AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,23

sur 180 notes
5
34 avis
4
27 avis
3
5 avis
2
2 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Lorsque j'ai été percutée par la beauté des Fleurs du Mal au lycée, La Charogne est le poème du recueil qui m'a le plus fascinée, sidérant de violence inattendue dans les mots d'un poète qui,s'adressant à son amante, lui prédit d'être une jour, elle aussi, mangée par une vermine qui la couvrira de baisers.

Dans ce roman en vers libres, absolument éblouissant, Clémentine Beauvais, donne une voix à la charogne, incarnée sous les traits de Grâce. Elle raconte sa vie à Jeanne Duval, la muse de Baudelaire, lorsque celle-ci rencontre sa carcasse pourrissant au détour d'un sentier. L'auteure s'empare du duo Grâce – Jeanne avec une liberté formelle vivifiante. le récit de poésie narrative ne s'enferre jamais dans un genre, rebondit dans plusieurs. Un anti-sclérose littéraire, tour à tour poétique, théâtral, sociétal, graphique, porté par une écriture savoureuse, à la fois lyrique et crue, narquoise et puissante. le travail sur la langue est remarquable, emplie de sensations, d'images, jouant sur le placement des mots sur la page sans que cela ne sente la pause ou la facilité.

Le texte, découpé en lieux ( « détour d'un sentier », « montagne », « ravin », « tout un monde lointain », « rue de la femme sans tête » etc ), choisit de mettre Baudelaire en retrait pour placer sous la lumière les deux femmes, Grâce et Jeanne. Superbe choix, politique, féministe, qui accouche d'une réflexion très générale sur la condition féminine.

On est très loin des muses du XIXème siècle à l'image figée par le regard masculin des grands artistes. le destin tragique de Grâce, couturière, prostituée, chirurgienne d'instinct, avorteuse puis tueuse, embrasse son désir d'émancipation et les difficultés auxquelles se heurte sa condition sociale défavorisée. Elle évolue avec les conditions de liberté qui lui sont données, minimales. le corps féminin est au coeur de ses tensions, jusqu'à sa putréfaction impudique, au détour d'un chantier.

Pour autant, jamais Clémentine Beauvais ne tombe dans le manichéisme et présente ses personnages féminins avec toutes leurs intrications contradictoires, leur violence aussi. La sororité, elle-même, n'est pas glorifiée comme une utopie souriante mais décrite dans sa complexité, les femmes sachant se faire les bourreaux de leurs consoeurs lorsqu'il faut rentrer dans la norme.

Cette revisite audacieuse, créative et originale du poème de Baudelaire m'a immédiatement plu, dès les premières pages qui m'ont bousculée et touchée , parlant aussi bien à l'intellect qu'au coeur. Réjouissant !

Ps : ce texte est le sixième publié par la collection Iconop ( dirigée par Cécile Coulon et Alexandre Bord ), projet littéraire fort excitant des éditions L'Iconoclaste mettant à l'honneur d'une poésie contemporaine sans entrave.
Commenter  J’apprécie          1126
Décomposée la charogne du célèbre poème de Baudelaire, Décomposés les amours du poète ;
Recomposée par les mots de Clémentine Beauvais l'histoire de celle qui fut femme avant d'être pourriture.
Dans un livre à la présentation originale, aux mots jetés dans un désordre savant, long poème en prose, ponctué de dialogues entre l'écrivain et sa muse, l'auteure invente la vie de cette charogne prénommée Grâce, contraste saisissant entre l'image qu'évoque ce prénom, tout en douceur, légèreté, et le réalisme cru de la description de ce cadavre, entre cette image et la vie de cette femme, qui ne connaitre que de rares moments de grâce.
J'ai aimé cette femme, qui va servir les autres femmes, de différentes manières, au cours de sa vie, celles-ci devenant au cours des désillusions qu'elle éprouve de plus en plus radicales :
« L'objet qui a servi à coudre les vêtements,
à réparer les plaies béantes,
à décrocher les enfants, sert
aujourd'hui à tout autre chose ;
à perforer les hommes gras et roses,
bourrés de bonne chère, repus des chairs
moroses
des femmes grises des maisons closes. »
Sur ce sentier, cette femme disparait, ses souvenirs s'évanouissent peu à peu, mais le dialogue s'ouvre avec Jeanne, Jeanne la muse du poète, dont l'auteure ne donne pas une vision bien sympathique. Il est celui qui ne peut voir qu'une prostituée dans cette femme morte les jambes en l'air. Il est celui qui pense la femme inférieure, prompte à se pâmer, alors que c'est lui qui manque défaillir :
« JEANNE pas un instant pas une seconde
je ne crus m'évanouir
CHARLES Jeanne je sais ce que j'ai vu ce que j'ai senti
pas la peine de me mentir :
La puanteur était si forte que sur l'herbe vous crûtes vous évanouir.
Jeanne vous riez pourquoi riez-vous ?
JEANNE mais parce qu'enfin qui dit crûtes ?
qui, avec sérieux, peut dire :
crûtes ?
crûtes est un mot qui fait rire »
Les deux femmes ont pris le pouvoir, dans ce texte, miroir impitoyable d'une société où il ne faisait pas bon naitre femme. J'admire la force de ce texte qui en peu de pages, livre un portait émouvant ancré dans la réalité de son époque.
Et ce petit livre rejoint mon étagère des livres que j'aime rouvrir, y glanant une phrasé de ci de là, parce qu'il est beau, parce qu'il est aussi le souvenir d'une parenthèse appréciée avec une personne qui m'est chère, à une époque difficile pour moi.
Commenter  J’apprécie          547
À l'heure où la nuit se fait fraîche,
Où l'on entend les premiers sifflotements
D'oiseaux impatients de la lumière du jour,
Je me glisse dans la peau de Jeanne.

Tourmente des amours décomposés
De Charles,
Exotique muse invitant au voyage,
Tu fais naître en moi bien des curiosités.

Mais dans quel macabre dessein
Te fit poser Baudelaire
Cette charogne impudique
Qui à n'en pas douter se pare de tes traits.

Clémentine s'y est laissée tenter,
De sa prose en vers magnifique
Elle fit de la charogne,
Une belle monstrueuse.




Commenter  J’apprécie          403
*****

Grâce est morte. Son corps est offert au vent, aux insectes, et se décompose au détour d'un sentier. Sous le regard de Jeanne, qui se promène alors avec son amoureux, Grâce reprend vie. On devine quelle femme elle était, celle au grand coeur, une aiguille à la main, pour coudre et recoudre tout ce qui devait être réparé…

Je ne suis pas très objective quand je lis Clémentine Beauvais. J'aime ses mots, son souffle, son univers. J'aime l'originalité de son écriture et le monde qu'elle nous offre à découvrir.

Ici, dans Décomposée, Clémentine Beauvais écrit en vers libres. Et c'est une explosion des sens, une bouffée d'air frais, un mélange d'ombres et de lumières.
Elle reprend le poème de Charles Baudelaire, une charogne, et invente une vie à ce corps en décomposition. Grâce apparaît sous nos yeux, beauté cachée dans ses miettes de vie, étincelle de chaleur et de générosité. Grâce qui protège, qui guéri, qui écoute et qui soulage. Grâce dont le fardeau de la violence se libèrera dans la vengeance…

Un immense merci aux 68 premières fois pour leur audace, pour leur ouverture sur un monde infini, pour le partage et la découverte. Merci pour ces quelques pages de bonheur pétillant…
Lien : https://lire-et-vous.fr/2022..
Commenter  J’apprécie          250
Composée à partir du poème de Baudelaire « A une charogne », l'oeuvre de Clémentine Beauvais est bouleversante. Elle ajoute, si c'était possible, une dimension à la fois poétique et romanesque au texte d'origine. Elle offre une voix à Jeanne Duval, muse du poète maudit, ainsi qu'à Grâce, la charogne, la tueuse, la faiseuse d'ange, la putain, l'amante, l'amie et la grande soeur. L'autrice est tout cela, dans un récit qui prend la défense de toutes les femmes du siècle passé, celles qui n'avaient pas le choix de la misère, de la violence, de la maternité, de la maladie, de la mort. Avec des métaphores d'une grande délicatesse, croisant les personnages, l'espace et le temps, les chapitres nous emportent, gorge serrée, souffle coupé. L'écriture est fluide, intelligente et sensible, en vers libres, laissant dans la marge l'espace des respirations et des associations.
Une nouvelle collection que je découvre, très prometteuse ...
Commenter  J’apprécie          150
Parce qu'elle "aime aller chercher les petites voix coincées dans les interstices d'autres textes, les envers secrets de grands classiques", Clémentine Beauvais dans Décomposée, roman en vers libres, prête voix à la femme morte qui inspira à Baudelaire le poème Une Charogne.
Elle imagine la vie de cette femme,  qu'elle baptise Grâce,  petite paysanne venue à Paris avec ses soeurs, pour fuir des vies par trop prévisibles , devenue d'abord prostituée, couturière des étoffes puis des peaux féminines, avorteuse et finalement tueuse en série, pour venger celles qu'elle appelle "les petites soeurs" et "les amies qui étaient comme des soeurs".
Il est en effet question de sororité entre ces femmes dont les corps, comme celui de Jeanne, la maîtresse de Baudelaire, ont trop tendance à rencontrer malencontreusement des consoles, à subir les caprices d'hommes qui les renient dès que la maladie ou les grossesses les rendent indésirables. Et le corps mort, celui qui inspire le poète des Fleurs du mal , se donne à voir dans sa transformation post mortem, une charogne  qui se décompose sous nos yeux, dévorée par les animaux , engendrant la vie et l'esprit de Grâce s'insinue  peu à peu dans celui de Jeanne qui à son tour fait entendre sa voix , damant souvent le pion à son compagnon qui ne sort pas grandi de ce texte.
Le travail sur la langue, la disposition du texte sont tout simplement épatants et on dévore d'une traite ce texte puissant, féministe et original.

Un indispensable bien sûr.


 
Commenter  J’apprécie          142
Cette jeune auteure me convient décidément : si " Les petites reines" m'a beaucoup amusée ainsi que "Brexit Romance " ces deux romans à destination des plus jeunes sont sans commune mesure avec ce " Décomposée" recomposée, plutôt, voire restructurée, réinventée, comme seule peut le faire un écrivain talentueux.
A partir du célèbre poème de Baudelaire, c'est à une vraie composition érudite que s'attache Clémentine Beauvais, émaillant son propos par-ci-par-là de traits d'humour qui ne font qu'enrichir la lecture en la rendant accessible aux moins "poètes" d'entre nous. Au passage, elle redonne à Jeanne, et par là même à toutes les femmes, une juste place.
Apprentie poétesse à mes heures, je reste subjuguée par ce texte qui traite( superbement), en proésie, des grands sujets de la condition féminine.
Commenter  J’apprécie          121
Je ne suis peut-être pas très objective mais dès que j'ai dans les mains un livre de Clémentine Beauvais, j'ai l'impression de tenir entre mes mains un petit trésor.

Ce fut le cas pour "Décomposée", nouvelle publication poétique des éditions L'Iconopop.

"Décomposée" a pour point de départ le poème de Charles Baudelaire " Une charogne" dans les fleurs du mal.

"Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme,
Ce beau matin d'été si doux :
Au détour d'un sentier une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux,

Les jambes en l'air, comme une femme lubrique,
Brûlante et suant les poisons,
Ouvrait d'une façon nonchalante et cynique
Son ventre plein d'exhalaisons."
(Extrait)

Au détour du sentier, le poète Charles et sa muse Jeanne croise le corps en décomposition d'une femme. Qui est cette femme? Quelle est son histoire?

Clémentine Beauvais offre à cette charogne une vie de femme libre, une chirurgienne, une faiseuse d'anges, une tueuse en série, une femme qui met un point d'honneur à réparer le mal que les hommes font aux femmes.

Clémentine Beauvais nous conte un destin de femme d'une grande finesse tout en étant extrêmement crue. Car c'est bien les mains dans le sang que cette femme va accomplir sa destinée.

C'est beau, c'est puissant et d'une poésie folle.
Un véritable coup de coeur, un recueil à lire, à relire, à feuilleter et à garder précieusement tout au fond de notre coeur.
Commenter  J’apprécie          110
Charles Baudelaire est né le 9 avril 1821. Nous célébrons donc cette année le bicentenaire de sa naissance. S'il était considéré, à son époque comme un poète maudit et un débauché, il est, de nos jours, un incontournable de la poésie française et nous avons tous, à un moment de notre scolarité, étudié un ou plusieurs de ses poèmes.

C'est l'un d'entre eux, extrait du recueil Les Fleurs du Mal, qu'à choisi Clémentine Beauvais pour évoquer le poète et sa muse Jeanne Duval. Nous avons (presque) tous le souvenir d'Une charogne, où Baudelaire à l'instar de Ronsard (Mignonne allons voir si la rose) ou Corneille ( Marquise si mon visage....) traite de la fugacité de la vie et de la beauté de la femme aimée. Baudelaire, qui se promène avec sa maîtresse, croise, au détour d'un sentier, une charogne décomposée rongée par les vers.

Clémentine Beauvais imagine ce que fût la vie de Grâce, le nom dont elle baptise la carcasse. Par petites touches elle raconte son enfance, sordide, l'inceste subi, ses petites soeurs qu'elle veut protéger, et pour lesquelles elle poussera le grand frère dans le ravin pour l'empêcher d'agir de même avec elles. Puis elle les entraîne avec elle à Paris, où elles deviendront pensionnaires dans une maison close.

Grâce, quant à elle, choisit de devenir couturière. Son aiguille va également servir à recoudre les blessures des femmes battues par leurs amants et à interrompre les grossesses de ses "amies qui étaient comme des soeurs". Son nouvel instrument, façonné en forme de crochet devient une arme pour défendre et venger toutes les femmes opprimées. Enivrée par son destin de justicière, elle terminera "charogne infâme", "carcasse superbe", "horrible infection"...

J'ai beaucoup aimé ce court récit, présenté comme un poème en rose, tout à fait dans le ton du poème original et qui donne la parole à Jeanne plutôt qu'à Baudelaire. Certes l'histoire est cruelle, mais elle décrit un monde de femmes-objets, où la solidarité, la sororité est à la fois rassurante et maudite.
Lien : http://dviolante5.canalblog...
Commenter  J’apprécie          100
Tout part d'un poème de Charles Baudelaire dans Les Fleurs du mal : « Une charogne ».
« Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme,
Ce beau matin d'été si doux :
Au détour d'un sentier une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux,

Les jambes en l'air, comme une femme lubrique,
Brûlante et suant les poisons,
Ouvrait d'une façon nonchalante et cynique
Son ventre plein d'exhalaisons. »

Clémentine Beauvais imagine ce qu'est ou plutôt ce qu'était cette charogne et lui donne vie à travers la voix de Jeanne, la muse de Charles Baudelaire. Elle fait des allers-retours dans le temps, ente 1821 et 1855. Un texte multiforme fait de dialogues, poèmes, prose dans lequel je me suis laissée entrainer.
Jeanne imagine la vie de cette femme faiseuse d'ange puis meurtrière. Touchée par la vie de ces femmes qu'elle avorte, elle ne supporte pas de les voir abandonnées par les hommes qui les ont mises enceintes. Ils n'ont aucun scrupule et ont tous les droits pour assouvir leur désir.

Clémentine Beauvais est plus connue en littérature jeunesse. Je suis ravie de la voir côté littérature adulte. Ce roman engagé et original fait partie de la sélection des 68 premières fois.
Lien : https://joellebooks.fr/2022/..
Commenter  J’apprécie          90




Lecteurs (401) Voir plus




{* *}