Catherine a cinq ans lorsque sa maman adorée lui annonce qu'elle attend un bébé. Elle pose la tête de sa fillette sur son ventre et lui dit en souriant : « Tu entends ? On dirait des étoiles qui chantent. » Catastrophe pour l'enfant unique, objet de toutes les attentions. Maman chérie ne sera plus à elle toute seule. Elle lance de mauvais sorts au gros ventre. En vain. Les étoiles lui paraissent haineuses. Elle les peint en noir. Heureusement, elle n'est pas seule. A ses côtés, Camille la soutient, la pousse à se révolter, souligne les injustices dont elle est la victime.
En ouvrant le roman de
Monique Bernier, le lecteur découvre cette citation d'
André Gide : « Pour moi, être aimé n'est rien, c'est être préféré que je désire. »
Claire, mère célibataire, appartient totalement à sa fillette, très possessive. le jour où cette enfant unique comprend que, dans ce ventre rond, se cache un intrus qui va lui voler l'amour exclusif de sa mère, elle en conçoit une jalousie mortelle. « On dirait des étoiles qui chantent » ? « A l'école (…) j'avais griffonné en noir toutes les étoiles de Laurence (…) Moi, je n'aime pas les étoiles. » Elles « sentaient mauvais comme la viande que maman avait oubliée l'autre jour dans la voiture (…) Elles faisaient beaucoup de bruit. Il y avait un vacarme pas possible. » Catherine se ferme les oreilles. Elle ne peut se confier à personne, sinon à Camille. Oui, sa mère est devenue une sorcière sous l'emprise de Jean, son compagnon, un usurpateur. Catherine « veut faire le vide autour de toi ». Claire est avertie. Et effectivement, mystérieusement, tous ceux qui s'interposent entre Catherine et sa mère disparaissent. Comment ? Jamais les choses ne sont dites explicitement. Car un chapitre sur deux place le lecteur dans la tête tantôt de Catherine, tantôt dans celle
De Claire. Ainsi, on découvre Catherine à la fois de l'intérieur et de l'extérieur. Elle est diaboliquement habile. Si nous ne lisions pas ses pensées, nous aussi, nous la verrions comme gentille, aimante, attentionnée, mais aussi désemparée, malheureuse, perdue. C'est ce que pensent d'elle l'institutrice, la psychologue, les médecins, l'oncle Clément.
A l'intérieur de ce petit ange bouillonne un véritable volcan. Sa jalousie est mordante, envahissante, destructrice.
Tantôt elle est Catherine, qui s'assied à côté de sa maman, se couche contre elle, se fait câliner, la console quand elle a du chagrin. Tantôt, elle est Camille, qui se révolte, casse tout, veut du mal à cette sorcière et à son infâme bébé, celui qui vole à Catherine l'attention et l'amour de sa mère.
Par petites touches, la crainte envahit Claire qui ne comprend pas ce qui lui arrive, qui est terrorisée par sa propre fille : « je perçois l'arrière-goût d'une puanteur angoissante, une odeur liée à la décomposition qui m'engloutit dans les couloirs souterrains de la mort. » « La perspective de retrouver la cruauté de Catherine se précise et l'angoisse me reprend ».
C'est terrible de voir cette femme devoir lutter sur deux fronts à la fois, contre ses chagrins et ses peurs et aussi contre tous ceux qui se laissent prendre au jeu pervers de Catherine. « La sorcière est venue me chercher. Elle a voulu me faire des câlins et j'ai dit oui parce que le docteur était là. »
La progression du climat angoissant, glaçant, est particulièrement bien rendue. Elle conduit inéluctablement à une fin qui laisse KO debout. J'ai beaucoup aimé ce roman.