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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Avec Décomposée, Clémentine Beauvais m'a bluffée. À partir d'un poème de Charles Baudelaire, La Charogne, - et je dirai même à partir du dernier mot de ce poème "décomposés" devenant "décomposée" et du même coup le titre du livre- l'auteure imagine la vie de cette charogne abandonnée au bord du chemin. le texte se déroule en vers libres pour nous conter le destin de Grâce tel que Jeanne Duval, la compagne de Charles Baudelaire, l'a perçu. Bien au-delà de la charogne, elle a ressenti la femme qui a lutté pour s'en sortir dans un monde régi par les hommes, la révolte et la rage qui lui ont serré le coeur de plus en plus fort face aux souffrances que subissent les femmes de son entourage, ses petites soeurs.
Je ressors conquise de ma lecture, j'ai tout aimé dans ce texte, son originalité, sa poésie décapante, sa portée féministe. Je suis admirative devant le travail de Clémentine Beauvais. Dans la dimension poétique de son écriture, dans la construction de cette histoire captivante qui s'intensifie au fil des pages, dans la réflexion qu'apporte le texte sur la place des femmes dans cette société, tout est bien huilé, parfait. Un gros coup de coeur.
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Tu sais bien, lecteur, que je ne goûte plus aux délices poétiques depuis fort longtemps. La faute aux professeurs de lettres, peut-être, qui n'ont jamais laissé le nectar s'instiller en moi et qui, à force d'en décortiquer la substantifique moelle, l'en ont dépossédée à mes yeux. La faute, peut-être aussi aux romantiques et à leur verbe dégoulinant, aux abus de langue, de verbe et de procédés éculés, que sais-je ?

Quelle claque, prise en plein coeur, que ce roman-poème ! Il m'a fait renouer avec mes premières amours de lettrée et j'en suis encore toute bouleversée. Et si la charogne de Baudelaire pouvait parler, lecteur, que dirait-elle ? Que serait-elle ?

Dans un verbe d'une infinie beauté, aux rythmes ciselés, à la pagination étudiée, il raconte : ce qu'on fait aux femmes depuis qu'elles sont femmes et même un peu avant. Ce qu'on fait aux femmes depuis que le monde est monde, lecteur. Ceci est un cours d'eau qui déborde, un long cheminement de la mort à la mort, un manifeste féministe peut-être aussi, les maux d'une soeur-cière, touchante, agonisante, dont la vie a été d'être le mur invisible et protecteur entre les hommes et la femme. le verbe est cru et pourtant d'une pudeur farouche… là est tout le talent de Clémentine Beauvais qui, comme le poète maudit, sait dire la fange en l'enveloppant dans des draps de satin rose. C'est fascinant, c'est puissant, c'est inattendu, atypique et ça m'a foudroyée !
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📖 Mon ressenti 📖
Ce recueil se présente sous la forme d'un roman-poème où Jeanne la muse de Charles Beaudelaire et lui-même croisent au détour de leur promenade, une femme qui gît dans un fossé.
Jeanne va se faire l'avocat du diable et imaginer le destin de cette femme à travers les mots que cette femme-charogne lui dictent.
.
Dans ce récit, Charles reste en retrait et rebondit que très rarement sur les faits que lui conte Jeanne.
.
Et nous connaitrons après maintes rebondissements, le destin tragique de Grâce qui fut femme-aiguille, « "L'objet qui a servi à coudre les vêtements,
à réparer les plaies béantes,
à décrocher les enfants, sert
aujourd'hui à tout autre chose ;
à perforer les hommes gras et roses,
bourrés de bonne chère, repus des chairs
moroses
des femmes grises des maisons closes. »
Une belle surprise que ce roman ❤️
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Décomposée est le premier livre que Clémentine Beauvais publie en littérature adulte, ce qui explique en partie que ce soit le premier d'elle que je lise. le titre de ce petit livre épatant rebondit sur le mot qui clôt le poème Une Charogne dans Les Fleurs du Mal, éblouissant recueil de Baudelaire.

❝ceci n'est plus mon corps. Dans la mort, il est devenu celui
de tout le monde. Il appartient, au détour d'un sentier,
à tout le monde.
Faites-en des poèmes. Je préfère cela à la tombe,
à la pierre roussie de lichen, je préfère.
C'est ma dernière coquetterie.❞

Faites-en des poèmes. Jeanne Duval va faire mieux que cela, car Décomposée est la vie de cette charogne racontée par elle-même telle que l'invente la muse du poète, alors qu'elle se promène avec Charles dans les bois. Charles, pour une fois, ne sera pas au centre des attentions, puisque Jeanne va offrir la parole à ce corps en décomposition et lui donner un nom – et quel nom ! - : Grâce. Au gré de l'imagination de Jeanne, Grâce se (re)compose, (re)prend chair, de l'enfance à l'âge adulte, sa naissance dans une maison de montagne, le rempart qu'elle faisait de son corps pour protéger ses soeurs d'un frère incestueux, sa venue (fuite ?) à Paris dont elle bat le pavé, la vie qu'elle y mène, de prostituée à couturière, de couturière à chirurgienne autodidacte,

❝J'étais devenue couturière, ce qui veut dire
la journée,
entremetteuse de tissus,
tabliers, robes, étoles et jupons,
rubans, dentelles, boutons,
rapiéçage et éventuelles réparations ;
et la nuit,
ravaudeuse de corps déchiquetés.❞

de chirurgienne à faiseuse d'anges, de faiseuse d'anges à… , avant de finir carcasse putréfiée, abandonnée en pleine forêt.

Roman policier ?
Thriller à l'écriture graphique ?
Dialogue de théâtre ?
Poème-roman ? roman-poème ?
Chronique du Paris du XIXe siècle ?
Journal composé de dix-sept fragments aléatoires, désordonnés bien que numérotés, vaguement datés (de 1820 à 1855) et localisés ? « Détour d'un sentier », « Montagne », « Ravin », « Chambres », « Autres chambres », « Chambre en haut d'un escalier », « Tout un monde lointain », « Rue de la Femme-sans-tête », « Cour où des enfants jouent aux osselets » . « Détour d'un sentier » revenant de loin en loin, comme un refrain.
Pourquoi faudrait-il pencher pour l'un plutôt que l'autre ? Mieux vaut écouter Grâce, en suivant la géographie inédite de la page où s'écrit son récit. Car la forme est autant audacieuse que divertissante. Impossible pour l'oeil d'aller sagement – conventionnellement - de la majuscule au point ; il doit enjamber les blancs, combler les silences, hésiter, et c'est cette hésitation même qui est éminemment poétique. L'oeil bousculé doit recomposer le texte pour faire naître son rythme et sa musicalité.

❝La poésie est cette musique que tout homme porte en soi.❞
William Shakespeare, le Conte d'hiver

La lecture est lente ; la lecture à voix haute est un défi tant la composition sur la page heurte le phrasé et dépayse l'oeil qui s'égare quand on renverse ses habitudes.
À regarder comment le texte occupe les pages que l'on a oublié de numéroter, on peut se demander si tout cela n'est pas décousu.
Non. Cousu autrement, car Clémentine Beauvais désobéit aux impératifs de la tradition poétique et s'(nous) amuse.

Les sens en éveil dès les premières pages,

• les couleurs à foison où domine le vert
jaune, châtaigne, vert, rose, violette, blanc, rouge, violine, crème, gris, absinthe, verdâtre, spectral, rubis, noir, brune, gris-vert, grège, bronze, pourpre, beige, framboise, rousse, zinzolin, blême, craie, argenté, moirés...
• les sons
siffle, claironne, couine, croustillent, crisse, résonne, chantent, mugissant, gronde, cogne, tinte, chantonnent, grognements, cliquetis...
• les odeurs
bière, relents de poisson, feu de bois, four à pain, puanteur, âcres, moisissures, algues, fumée, cigare, aromatique, musc, cuir, rances...
• les goûts
fiel, fadasse, sucré, ragoût, sauce...
• les textures
douceur, gratte, pique, choc, flasque, râpeuse, rêche, pique, velours...

loin de reléguer le propos au second plan, le subliment par des rapprochements incongrus, des jeux de langage qui refusent de se plier à la discipline et aux conventions. Clémentine Beauvais joue de tout ce que la poésie offre comme digression possible aux associations convenues : les couleurs ont des odeurs ; le toucher, un son. Les sens se superposent, se recomposent, ou comme l'écrit Baudelaire

❝Comme de longs échos qui de loin se confondent
[…]
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.❞
correspondances, in Les Fleurs du Mal

ainsi

le roux glapit
les seins hoquètent
les mollets des petites soeurs
sont des poires vertes

Ces correspondances inédites, qui creusent les perceptions en bousculant l'agencement des mots et des sons (subtil travail sur les allitérations et assonances), ménagent un accès à un monde pleinement nouveau et fascinant où les mises en abyme sont nombreuses par le biais de références aux poèmes baudelairiens dont certaines m'auront fatalement m'échappé.

❝Il faut avec les mots de tout le monde écrire comme personne.❞
Colette

Décomposée ne serait donc qu'un élégant exercice de style ?
À me lire, se poser la question de son artificialité est légitime et la réponse est là encore non, bien sûr que non.
L'inceste, les violences conjugales, la prostitution, l'avortement, l'émancipation, et celui qui en filigrane sous-tend tous les autres - la sororité - sont autant de thèmes que Clémentine Beauvais coud ensemble à sa manière à la fois poétique et superbement crue. Par la forme choisie, Décomposée évite ainsi un manichéisme poussif à force d'être ressassé. C'est pourquoi avant même d'être une démonstration, Décomposée est une réflexion très moderne sur la condition des femmes.

Oscillant entre romanesque et poésie, ce texte intelligent choisit le meilleur des deux. C'est audacieux, vif, réjouissant, provocant ; et sa lecture, un instant de grâce ! Tout à fait le genre de livre susceptible d'amener des lecteurs, conquis, à la poésie.

Lu dans le cadre de la sélection 2022 des #68premieresfois

Lien : https://www.calliope-petrich..
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Vous vous souvenez de la charogne, cette femme morte découverte par Charles Baudelaire et Jeanne (Duval) au détour d'une balade ? Notre charmant poète immortalisa ce corps de femme en décomposition dans Les fleurs du mal, tout en disant à sa compagne qu'elle aussi finirait pareil, mais qu'elle vivrait pour toujours dans ses poèmes... Trop sympa !

Eh bien Clémentine Beauvais a donné voix et consistance à ce corps abandonné devenu Grâce, une femme douée avec les aiguilles qui sera tour à tour couturière, "ravaudeuse de corps déchiquetés" et avorteuse. Elle se confie à Jeanne et toutes 2 deviennent sujets d'un nouveau poème, une histoire de femmes subissant trop souvent la toute puissance des hommes et cherchant un moyen de s'en affranchir.

Violences, pauvreté, injustices, sororité, vengeance, tous ces sujets raisonnent fort dans ce texte désespérément moderne même si on parle des années 1820-1855 😭. Cela raisonne d'autant plus fort que l'écriture est puissante et audacieuse.

La prose poétique de Clémentine Beauvais s'affranchit des codes, se faisant tour à tour narrative, théâtrale, sarcastique, lyrique, politique... Ca part dans tous les sens et en même temps c'est hyper maîtrisé, créatif, engagé ❤️🔥
Deuxième texte lu dans la collection L'Iconopop et deuxième grand coup de coeur. Ca sonne, ça vibre, ça tape. Encore !!
Lien : https://www.instagram.com/di..
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Clémentine Beauvais est extraordinaire. C'est ce que j'ai pensé tout au long de cette lecture.

Elle choisit ici de donner une voix à la charogne baudelairienne (que j'ai toujours personnellement imaginée comme une carcasse animale, sans doute une biche) et elle le fait avec brio.
Ce roman-poème en vers libres nous emporte dans le trace de cette femme, qui parle à la première personne et s'adresse directement à la maîtresse du poète, avec qui elle a un lien (que je vous laisse découvrir). C'est en réalité un manifeste contre la violence des hommes, leur domination implacable, un cri de révolte contre un patriarcat écrasant d'une fille victime d'inceste, devenue femme tour à tour prostituée, chirurgienne, avorteuse puis meurtrière, guidée par ses aiguilles et une soif de justice pour ses soeurs.
La sororité est un thème important ici, et on comprend très bien la révolte du personnage principal, son âpreté, sa violence: qui n'en a jamais été saisie en voyant dans les journaux un nouveau féminicide, de nouvelles violences faites aux femmes, de nouvelles agressions , ou même de nouveaux propos sexistes, encore et encore ?

J'ai trouvé ce livre incroyablement bien mené. Malgré l'horreur de ses actes, on s'attache au personnage, on comprend ses actions, sa douleur. L'écriture est incroyable, magistrale, tourbillonnante. La forme poétique et moderne fait sonner les mots, les fait entrer en écho et d'une manière sublime et augmente la force du propos, l'identification.
C'est une excellente lecture (comme, je crois, tout ce que j'ai lu de Clémentine Beauvais il faut l'admettre), et je la recommande chaudement.
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Je vous conseille vivement de lire le poème de Baudelaire en entier avant cette lecture. D'abord parce qu'il est très beau malgré la noirceur du sujet, ensuite parce que vous pourrez ainsi apprécier pleinement le texte de Clémentine Beauvais.

Vous découvrirez comme elle se joue du poète, de ses vers et de ses mots.

Avec une infinie finesse, elle tisse sous les yeux du lecteur la vie de cette femme, cette charogne, exposée si ostensiblement aux regards du poète et de sa muse, et qui n'est certes pas arrivée là par hasard...
Un récit emprunt de souffrance et de repos, de violence et d'amour.
Le lyrisme est délicieusement présent ; les mots d'un corps qui peu à peu se disloque, fascinent sans jamais déranger. Parce que la plume est douce, tendre avec ce cadavre dont les peines s'envolent enfin, parce que les vers sont libres à l'instar de cette âme qui s'élève.

La condition féminine en toile de fond, qui importe parfois si peu aux hommes de tous temps, mais les femmes sont là, elles, qui entendent et se comprennent sans mot dire...

Un bijou !
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Clémentine Beauvais, je crois qu'on ne la présente plus. Autrice jeunesse exceptionnelle, drôle à souhait, caustique aussi, qui n'hésite pas à bousculer. Elle a composé ici une oeuvre bien différente, destinée à un public adulte, mais tout aussi particulière. Elle part d'un célèbre poème de Baudelaire, Une charogne. Poème plein d'une beauté crue, repoussante, et pourtant touchante, qui en tous cas ne laisse pas indifférent. Il en va de même pour le texte de Clémentine Beauvais, qui donne voix à cette charogne, qui n'est autre qu'une femme en pleine agonie. Alors que le poète déambule avec sa muse, Jeanne Duval, la femme suppliciée s'adresse à cette autre femme, demeurée elle aussi dans l'ombre, et raconte leur(s) histoire(s).

Cette charogne, sous la plume de Clémentine Beauvais, aurait été, de son vivant, fille de joie, puis chirurgienne dans le secret des chambres de bonne, avorteuse, ou criminelle. Ce texte est à l'image du poème dont il s'inspire : à la fois violent et sublime, de cette beauté qui dérange parce que non conventionnelle. Ce texte est terrible à lire, il nous remue au plus profond de notre féminité. Et pourtant, lui encore, il célèbre la sororité. En mettant en lumière des femmes vaguement évoquées, mais laissées dans l'ombre, d'abord. Puis en portant haut la voix des victimes de viol, des femmes abusées et trompées dans leurs sentiments, des petites soeurs que l'on protège, de celles qui doivent cacher leurs blessures. C'est une violence sourde qui se cache sous ces mots, une fureur froide, une rumeur qui enfle jusqu'à devenir un cri de rage. Un texte à lire, absolument, d'une puissance incroyable.
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J'ai beaucoup aimé cette revisite du poème "Une charogne", de Baudelaire. Clémentine Beauvais part ici du principe qu'il s'agit de la dépouille d'une femme, Grâce, dont elle retrace le parcours à la fois singulier et révélateur de son temps, notamment à travers un dialogue avec Jeanne Duval, muse du poète (ce dernier en prend par ailleurs pour son grade !).

Peu de chance que les vers de Clémentine vous laissent indifférents : ils sont tour à tour touchants, dérangeants, violents, percutants. Ils sont imprégnés de féminisme, de sororité, et d'une tendresse particulière pour le corps des femmes. Ce corps destiné à devenir charogne...

J'ai été émue par l'existence de Grâce. La fin seule ne m'a pas totalement emportée : peut-être en attendais-je davantage, ou bien le format très bref m'a-t-il laissée sur ma faim.

Cela reste un moment de lecture singulier et saisissant, qui me marquera durablement.
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Décomposée de Clémentine Beauvais,

Entre le court roman et le poème en prose, Clémentine Beauvais laisse libre cours à son imagination pour construire un récit derrière le célèbre poème de Baudelaire, Une charogne. Cette charogne sur la route, découverte par le poète et sa muse Jeanne, était-ce un animal ou plutôt une femme ? Celle qui de décompose lentement sous les yeux indifférents des passants commence le récit d'une vie éprise de liberté et secouée de violence. Prostituée, avorteuse, le destin de Grâce se confond avec celui de Jeanne. Violent, âpre… décomposée ne laisse pas indifférent.
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