicolas Rey et « Sensi » de
Serge Bramly ; ces voix d'hommes déchirés démontrent, s'il en était besoin, que ces messieurs peuvent aussi être détruits par un chagrin d'amour, que la douceur n'est pas toujours du côté où on croit la trouver.
Beau moment de lecture d'un texte magnifique même si le caractère très littéraire de l'écriture et quelques digressions dont on comprend mal l'objectif limitent parfois l'empathie que l'on pourrait ressentir pour Pierre.