Le règne de Louis XIV a vu surgir une multitude d'institutions qui ont duré et qui furent encore: c'est leur plus grand éloge et le meilleur témoignage de leur utilité. Lorsqu'une oeuvre humaine a traversé des désastres politiques et financiers comme ceux des dernières années du grand roi, de la minorité de Louis XV et de la Révolution, sa vitalité est surabondamment démontrée. Son état peut se modifier ; elle peut même vaciller sur ses bases : les secousses ne font que la consolider, et, justifiée par l'expérience, elle demeure. Tel est le cas de la célèbre Académie de France, fondée à Rome par Colbert, et qui depuis deux cents ans a donné au monde tant de grands artistes. Personne cependant n'a, jusqu'ici, scruté d'une manière approfondie les annales de cet établissement, et l'on a cru qu'à l'instar des peuples heureux il n'avait point d'histoire.
Nous parlerons tout d'abord d'un portrait de Jan van Eyck...
Modelée en pleine lumière, à peu de frais, dans un faire un peu sec qui rappelle beaucoup, par l'exécution comme par le style, le portrait du chanoine van der Paele dans le tableau vôtif du musée de Bruges, la tête est une merveille par ses accents de vie. Peinte d'après nature, avec une vérité saisissante, sans aucune idée d'embellir le modèle, et avec la volonté bien arrêtée de n'omettre aucun des mille plis de la peau, il doit être facile d'établir l'identité du personnage, si toutefois il existe de lui un second portrait authentique...
A mon tour je veux célébrer un peu cette peinture d'un caractère si profond, d'une exactitude si prodigieuse. Ah! les honnêtes gens que ces peintres du XVe siècle! et comme ils pratiquaient leur art en conscience! Bien d'approximatif, pas de dissimulation ni de réticence. La réalité, je dirais volontiers cruelle, dans la forme qui se voit, et en même temps la pénétration de l'être qui se manifeste si individuellement. Quand on a vu un portrait de van Eyck , un portrait de son illustre contemporain Masaccio, un portrait de son élève Antonello de Messine, on connaît leur homme pour toujours.