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Arrêt sur étroiture (Éditions Société des Écrivains, 2007). “Ce titre est l'expression de la fracture de notre société. Une fracture symbolisée par un choix multiple de lieux de passage aussi étroits les uns que les autres : l'embarcation de fortune prise d'assaut par le clandestin en route vers les Canaries; le tunnel de la manche propice au fugitif qui veut rejoindre un autre rive; les vagues de la mer qui emportent les plus malchanceux des fugitifs ou ce tarmac d'un aéroport qui se découvre un matin avec un passager caché dans le train d'atterrissage de l'avion. Ces lieux de passage restent infranchissables parce qu'ils sont ultra étroits, protégés et interdits aux non ayants droit. L'arrêt, c'est l'instant où l'on investit un lieu où on n'a pas été attendu; c'est l'heure à laquelle on souhaite se trouver de l'autre côté de la frontière et prétendre à une vie digne. Certes, on s'arrête, par frayeur de se coincer dans une étroiture. On s'arrête devant un gouffre qui commence par une étroiture délicate à négocier. Mais, a-t-on le choix devant les contraintes environnantes de la vie ? A-t-on le choix une fois poussé près de la falaise au-dessus de l'abîme, une fois agressé par sa propre société, une fois victime de la répression et de la destruction ? On affronte l'étroiture, par souci d'aller voir de l'autre côté, même inconnu, pour vivre. On accepte les conditions de passage, même les plus humiliantes, en ce lieu étroit. Pour exister ! Ils sont peu nombreux ceux qui passent les mailles du filet et accèdent à l'impénétrable. L'après étroiture n'est pas mieux. Une fois de l'autre côté, on frôle le vertige. C'est la désillusion, la souffrance, la résignation voire le silence.
Arrêt sur étroiture est un questionnement perpétuel que je me pose sur les responsabilités des uns et des autres dans ce qui nous arrive. Dans cette tendance à privilégier l'Avoir à l'Etre.” Dans le recueil de poèmes
Arrêt sur étroiture de
Cikuru Batumike résonnent les cris de désespoir de tous les exilés de la terre, de tous ces « sudistes » qui nourrissent les contingents d'immigrés échoués en Occident. Ceuta, Melilla, Sangatte, Lampedusa, mais aussi le Rwanda ou la République Démocratique du Congo servent de théâtres aux drames du déracinement et du racisme « ordinaire ». Interview de
Cikuru Batumike, un écrivain bouleversé par les injustices de ce début de XXIe siècle, recueillie par Béatrice Roman-Amat in La voix des sudistes, Quinzaine littéraire, 16 décembre 2007.
Lien :
http://cibamike.wordpress.com/