Je reprends la route plein sud vers la Sierra Madre occidentale avec comme objectif les plages du Pacifique et la traversée d'une des régions les plus grandioses du Mexique: les célèbres Barrancas, gorges sauvages dont la majesté n'a, paraît-il, rien à envier au grand canyon du Colorado. Elles sont habitées par des Indiens mal connus, les Tarahumaras.
Mes chevaux sont très en forme. Hobo est plus fort qu'au départ. C'est une bête magnifique qui force l'admiration des habitants, tous connaisseurs, de la région. Mon impression est qu'il mange trop, et ma réaction, de le gaver encore plus. Omobono, lui aussi, s'est musclé, son arrière-main s'est arrondie et son poil brille au soleil. Il mange toujours aussi peu mais mâche avec lenteur et assimile convenablement. Il est toujours égal à lui-même: curieux, allant, affectueux.
Les vastes plaines aux teintes douces se couvrent peu à peu d'un manteau montagnard de pins et de chênes aux larges feuilles craquantes. L'activité des habitants devient forestière. Je croise fréquemment des attelages de bûcherons formes de chariots à quatre roues tirés par des mules ou de petits chevaux. Des villages tout en bois m'accueillent au terme de journées de chevauchées tranquilles.
La montagne se dévoile avec une pudeur de fiancée, elle se sculpte peu peu dans les profondeurs du sol. Le plateau que nous parcourons se creuse de charmantes vallées bordées de falaises de grès. A leur pied s'ouvrent parfois des cavernes où quelques familles tarahumaras ont installé leurs abris troglodytes. Mon chemin passe au large. J'aperçois de loin les taches colorées de jupes abondantes et les vêtements blancs de quelques gamins.