Une Miss Marple des temps modernes ? Présentée comme telle, la dame n'a pourtant pas grand-chose à voir avec la délicieuse mais sage vieille fille sortie de l'imagination d'
Agatha Christie. Certes, elle est anglaise, habite un charmant cottage, dans un village des Cotswolds, et est célibataire et enquêtrice amateur. Mais sa cuisse est bien plus légère et son humour, bien qu'anglais, beaucoup plus vachard. A vrai dire, c'est sans grand enthousiasme que je suis allé à la découverte de ce premier roman, me méfiant de ces « detective novels cosy corner » aux couvertures pastel, au ton léger, sans atmosphère ni suspense, ni mystère réels. C'est un voyage à Chypre qui m'a décidé de choisir ce roman en particulier. Et, de fait, j'ai reparcouru les étapes de mon voyage dans la partie nord de l'île, sous occupation turque. A la différence d'Agatha, je séjournais dans la partie grecque. Sur les pas de Miss Raisin, je me suis retrouvé à Kyrenia, dans la vieille ville de Famagouste, au château de Saint-Hilarion, à l'abbaye de Bellapais… sur les traces de nos ancêtres bâtisseurs, les Lusignan, rois de l'île. Et j'ai apprécié une lecture très vivante, rythmée, agréable, ponctuée d'un humour permanent. Bien que sans réelle épaisseur, sans mystère haletant, ni réel suspense, ni description un peu dense propre à créer une « atmosphère », j'ai regagné mon lit chaque soir avec plaisir pour retrouver Agatha et ses déboires amoureux, son sex-appeal incertain, accompagnée de touristes so British (du snob au populo en passant par la créature glamour trash). Un bémol cependant. J'ignore d'ailleurs si cela reflète les convictions des Britanniques dans leur ensemble : l'auteure, à travers les dialogues de ses personnages, laisse libre cours à des opinions qui peuvent être jugées choquantes : pourquoi la partie occupée par la Turquie n'est-elle pas internationalement reconnue ? Il est aussi question de villageoises turques et de leurs enfants enterrés vivants par les Grecs (après recherche, c'est l'inverse qui se serait produit). Agatha et ses compatriotes se sont d'ailleurs installés dans la partie turque et non grecque. Par ailleurs, lorsque Miss Raisin évoque le village de Karmi (que j'ai visité), c'est sans aucun état d'âme qu'elle nous apprend que les Britanniques ont acheté en majorité les maisons de ce village grec que les Turcs leur ont vendues… Pas un mot sur les propriétaires grecs spoliés. Si l'on met de côté ces allégations et opinions douteuses, l'histoire nous embarque agréablement, sans toutefois laisser un souvenir vivace. Un moment de « lecture - séjour estival » agréable pour ceux qui ne partent ni à Chypre ni ailleurs.