François Bégaudeau est une des figures de proue de la gauche radicale française contemporaine. Romancier, essayiste et dramaturge, il est l'auteur de plusieurs ouvrages et est très présent sur la scène intellectuelle anticapitaliste à l'exemple d'un
Frédéric Lordon ou d'un
Bernard Friot.
Dans un ton tranchant, incisif, acerbe mais plein d'humour, Bégaudeau tient dans «
Histoire de ta bêtise » un réquisitoire contre le « bourgeois » auquel il s'adresse avec un « TU » insolent tout au long du livre, cet être qui se complait dans le confort matériel mais surtout dans le prêt-à-penser.
Car ce que Bégaudeau désigne par la bêtise bourgeoise, c'est ce conformisme abject qui ne laisse nulle place à la pensée, à l'analyse, au questionnement et à la tentative de comprendre la complexité des mécanismes politiques, socio-économiques et culturels qui régissent notre société.
Le fusil d'épaule du bourgeois quand il s'agit de penser le monde est la morale. « La morale prospère là où manque la pensée » écrit Bégaudeau. Qu'entend-on exactement par morale ? C'est celle fausse bonne conscience que le bourgeois se donne pour se persuader qu'il se situe dans le camp du bien, car il s'agit, en caricaturant à peine, d'une lutte du bien contre le mal. Quel est ce mal ? L'abstention aux élections, « indigne et incompréhensible », le « populisme », on dit d'ailleurs LES « populismes » car les « extrêmes se touchent », le Brexit, la contestation de l'UE, le patriotisme qui rappelle les heures les plus sombres, l'assistanat, la fonction publique, le « complotiste » qui ose remettre en question la doxa… Bref le « bourgeois » est cet idiot utile qui légitime et perpétue les systèmes de domination en se drapant dans de beaux discours sur l'ouverture et la méritocratie.
« Tu n'as pas compris la tribune de Ruffin sur la haine que les classes populaires vouent à Macron. A nouveau ta prétendue incompréhension était un jugement. Fidèle à ton cap, tu condamnais cette tribune avant de la comprendre. Tu l'emballais dans ta catégorie discoursdehaine pour condamner le discours et ne pas voir la haine. La haine, tu ne peux pas l'entendre. Tu ne peux envisager une seconde, être haïssable puisque tu es cool. Réaliseras-tu un jour que c'est justement ce cool qui est haïssable ? Qu'au-delà de la violence sociale, c'est le coulis de framboise qui l'enrobe qui est obscène ? C'est l'écrin d'humanité dans lequel tu feutres ta brutalité structurelle. C'est les 20000 euros d'indemnités pour qu'un ouvrier avale un plan social. C'est ta façon d'appeler plan de sauvegarde de l'emploi une vague de licenciements, d'appeler restructuration une compression de personnel, et modernisation d'un service public sa privatisation. Ton sourire est une deuxième balle dans la nuque. Aux exactions du marché il ajoute l'offense du mensonge. »
Bégaudeau s'énerve, s'indigne et se révolte pour nous inviter à un sursaut de conscience, à saisir l'urgence et l'importance de penser, penser d'abord et surtout contre soi-même.