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4,08

sur 978 notes
Attaquer la terre et le soleil
.
Deux voix, deux cris, se répondent dans ce superbe roman.
Celui de Seraphine, jeune mère de famille venue prendre possession de quelques hectares de poussière au coeur de l'Algérie fraîchement colonisée.
Celui d'un soldat anonyme embarqué dans une escalade de violence par la rage furieuse d'un capitaine que la barbarie pousse au bord de la folie.
Deux victimes impuissantes, deux destins brisés par des enjeux qui les dépassent, deux témoignages forts et puissants

Algérie, milieu du XIXème. « La France se donne pour mission divine de pacifier ces terres de barbarie, d'offrir aux cervelles incultes les ors d'une culture millénaire […] Et ceux qui refusent notre main tendue seront renversés, écrasés, hachés menus par le fer de nos sabres et de nos baïonnettes ». Et ô combien cette menace sera mise à exécution.
J'avoue mon ignorance sur cette page de l'histoire mais cette lecture m'a fait prendre conscience de sa place essentielle dans la compréhension de ce qui se passera 100 ans plus tard dans ce pays. Je ne connaissais pas cet épisode mais dès les premières lignes j'ai été plongée dans l'âpreté et la rudesse de la vie de ces colons. Ces pauvres hères qui rêvaient d'une vie meilleure et à qui rien ne sera épargné. Touchante et courageuse Seraphine qui invoque « la Sainte et sainte mère de Dieu » mais qui en retour ne récolte que deuils et souffrances. Dieu encore invoqué par ce soldat dans cette excuse sans cesse répétée, scandée comme une conjuration:« nous on n'est pas des anges ». Ce nous qui les englobe tous, qui les déshumanise, qui en fait des êtres désincarnés, insensibles, capables des pires exactions, des plus inhumaines barbaries.
Quant au style il est magistral. Presque pas de majuscule, peu ou pas de ponctuation, donnant au récit une rythmique ample et solennelle. Une succession ininterrompue de phrases livrées dans un souffle, avec urgence, délestées de superflu. Une prose élégante, comme un contrepoint aux horreurs et à la désolation qu'elle décrit. Un roman empli de gravité et de colère où l'union de ces deux voix résonne comme un chant funeste.
Un texte sombre et pourtant éblouissant.
Merci @le.tripode de nous offrir des textes aussi puissants.
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Prix du livre Inter mérité.
Une autre face de la colonisation en Algérie. Pas la plus belle...
Et loin également de la référence à Albert Camus, même si l'absurde n'est jamais loin, à côté de la violence, cette fois-ci c'est du côté des illusions perdues des colons que l'auteur nous place.
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L'Algérie
Je percevais juste quelques brides de cette guerre dans laquelle mon père a combattu lors de ses 20 ans . Il ne nous en a jamais parlé. A priori il a vu, peut être subit.... peut être même fait subir des horreurs .
Mais jamais je ne m'étais interrogée sur les premiers colons, sur leur arrivée, leur implantation sur cette terre si différente de notre si orgueilleuse France .
Combuen d'horreurs l'être humain est il capable de faire .... en justifiant qu'il est le sauveur, le défenseur, qu'il est dans son droit !

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De cette lecture je retiens deux choses: L'écriture tellement soignée et parfois très poétique de Mathieu Belezi, qui joue avec les mots et les met en images, avec des répétitions fortes scandant le récit et La violence inouïe de cette page d'histoire.
Il s'agit de la colonisation en Algérie au XIXème siècle. D'une part un groupe de français émigrés sur une terre inconnue, hostile, dans un climat d'insécurité, de manque d'hygiène, sous des températures extrêmes et bien entendu très mal accueillis par les autochtones et d'autre part une armée conduite par un capitaine totalement dément et sanguinaire, qui pousse ses soldats au crime, au viol, à la destruction et au pillage.
C'est un livre fort, dérangeant, dont j'ai eu du mal à sortir sans malaise.
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Terrible et magnifique !
Quand la « grande histoire » nous rattrape par les tripes avec le quotidien de ceux qui l'ont vécu, pensé, craint et ressenti dans leur chair.

XIX ème siècle. La colonisation algérienne. L'alternance de deux voix successives, de deux pensées plutôt pour évoquer le quotidien.
Celle de la mère d'une famille de colons. Ses plaintes, ses terreurs en découvrant l'Algérie puis leur vie misérable et dangereuse.
« Sainte et sainte mère de Dieu, si j'avais su ce qui nous attendait, nous autres colons »
Celle d'un soldat d'un bataillon. Les ordres d'un capitaine sanguinaire, l'engrenage dans la barbarie habituelle, puis banalisée.
Le capitaine, « de sa voix d'ogre » : « Ça veut dire que nous serons sans pitié, nom d'un bordel ! ça veut dire que nous n'hésiterons pas à embrocher les révoltés un par un, brûler leurs maisons, à saccager leurs récoltes, tout ça au nom du droit, de notre bon droit de colonisateurs venus pacifier les terres trop longtemps abandonnées à la barbarie, comprenez-vous bien soldats, ce que cela signifie ? »

L'absurde ou le pire (mais toute guerre ou toute colonisation n'est elle pas absurde ?), c'est que les exactions des soldats français retombent obligatoirement sur les colons.

Il n'y a pas de jugement de la part de Bélezi sur les hommes à cette époque. C'est bien plus fort que cela. C'est toute une pensée, un paradigme qui sont remis en cause. Dont on voit sur le terrain, en chair, en sang et en larmes ce qu'il signifie et ce qu'il provoque.
Un magnifique plaidoyer contre toutes les guerres, contre les horreurs et la barbarie.

L'écriture semble erratique, comme l'est le cheminement de la pensée, sans filtre, sans recul, devant le quotidien, « hantée par Faulkner » ( comme l'indique l'éditeur). Et je suis d'accord d'autant plus que j'avais adoré « le bruit et la fureur », et que j'en garde un souvenir précis.
Même si Mathieu Bélezi n'est pas allé aussi loin que l'écrivain américain, qui ne finissait pas souvent les phrases des protagonistes qui s'exprimaient. Comme lorsqu'on pense : on passe d'une idée à une autre sans parfois terminer la première.

Un magnifique roman, consacré par le Prix Inter 2023, largement justifié.
Chapeau bas, Mathieu Bélezi !

https://commelaplume.blogspot.com/
Instagram : comme la plume
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Relire le premier homme, Camus.
Non seulement je suis passée à côté de cette lecture, mais je crois l'avoir détesté me sentant prise dans une sorte d'arnaque littéraire sensée enfin nous révéler l'horreur de la guerre menée en Algérie par le gouvernement français, à savoir son bras armé qui broie les hommes. Récit d'une grande violence sans aucune respiration, d'une écriture faussement aride et en fait artificielle. Sur un thème proche, Mahmoud ou la montée des eaux offrait une plongée en apnée dans la violence des hommes dont on émergeait lentement par la force de l'amour, de l'attachement à la terre, de la mémoire et porté par un style singulier.
Quant au sujet central, la colonisation civile décrétée après 1848 par la France (car évoquant Mac Mahon, on ne peut être en 1830...) comment ne pas penser à Camus qui évoque ces événements, leur violence fondatrice des relations franco-algeriennes, jusqu'à son dénouement ultime en 1962.
Relire le premier homme. Tout y est, et surtout plus.
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l'arrivée des colons en Algérie. dans ce livre on arrive avec les premiers militaires français et leurs famille dans les campagnes algériennes. on y est les images, les odeurs, les bruits. mais aussi les descriptions violentes et horribles des exactions. personne n'est épargné. on voit les scènes en détail, c'est d'une violence sanguinaire, verbale, l'humiliation, la haine, la rage. je suis moi même peu sensible mais la franchement âmes sensibles s'abstenir. Mais bon il ne faut pas se voiler la face et ce livre est excellent.
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Bonsoir,
Un livre sur la colonisation, sur l'Algérie, sur les massacres au 19 ème siècle avec "Attaquer la terre et le soleil", de @Mathieu Belizi chez le Tripode. Un livre dur sur un épisode de colonisation dont j'ignorai tout, un livre violent à deux voix, celle d'un soldat de l'armée française, venu pour évangéliser et massacrer les rebelles et celle d'une agricultrice du Nord de la France venue là avec sa famille sur les promesses d'un gouvernement français, promettant des surfaces de terre à cultiver et qui espère une vie meilleure pour sa famille.
Un livre relatant la violence de la guerre et la violence pour ces nouveaux colons arrivant dans un monde qu'ils ne connaissent pas et dans une misère encore plus grande que celle qu'ils connaissaient en métropole.
J'ai aimé découvrir cette plume brute incisive dans cet ouvrage.
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Difficile au 21ème siècle de se projeter dans le contexte de la vie au milieu du 19ème. Une vie sans confort, précaire (les enfants mouraient nombreux en bas-âge, les épidémies raflaient périodiquement des vies), où les déplacements étaient lents et périlleux, on ne voyageait pas pour le plaisir. Difficile aussi de comprendre la logique de la colonisation maintenant que l'Algérie est indépendante depuis 60 ans. C'est pourtant ce que réussit dans ce roman "Mathieu Belezi" (c'est un pseudonyme), et de façon magistrale.
Quand l'Etat français, gonflé de sa supériorité européenne de conquérant de l'Algérie promet à des petites gens le bonheur dans un pays de cocagne, il en est qui y croient et se lancent dans une aventure dont ils n'imaginent pas le dixième. Nous suivons ainsi deux familles de colons qui font le voyage et subissent dès leur arrivée le désenchantement. le village promis n'existe pas, on dort sous la tente pendant que les hommes doivent le bâtir. Et cette terre n'est pas vierge, les Algériens n'acceptent pas d'être spoliés et se rebellent. L'armée est donc aux avant-postes pour protéger les citoyens français, avec une sauvagerie proportionnelle à la vision raciste de l'époque : la vie de ces Arabes musulmans n'a aucune valeur, et de toute façon ils ne comprennent que le langage de la force.
Le propos est dur, presque insoutenable par moment, mais il est sans jugement, et la magie du verbe poétique et épuré de l'auteur l'adoucit et le rend captivant. Je n'ai lâché le livre qu'à la dernière ligne. Impressionnant !
Tout est dit de l'ambition et de la folie coloniale, qui à l'époque était vue comme le point le plus avancé (géographiquement) de la Civilisation et du Progrès. Elle durera plus d'un siècle, fera d'innombrables victimes dans tous les camps et finira comme elle a débuté, dans le sang.
Un seul regret : seules les voix alternées des colons et des soldats structurent ce récit. J'aurais aimé en entendre une troisième : celle des Algériens qui ont vu cette colonie s'installer sur leurs terres. La voix des sans-voix.
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Roman aux multiples Prix et distinctions dont le prestigieux Prix du Livre Inter 2023, un titre qui en promet, une couverture à l'abstraction attractive et un bouche à oreille très favorable me pousse vers Attaquer la terre et le soleil de Mathieu Belezi.

Pour le coup, le titre n'est pas une métaphore fumeuse et abusive car ce roman, c'est totalement ça. Une lutte permanente contre les éléments. Mathieu Belezi aurait même pu ajouter Attaquer la terre, le soleil et les hommes. Ce récit de la colonisation algérienne a quelque chose d'insensée sitôt qu'on en expose les bases. Cela en est presque pas croyable. La folie des politiques, leur entêtement dans un projet colonial archaïque, inadapté, un chemin de croix vendu comme un nouvel éden pour ceux qui sont censé le mener à bien, les victimes déracinées.

Le roman est dur. le roman est âpre. Il est tragique. Et pourtant, il m'a presque laissé de marbre et je pense que la cause en est un manque d'incarnation. À trop dire, à trop vouloir être exhaustif dans les douleurs ressenties, à trop décrire l'horreur, la dureté, on perd un peu l'intérêt romanesque pour aller vers un intérêt documentaire. On a plus d'effet choc. Ce n'est pas ce que je recherche avec un roman et avec Attaquer la terre et le soleil, je n'ai pas eu cette empathie avec les personnages, cette immersion qui nous plonge à côté d'eux. je n'ai eu que la curiosité sur ce fait historique que j'ignorais.


Lien : http://livrepoche.fr/attaque..
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