David Weiss est un dessinateur judiciaire talentueux et un artiste qui réalise des portraits-robots pour la police. Ce n'est pas uniquement pour croquer en coulisses les acteurs d'un procès médiatisé qu'il revient à Calista sa ville natale, mais aussi parce que 26 ans plus tôt, enfant, il a été témoin d'un crime irrésolu dont l'onde de choc a provoqué le suicide de son père et l'éclatement de sa famille.
« Une femme de la haute assassinée dans son nid d'amour », c'est ainsi que le quotidien local a résumé à la une, le meurtre de Barbara Fulraine, riche bourgeoise divorcée, et de Tom Jessup, son jeune amant et professeur de ses enfants, au Flamingo Court, un motel minable dans une zone commerciale minable.
Pourquoi David tient-il tellement à exhumer cette affaire ancienne ? Dans quel but ? Elucider les meurtres du Flamingo Court, absoudre son père, ou quelque chose de plus profond, comprendre Barbara, la femme qui est au centre de cette toile de mobiles contradictoires et de loyautés conflictuelles ? Parce que ses souvenirs d'enfance le hantent, David ne souhaite pas recueillir de nouvelles informations mais plutôt se faire une idée exacte, sentir les événements tels qu'ils se sont déroulés, dévoiler les éléments enfouis, creuser en profondeur, arracher les couches protectrices, sonder
l'inconscient de ceux qui ont, de près ou de loin, joué un rôle dans le drame.
A partir de cette trame,
William Bayer construit un roman éblouissant et dense dans lequel les intrigues et les vies s'enchevêtrent, l'atmosphère étouffante et la tension érotique s'alourdissent au fil des pages, mais c'est surtout pour l'auteur l'occasion de présenter au lecteur une galerie de personnages sombres et torturés : Barbara, l'héroïne, femme blessée, mal-aimée par sa mère, mariée, pour accéder à un statut social privilégié à un homme puissant dont elle a divorcé, et dont la petite fille, Belle, a été kidnappée et jamais retrouvée. Barbara se décrit comme une nymphomane, une femme perdue, qui monte les hommes comme elle monte ses chevaux, maîtresse officielle d'un caïd de la pègre locale, propriétaire d'un casino illégal, maîtresse également de Tom Jessup, un prof timide et terne avec qui elle partagera la mort. Tous les éléments de la vie de Barbara semblent converger vers une issue tragique, tout dans sa manière de le cacher révèle son chagrin.
William Bayer dresse également le portrait approfondi du père de David, psychiatre de Barbara, qui a vu en elle et dans son rêve récurrent «
le rêve des chevaux brisés », un cas psychanalytique fascinant susceptible de surpasser celui rendu célèbre par
Freud, «
l'homme aux loups ». Tous les personnages sont intéressants, du chroniqueur mondain qui colporte les derniers ragots des happy few de Calista, au commissaire retraité qui n'a jamais digéré l'échec de son enquête sur le meurtre, en passant par le photographe qui ne dédaigne pas les photos sado-masochistes, le barman du Waldo qui sait tout sur tout le monde, ou Pam, journaliste pour CNN, femme généreuse et compatissante dont David tombe amoureux.
Ce roman m'a subjuguée de la première à la dernière page. Lisez-le, vous comprendrez mon enthousiasme.