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4,03

sur 875 notes
Roman publié en 2002, c'est avec Les Demeurées que j'ai fait la découverte de Jeanne Benameur.
Dans ce petit roman, l'auteure y relate l'histoire d'une femme "La Varienne" et de sa jeune fille prénommée Luce. Elles vivent toutes les deux dans une grande précarité, une réalité qui les isole socialement des habitants du village. Leur vie quotidienne est austère et graduée et leur relation murée dans le silence mais toutefois pas dénuée d'affection. Un fait va survenir qui va ébranler le cours des choses : Luce doit aller à l'école. Son institutrice l'accueille, c'est Mademoiselle Solange.
Dès les premiers jours, l'enfant se mure dans un mutisme inébranlable, ne semble pas comprendre l'objet des leçons et se tient à l'écart des autres enfants de la classe. Troublée par le comportement de la jeune fille, l'institutrice va tenter de s'en approcher pour, pense-t-elle alors, l'aider à s'intégrer dans le cycle de l'apprentissage mais aussi à la défaire de sa condition. L'histoire va prendre alors un curieux détour.

Les Demeurées est un roman saisissant. Avec un style très épuré, une économie de dialogues et de propos longs, l'auteure fait de cette histoire comme un petit tableau de la condition humaine assez singulier : celui de personnes, d'une jeune fille en l'occurrence, que l'instruction scolaire n'aura pas réussi à tirer de la mésaventure. L'instruction suffit-elle pour s'émanciper de sa condition ? L'acquis peut-il défaire complètement l'inné chez un jeune enfant ? Sommes-nous égaux devant le savoir ? Existe-t-il d'autres moyens de se réaliser, de dépasser sa condition sociale que ceux offerts par l'école ?  etc.
Jeanne Benameur, romancière mais aussi ancienne enseignante et intervenante dans des associations d'aide aux jeunes en grande difficulté, pose toutes ces questions en filigrane de ce beau roman.

Un livre qui m'a donné envie de découvrir un peu plus de l'oeuvre de Jeanne Benameur, mais qui fut avant tout un beau moment de lecture.
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Dans la maison de la Varienne, la tendresse ne s'exprime pas. Pas un mot, pas même un regard. Mais l'amour, bien là. Dans le village, c'est la maison de « la demeurée », ou des demeurées, car si la mère l'est, la fille l'est forcément. Stigmatisées, Luce et La Varienne, vivent à leur rythme, marqué par une musique régulière.

Pourtant, cette vie loin des rumeurs semble touchée à sa fin lorsque Luce doit entrer à l'école. La musique de leur quotidien commence à grésiller dès lors que le duo inséparable voit entrer dans la danse un troisième personnage. Mademoiselle Solange, l'institutrice prend son rôle à coeur, loin d'écouter le qu'en dira-t-on, elle a décidé qu'elle emmènerait tous ses élèves vers le savoir.

Mais Luce veut-elle apprendre ce que ne connait pas sa mère ? La rupture qu'engendre l'institutrice entre la mère et la fille n'est pas sans conséquence.

Un récit intime et poignant pour ma deuxième rencontre avec l'écriture de Jeanne Benameur. En moins de cent pages, l'auteure crée un univers particulier marqué par la musique de ses mots. Ces derniers sont âpres, mélancoliques. le style ne se laisse pas facilement appréhender, c'est au lecteur de trouver sa place dans cette histoire. Dans cette histoire de famille qui questionne les limites de l'enseignement et l'accès au savoir. Les demeurées est un livre qui m'a profondément touchée, et encore plus car l'auteure explore toutes les facettes du mot « demeurée », lui donnant toute son humanité.

Merci Folavril pour le conseil de lecture, une nouvelle fois une très bonne recommandation !

Lien : https://marcelpois.wordpress..
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Abrutie, la Varienne, qui vit dans un silence opaque. Abrutie, Luce, sa fille, qui ferme ses oreilles aux mots de l'institutrice, Melle Solange. En pédagogue convaincue, celle-ci s'efforce à tout prix de lui apprendre à lire et écrire, c'est son devoir. C'est sans compter sur le pouvoir de résistance de Luce : apprendre lui fait peur, tant les mots l'éloignent de sa mère, irrémédiablement. Aussi, elle se mure au fond d'elle-même pour échapper au savoir. Jusqu'au jour où Mlle Solange écrit le nom de Luce au tableau et force la petite à l'écrire. C'en est trop. le nom ainsi affiché marque en lettres de craie un non-dit, vient révéler le secret de l'enfant. Au fur et à mesure que Luce s'affaiblit jusqu'à ne plus pouvoir venir à l'école, Mlle Solange perd sa foi de pédagogue et s'étiole progressivement : elle exigeait le meilleur de Luce, voilà qu'elle lui oppose une résistance passive. Mais Luce va découvrir, à la faveur d'un événement inattendu, que les mots de l'institutrice ne sont pas morts : ils sont toujours là, en elle, et ne demandent qu'à éclore…

« Les demeurées » est un magnifique roman très court écrit par Jeanne Benameur. Guidée par une plume âpre, exigeante, emplie d'une poésie et d'une tendresse éblouissantes, l'auteure a su décrire l'éveil au savoir d'une petite fille, dans toutes ses difficultés, mais aussi dans son potentiel de promesses. Elle pose avec brio et sans jargon aucun les grandes difficultés que peut rencontrer l'apprenant au seuil de l'apprendre à lire-écrire : pourquoi consentir à un tel effort quand ce savoir viendrait éloigner de l'autre, parce qu'il vient révéler un secret originel qui pourrait détruire ?

« Les demeurées » est un chant d'espoir, tant pour l'apprenant que pour le pédagogue. Ne jamais forcer le désir d'apprendre, c'est ce qu'un des professeurs de Mlle Solange lui avait appris. En acceptant, bien malgré elle, cette résistance, le désir de Luce peut s'éveiller, autrement. Un désir dont la petite accepte les risques, mais un désir risqué pour l'autre…
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Mère et fille sont fusionnelles. Elles se protègent mutuellement et vivent dans leur petit cocon douillet sans besoin de mots pour exprimer leur amour intense. Evidemment, cette relation les isole des villageois, d'autant qu'ils considèrent, depuis fort longtemps, la mère comme une attardée. L'institutrice, Mademoiselle Solange, veut absolument éduquer la petite fille. Et enseignante et fillette, chacune à sa manière, vont se remettre en question après un long et douloureux cheminement.
Je me sens démunie pour commenter les mots et phrases magnifiques de Jeanne Benameur. J'ai presque honte de mon petit commentaire face à cette virtuose de la phrase, du mot juste. Même si la fin dément les faits, remettre en question l'instruction, l'école, les mots ce n'est pas rien pour une ex-professeure.
L'écriture est extraordinaire, empreinte de poésie, de douceur, de grâce et légèreté. le silence est parfaitement rendu, l'amour aussi entre ces deux êtres. C'est un livre magnifique. Je suis heureuse que la petite fille s'ouvre enfin sur le monde, car la fusion totale avec une mère laisse des traces indélébiles, on n'en sort jamais indemne.
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lu en 2002...je suis dans ma période Benameur et relis les livres qui m'ont bouleversées; ici une mère et sa fille, fusionnelles mais qui sont considérées comme débiles; seule une institutrice va essayer de sortir Luce de ce monde clos; mère et fille en sont perturbées.
Là encore je suis impressionnée par la sensibilité de l'autrice, découverte en 2000 et jamais lâchée!
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bouleversant , émouvant, belle écriture aussi ; une joie de lecture !
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Les demeurées, ce sont ces deux âmes, une femme et sa petite fille, deux coeurs liés par leur silence, une intensité dans le regard, un langage des sens. Elles se comprennent, au-delà des illusions et des rencontres, des attentes et des normes. Une grâce transcrite dans une écriture simple, un langage sensoriel, un lien charnel entre deux êtres. Un roman court fait de respirations et de souffles, où le langage du corps supplante celui des sons et où l'amour hors norme d'une mère pour sa petite fille combat toutes intrusions extérieures. Une écriture d'une grande sobriété pour décrire un amour intense, une humanité à fleur de peau pour un beau talent d'écrivain.
Lien : http://art-enciel.over-blog...
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Mère et fille vivent en marge de la société dans leur maison à l'écart du village. Mais cette exclusion n'empêche pas les obligations et la petite Luce va devoir aller à l'école. Hélas, ça ne se passe pas bien. Si dans le village, on les nomme « Les demeurées », Luce ne se sent pas autorisée à apprendre d'autant plus que la séparation d'avec sa mère est très difficile. L'école n'est pas pour elle… Mais l'enseignante ne croit pas au déterminisme social, elle croit en sa petite élève et a l'ambition de lui apprendre à lire et écrire. Son dévouement, sa détermination et son « ardeur pédagogique » permettront-elle, à Luce, de sortir de sa condition et d'accéder au savoir ? Un roman très court, un choc. Ses ondes nous touchent, peuvent rappeler des situations d'enfants, voire de ragots et de rumeur qui font mal, qui rongent. Les mots, comme les maux traversent ce récit. Ils m'ont bouleversée.
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👯 « Quand elle a poussé la porte de la maison, La Varienne s'est levée. Luce s'est jetée contre le grand corps. Il n'y a pas d'autre vérité. Tout est là. Dans l'obscur du grand tablier. Qu'on la protège.
Les bras forts se sont clos sur elle, l'ont portée sur le lit. »
(P.42)

👯 La mère, c'est la Varienne. La petite, c'est Luce. « Abrutie » disent-ils de la mère. Jamais un mot, jamais une phrase, seule une complainte persistante, un grognement animal, et ce regard qui fuit en permanence, et encore, ce n'est pas le regard qu'elle baisse face aux autres, c'est la tête, dans un ultime réflexe de résignation, de triste capitulation, bête blessée. le seul mot qu'elle ait jamais prononcé, c'est le prénom de sa fille à sa naissance, dans un cri de déchirement, les entrailles ouvertes au monde : Luce. Sa fille, sa lumière sur l'univers, sa bataille, sa raison d'être. Oui, ils peuvent bien l'appeler abrutie ou demeurée, que savent-ils de ce lien indéfectible, connaissent-ils vraiment l'amour, inconditionnel, impérissable, intouchable ?

👯 Pourtant, un matin, cette vie à deux est chamboulée : Luce doit aller à l'école. Sans surprise, elle se retrouve seule dans la cour, les camarades l'ignorent ou la moquent, demeurée elle aussi, qu'en attendre, qu'en faire ? Mademoiselle Solange, l'institutrice, note la singularité de la petite fille, elle ne parle jamais, les leçons s'accumulent jour après jour sans qu'elle n'imprègne jamais aucune d'elle … loin d'être stupide, il semblerait qu'elle s'obstine à ne rien garder pour elle, pour que tout glisse et que, le soir, de retour à la maison, elle soit pour sa mère la petite fille qu'elle a toujours été… L'obstination de Luce n'a d'égale que celle de sa maîtresse, et celle-ci décide de s'occuper de la jeune fille après les cours. Il faut apprendre à écrire, a dire qui l'on est. « Tu es Luce M. », tu dois écrire tes nom et prénom. Les lettres blanches de la maîtresse sur le tableau noir, la craie qui grince et qui concrétise la réalité tant redoutée, qui brise le duo indivisible, la bulle d'amour exclusif, le cocon fusionnel.

👯 Les demeurées… une femme et sa fille enfermées dans leur microcosme, incomprises et ridiculisées. Oui elles se suffisent à elles-mêmes, oui elles ignorent les moqueries, oui elles ont construit des murs imbattables. Quiconque tentera de les aider, qui conque brisera cet aveuglement heureux échouera dans sa tâche. Elles ignorent les mots qui sont les codes, elles ont leur propre langage, leurs règles : elles sont Luce et la Varienne, rien d'autre. Ni passé ni futur, rien que ce présent continu, qui s'illumine au lever du soleil et qui s'assombrit à son coucher…

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Il y a tant d'intensité dans ce tout petit roman poignant!
L'amour entre la demeurée et sa fille exclut le reste du monde, opaque, pour pouvoir continuer à exister en paix, ignoré de tous. Un amour épuré, absolu, uniquement fait de présence.
L'auteure raconte en mots, choisis avec précision et poésie, l'absence des mots dans cette relation d'amour muette.
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