Clémentine Beauvais :
Brexit Romance. Sarbacane
Résumé :
A Londres, un an après le Brexit, Justine Dodgson crée une start-up secrète,
Brexit Romance, qui a pour but d'organiser des mariages blancs entre Français et Anglais : ainsi les Français qui le rêvent pourront s'installer en Angleterre, et les Anglais obtenir un passeport français, et donc Européen, au bout de 5 ans de vie commune. Un joli pied de nez au Brexit !
Sa route va croiser celle de Marguerite Fiorel, jeune soprano Française, venue à Londres pour chanter dans Les Noces de Figaro, accompagnée de son professeur Pierre Kamenev. Marguerite est une orpheline de 17 ans, imprégnée de lectures classiques anglaises : elle est enchantée de découvrir enfin l'Angleterre et rêve de croiser un ou deux aristocrates tout droit sortis de ses romans de prédilection. Justement, Cosmo Carraway, vieil ami aristo de Justine, cherche une épouse française…
Mon avis : Il est difficile de rendre un juste hommage à ce roman, après avoir baigné dans la plume étincelante de finesse, d'humour et d'intelligence de
Clémentine Beauvais…
Les personnages ont tous beaucoup d'épaisseur : Marguerite (eh oui, Marguerite !) est adorable, touchante dans sa fraicheur naïve de jeune fille qui découvre la haute société et ce qui se cache derrière les lustres en cristal et l'argenterie. Par certains côtés elle fait penser au personnage d'Audrey Hepburn dans Breakfast at Tiffany's (il y a d'ailleurs un clin d'oeil à Tiffany's dans le roman…). Son mentor Pierre Kamenev est une sorte d'ours grincheux, tout droit sorti, lui, d'un roman russe.
Justine, quant à elle, est pétillante, hyperactive, à l'affût des moindres « Like » et « Love » que lui valent ses posts sur les réseaux sociaux. Son opposition au Brexit est à l'origine de son projet ; elle est idéaliste et se démène pour trouver des époux compatibles, en oubliant que l'amour pourrait bien pointer son nez dans ces histoires de mariage…
Cosmo, lui, est un jeune aristocrate qui ne souhaite pas trahir son milieu, tout en étant conscient de ses travers. Ses excès de cynisme le rendent parfois antipathique, car il se joue de la candeur de la jeune Marguerite…
Tout ce petit monde se croise et, surtout, dialogue beaucoup, ce qui met en évidence un des points forts du roman : la langue.
Clémentine Beauvais a su retranscrire en français les tournures de phrase britanniques, de façon à ce que l'on ait l'impression, en lisant du français, de lire de l'anglais, langue « absolument indirecte et totalement peu claire, et pourtant d'une grande précision dans son vague absolu », à grands renforts de « I'm afraid » et autres tournures qui perturbent Marguerite, car elles semblent dire le contraire de ce qu'elles signifient.
Tout cela est extrêmement drôle : les dialogues sont savoureux, les quiproquos amusants. Mais
Clémentine Beauvais n'hésite pas, sous son humour ravageur, à décrire la société anglaise contemporaine et ses difficultés : les inquiétudes liées au Brexit, la montée des extrémismes et du conservatisme, les coûts exorbitants des études pour les jeunes, etc. On aurait envie de poser à
Clémentine Beauvais la question que Marguerite pose souvent à Cosmo, souhaitant percer le sens caché de ses paroles : « Vous plaisantez, Cosmo ? » « mais bien sûr que non, dit Cosmo, je ne plaisante jamais »
« Est-ce que vous plaisantez, Clémentine ? »
Citation : P 36 : « Justine connaissait quelques-uns de ces couple binationaux, qui parvenaient à supporter, côté français, la timidité maladive, côté britannique, le tempérament invraisemblablement confrontationnel, de la personne qu'ils aimaient ».