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sur 1217 notes
«La vie n'est pas un roman.» [L.B.]
La vie n'est peut-être pas un roman, mais Laurent Binet jouera systématiquement sur la fine frontière qui les sépare. On verra défiler l'ensemble de l'intelligentsia française des années quatre-vingt dans une histoire réaménagée et réinventée autour d'un fait réel, celui-là, l'accident qui fera perdre la vie à Roland Barthes. En effet, le 25 février 1980, le sémiologue et critique Roland Barthes est renversé par la camionnette d'une blanchisserie, il en mourra le jour suivant. Et si ce n'était pas un accident? Qui aurait voulu tuer Roland Barthes? Pourquoi? Une enquête s'amorce. C'est le commissaire Bayard, un homme d'une droite assumée, qui mènera l'investigation. Avec comme adjoint conscrit, un jeune enseignant de linguistique, il s'engagera dans le monde obscur de la sémiologie et de la linguistique théorique. le mobile serait-il cette mystérieuse septième fonction du langage, une fonction magique qui s'ajouterait aux six fonctions établies par Jakobson dans son schéma de la communication verbale? Plusieurs ont à ce sujet une opinion éclairée. On sera ainsi confronté à des acteurs importants d'alors et d'aujourd'hui : Louis Althusser, Michel Foucault, Philippe Sollers et Julia Kristeva, Jacques Derrida, Bernard-Henri Lévy, Umberto Eco et d'autres. Ils seront mêlés de près ou de moins près à cette rocambolesque enquête policière qui prend des allures politiques dans la campagne présidentielle qui se déroule alors et qui mènera François Mitterrand à la présidence. Cette aventure policière est intelligente et drôle, elle a un pied dans une certaine réalité et l'autre dans une reconstitution extravagante d'un réel qui frise l'indicible.
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La lecture a été une expérience intéressante et surtout agréable. C'est un roman policier hors du commun qui est tantôt amusant et léger et tantôt captivant et dur.

L'histoire se déroule au début des années 80 du siècle dernier. L'histoire offre un mélange de fiction et de personnages réels, comme les politiciens et les écrivains de cette époque du président Giscard d'Estaing. Un écrivain français célèbre décède après avoir été blessé dans un accident de la route à Paris. Après cet accident, un document important et secret manque, alors, l'accident, peut-être il était en effet un meurtre ? C'est le policier Jacques Bayard qui va examiner le cas, assisté par Simon Herzog, un scientifique linguistique. Ensemble, les deux chercheurs essaient de résoudre le cas et de retrouver le document secret. Au début, Simon est encore peu disposé à assister un flic, mais plus tard il contribuera de plus en plus à la recherche. le récit du polar est mêlé à la linguistique par voie d'un concours secret et mystérieux pour lequel le document manquant pourrait avoir une grande valeur.

J'ai surtout aimé le sens de l'humour du livre, de temps en temps il est vraiment très drôle. Je crains que je n'aie pas compris tous les références aux écrivains et événements typiquement français de cette époque. En revanche et bien sûr, j'ai reconnu la plupart des références aux événements et à la musique de ce temps, il y a 35 ans. Or, je suis sûr aussi que je n'ai pas saisi au moins la moitié des textes sur la sémiologie. Ça ne m'a pas empêché d'aimer la lecture, le livre reste amusant et intéressant même sans comprendre tout.
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J'avais très envie de lire ce roman depuis l'année dernière et l'opportunité de le parcourir m'a enfin été offerte et autant vous dire que mon attente n'aura pas été vaine : j'ai tout simplement adoré !

Le sujet ne pouvait que m'intéresser : au-delà de l'enquête policière (je ne suis à la base pas très branchée thriller ou polar), le récit mêle sémiologie et linguistique me replongeant avec délice dans mes années d'études et particulièrement dans mes cours de communication. Laurent Binet mêle un grand savoir en la matière à une plume entraînante qui nous fait dévorer les pages sans pouvoir s'arrêter. Mieux encore, il rend accessible le sujet en faisant montre d'une élégance ravissante dans l'art d'expliquer sans noyer le lecteur sous une masse d'informations les principes essentiels tels que le schéma de Jakobson avec ses 6 fonctions du langage. Alors certes, je dois bien reconnaître qu'avoir un certain background dans ces domaines, en philosophie et en histoire aide à mieux s'imprégner du récit et à en saisir davantage les subtilités. Laurent Binet, agrégé de lettres et fin analyste, fait preuve d'une grande culture et en appelle à notre capacité à mettre en lien des références, touches éparpillées les unes après les autres tels des clins d'oeil complices qui viennent susciter notre curiosité et notre attention.

Ici, on plonge dans la France et aussi dans l'Italie et les États-Unis du début des années 80, fascinés par la French Theory. On plonge dans la vie politique et intellectuelle française, ses utopies, son histoire, son passé, son actualité, ses enjeux et ses espoirs. L'auteur installe avec efficacité ses personnages, les entremêlant avec grâce : Foucault, Derrida, Barthes, Giscard d'Estaing, Mitterrand, Fabius, BHL, Kristeva, Sollers, Althusser, Lacan, Baudrillard et bien sûr Umberto Eco sont quelques uns des célèbres membres de l'élite politico-intellectuelle de cette époque et se joignent à eux un éventail de personnages anonymes qui viennent tous s'inscrire dans cette mystérieuse affaire de la septième fonction du langage : Hamed, Slimane, Anastasia l'infirmière qui n'en est pas une, Bianca l'italienne de Bologne qui fait tourner la tête de Simon. Mais le duo invraisemblable que constitue nos deux enquêteurs est le sel de cette galerie de personnages, tour à tour touchants, drôles et cyniques. Ils nous emmènent plus en profondeur dans les eaux troubles de l'enquête et nous font creuser davantage pour percer la paroi et mettre à jour la vérité, jusqu'à nous entraîner dans le très peu ordinaire Logos Club, où se tiennent des joutes d'orateurs qui pour les plus braves tentent le risque de graver des échelons de la hiérarchie, au risque d'y laisser des plumes. Laurent Binet dresse avec humour et insolence le portrait d'une intelligentsia qui s'auto congratule et se complait dans son microcosme.

Et c'est là le tour de force de Laurent Binet, qui nous perd, nous égare, nous laisse penser qu'on est en train de mettre la main sur l'indice qui va tout révéler avant de nous obliger à reprendre la course, enivré par l'envie de compléter le puzzle. Attentat à la bombe (reprenant les vrais attentats d'août 1980 à Bologne), course poursuite, filatures des services secrets bulgares...Le rythme est affolant et ne cesse jamais, ce qui nous maintient dans une sorte de transe verbale inextinguible. Pas de spoilers ici mais j'ai vraiment aimé que l'auteur joue avec nous et nous fasse naviguer entre non pas une mais plusieurs enquêtes au final.

Mais l'ingrédient qui lie l'ensemble, au-delà de l'enquête, de la reprise d'événements historiques et de l'utilisation de vraies personnes qui sous sa plume deviennent des personnages, ce sont les interrogations que soulève l'auteur sur le pouvoir, celui des mots, de la langue, du langage, des signes, de la fiction vs le réel, du roman. Il décortique les illusions et par le biais de cette septième fonction du langage, qui conférerait à celui qui la maîtrise un grand pouvoir pour commander, influencer et persuader, interroge notre perception du monde.

De ce récit entraînant qui se parcourt avec gourmandise et rire, on ressort intrigué et fasciné, ce qui a eu le don de me plaire au plus haut point. Insolent parfois, vif et jubilatoire, ce thriller est palpitant et un mot, un coup de coeur.


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Un bon moment de lecture ...
C'est un livre ... malin, dans sa composition, dans son style faussement (je m'interroge) dilettante, dans l'originalité de son intrigue, dans l'ironie - tantôt féroce, tantôt tendre - qui s'en dégage, par son érudition.

Je plains un peu les moins de 45-50 ans qui ne pourront apprécier à leurs justes mesures l'évocation et la mise en scène des R16, Renault Fuego, Palmito et Savane (de chez Papy Brossard !), l'université de Vincennes dans son jus, la place de la Bastille un soir de Mai 81, la sexualité débridée et insouciante (le SIDA était à peine une rumeur).

Le bestiaire y est de haute volée. Giscard chuintant, Mitterrand avec ses canines, un Sartre vacillant, un Sollers pathétique tout d'égo boursouflé, Lang en tête de bouc, Poniatowski picolant, quelques têtes à claque .... et un raton-laveur.

Mais le personnage central est bien le langage.
Il fait ici sa démonstration de force.
C'est l'Art de la guerre version Jakobson, Austin, Derrida, Deleuze, Foucault, Searle, Eco...... et Barthes bien sûr.
Et la quête de l'arme absolue de la réthorique, la septième fonction du langage, mobilise politiques de tous bords, policiers, intellectuels, dans une lutte féroce, mutilante ou mortelle pour beaucoup.
Les joutes oratoires du Logos Club, autour desquelles se noue l'évolution de l'enquête, sont des pages à savourer.

Ce livre est comme une flanerie érudite au sein d'une époque (qui semble si lointaine ..!), et au coeur de la mécanique du langage et de ses pouvoirs.

Et puis deux secrets pour vous motiver : vous allez savoir comment Obama a fait pour être élu, et pourquoi Sollers a écrit "Femmes" en 1983 (mais ça c'est une hypothèse personnelle).
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Magistralement déjanté.

La mort de Roland Barthes, sémiologue, philosophe, est le point de départ de ce polar dont l'objet est la recherche d'un document mystérieux que le mort aurait eu sur lui au moment de son accident. Ce document permettrait à celui qui l'apprend, de maitriser "la septième fonction du langage": le pouvoir de persuasion ultime, uniquement par la force des mots.
Cette intrigue originale a piqué ma curiosité, je me suis donc plongé dans ce roman, se déroulant en 1980-1981, dans les milieux littéraires et philosophiques de l'époque. On retrouve dans cette fiction de nombreux personnages réels (les plus grands noms de la philosophie, quelques hommes politiques...), ce mélange est tout à fait savoureux et prête souvent à rire ou à sourire. En effet, bien que parfait candide (comme le flic de l'histoire), j'y ai lu une critique à peine déguisée de ces milieux littéraire, philosophique et politique parisiens.
Le "flic de l'histoire", tout comme le lecteur que je suis, est bien aidé par Simon, jeune universitaire, toujours là pour nous éclairer sur quelque concept philosophique fumeux ou sur tel ou tel personnage (ses idées, son courant, ses ennemis...).

Mais cette bataille entre les idées et ceux qui les portent ne doit pas faire oublier qu'il s'agit aussi d'un polar, avec de l'action, du suspense, des espions, la mafia, et même une société secrète... et surtout beaucoup, beaucoup d'humour.
Un mélange savamment dosé pour cette quête dont le Graal est la maitrise du langage, de l'éloquence et de l'érudition.
Un régal.
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Que dire sur ce livre pour le moins inhabituel ...
L'histoire est intéressante, on a envie de savoir ce qui s'est passé et pourquoi.
Le contexte dans lequel évoluent les personnages est intrigant.
Mais je pense que ma culture n'était pas suffisante pour me permettre de tout comprendre. Ou en tout cas pas à tous les niveaux de compréhension possibles.
J'en ai quand même compris suffisamment pour vouloir aller jusqu'au bout et je ne le regrette pas.

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J'avoue tout de go que ce thriller très original m'a complètement "bluffé". Laurent Binet a situé son action dans une époque récente (1980-1981) et surtout il a osé mettre en scène des politiciens et des intellectuels français très célèbres, dont certains sont encore vivants en 2017. Attention, ils ne sont pas simplement à l'arrière-plan du livre ! Non, ils sont des acteurs dans l'intrigue: Foucault, Derrida, Sollers, Kristeva, Althusser et bien d'autres - décrits sans aucune complaisance - sont directement impliqués dans la sombre affaire qui est le sujet du roman.

Roland Barthes (1915-1980), philosophe, critique littéraire et sémiologue, est décédé des suites d'un accident de circulation à Paris. A partir de ce fait avéré, Laurent Binet nous entraîne dans une histoire complètement déjantée dans le milieu des universitaires et des intellectuels. Mine de rien, les lecteurs ignares (dont je fais partie) apprennent des éléments de la linguistique et des sciences de la communication. J'ai su ainsi qu'un linguiste célèbre, nommé Jakobson (1896-1982), avait dénombré six fonctions du langage. En fait, il existerait une septième fonction, qui n'a jamais été publiée et dont l'importance serait capitale ! Ce secret aurait été indiqué dans un document dont Barthes disposait et qui a été volé le jour de son fatal accident.

Le président Giscard d'Estaing s'inquiète (et il a raison de se faire du souci, comme on le verra au dénouement !) et ordonne des investigations policières, qui seront discrètement menées par le commissaire Bayard. Celui-ci rencontre un très jeune enseignant de la fac de Vincennes, qui est alors un inénarrable repaire de gauchistes: Simon Herzog. De gré ou de force, celui-ci va participer à l'enquête, qui sera longue et mouvementée. Cette "paire dépareillée" va ainsi rencontrer une foule de personnages, non seulement des intellectuels français, mais aussi des universitaires étrangers, des agents secrets, des gigolos, des excités politiques, des égéries féministes, etc. Il y aura des mystères, du suspense, de grands dangers, des assassinats, un attentat meurtrier, du sexe "hard", etc. Mais aussi de l'humour, parfois très noir ! Bayard et Herzog découvriront aussi une société secrète qui organise des duels oratoires, dont les perdants subissent l'ablation d'un doigt de la main (ou éventuellement d'un autre organe): à ce sujet, on pense aux livres d'Umberto Eco... qui est lui-même un personnage du présent roman, comme on aurait dû s'y attendre. Après des rebondissements magistralement orchestrés par l'auteur, le mystère est enfin éclairci. Il aura, dans le domaine politique, une conséquence invraisemblable (mais peu importe...).

Apparemment, l'auteur n'a pas eu d'ennuis avec les personnalités (réelles) qu'il a utilisées dans son roman - ce qui peut indiquer qu'elles ont le sens de l'autodérision. A part quelques très rares longueurs, j'ai été tenu en haleine constamment et je me suis bien amusé. Ce thriller est jouissif. Bravo à Laurent Binet !
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Roland Barthes (comme chacun sait...enfin maintenant je le sais) meurt renversé par une camionnette en sortant d'un déjeuner avec Mitterrand. On est en 1980, Mitterrand et Giscard sont en pleine bataille électorale. Coïncidence ou complot ?
J'ai du mal à dire ce que je pense de ce livre, car je suis assez partagée. Je l'ai trouvé globalement intéressant, érudit, vif, intelligent et instructif, du moins pour qui n'a pas fait d'études de philo.
L'intrigue est originale, mais l'auteur semble perpétuellement hésiter entre un manuel du type "la philo pour les nuls", un polar, ou la galerie de portraits des intellectuels de tous poils des années 1980. Ce qui n'est pas inintéressant, loin s'en faut mais c'est déroutant et un peu artificiel. Il y a tout de même des instants savoureux, du suspense (le Logos Club et ses joutes oratoires) et pour les amateurs (bof...) quelques scènes de sexe. Je dirais que le côté racoleur gâche un peu l'ensemble.
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Laurent Binet est un jeune auteur, professeur de lettres, qui s'est fait connaître en 2010 par la publication d'un roman au titre énigmatique "HHhH". Il y racontait l'opération "Anthropoid" dont l'objectif était d'éliminer à Prague, au printemps 1942, le SS Heydrich, bras droit d'Himmler. L'auteur parlait aussi des scrupules qu'il avait à introduire dans son récit des parties, certes plausibles mais inventées. En procédant ainsi, trahissait-il l'Histoire ou au contraire la servait-il ?

L'auteur de "La septième fonction du langage" est tout autant préoccupé par le défi posé par l'adéquation entre la forme du récit et son fond. Le langage et son rapport avec le sens, la façon dont les êtres communiquent et interagissent, sont au cœur du récit. le point de départ est, comme dans "HHhH", un fait historique : ici, il s'agit de l'accident dont est victime le philosophe Roland Barthes le 25 février 1980, à Paris, tout près du Collège de France, en sortant d'un déjeuner avec François Mitterrand et quelques autres personnalités politiques. Renversé par une camionnette de blanchisserie, Roland Barthes décédera un mois plus tard. Laurent Binet bascule alors dans la fiction et imagine alors que des malfrats à la solde d'une puissance étrangère, ou d'une organisation occulte ont pu attenter à la vie de Barthes pour lui dérober un document secret. Il pourrait bien s'agir d'une mystérieuse "septième fonction du langage" qui viendrait compléter les 6 fonctions précédemment décrites par le linguiste Roman Jakobson. Le commissaire Bayard, chargé de l'enquête, s'adjoint les services d'un jeune professeur de sémiologie de l'Université de Vincennes, Simon Herzog, pour comprendre cette fameuse "science des signes" dont Barthes était le grand spécialiste en France.

Une enquête philosophico-policière s'engage alors, qui peut nous rappeler tantôt les romans de Dan Brown, ou de Jasper Fforde ("Délivrez-moi !"), tantôt ceux de David Lodge ("Un tout petit monde" dont un des personnages, le professeur et linguiste Morris Zapp, est présent dans la "7ème fonction") ou de José Carlos Somoza ("la caverne des idées") ou encore "Le nom de la rose" d'Umberto Eco, éminent sémiologue qui apparait lui aussi à plusieurs reprises dans le roman de Laurent Binet.

Laurent Binet fait intervenir dans son roman toute une kyrielle de personnages réels de cette époque, écrivains ou universitaires comme Foucault, Derrida, Kristeva, Sollers, Jakobson, Cixous, Eco, Lacan, Sartre ... ou politiques comme Mitterrand, Giscard, Fabius, Lang... Le nom de son commissaire est probablement un clin d’œil au professeur de littérature et psychanalyste Pierre Bayard, spécialiste des enquêtes littéraires ("Qui a tué Roger Ackroyd ?", "Enquête sur Hamlet" ...). Il y a une jubilation rabelaisienne ou swiftienne à mettre en scène ces personnages dans des situations tout à la fois plausibles et hautement fantaisistes, parfois même scabreuses. Les scènes se déroulant à l'Université de Cornell aux Etats-Unis lors d'un colloque réunissant tous les principaux linguistes ou philologues du moment sont particulièrement truculentes. Philippe Sollers ne sortira d'ailleurs pas complètement indemne de cette tragi-comédie dans laquelle BHL essaie quant à lui de passer incognito ...

L'auteur lui-même se glisse parfois dans le roman pour ajouter un niveau "méta-linguistique" supplémentaire. Tout cela est virevoltant, brillant et assez souvent amusant, mais le roman m'a toutefois laissé sur ma faim, particulièrement sur deux aspects. D'un côté l'intrigue policière m'a parue trop bâclée : le flic Bayard ne semble qu'un pantin dans cette enquête qui est menée de façon trop visible par Laurent Binet lui-même et celui-ci ne se donne pas la peine de rendre son scénario très crédible, ni du coup très passionnant. J'aurais aimé que Bayard et Simon, ces personnages "surnuméraires", ait un peu plus d'épaisseur. D'un autre côté, si l'auteur se donne beaucoup de mal à mettre dans la bouche de ses personnages "ayant réellement existés" leur propre discours, il me semble dommage qu'il n'approfondisse pas davantage dans son roman le pouvoir de cette fameuse septième fonction du langage.

Malgré cela "La septième fonction du langage" n'en est pas moins un livre hors du commun, étonnant de fantaisie et de liberté, que je conseille à tous ceux qui se sont un jour intéressés à comprendre comment fonctionne le langage et tout particulièrement l'utilisation particulière qu'en fait la fiction.

PS: Une petite curiosité pour ceux qui aiment cette romancière : Nancy Huston (qui a fait un mémoire sous la direction de Barthes) fait une courte apparition dans ce roman, en compagnie de son ex-mari Tzvetan Todorov, mais, contrairement à lui elle n'est pas nommée (ce qui me paraît un brin méprisant).
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« le point de départ de ce roman est la mort de Roland Barthes, renversé par une camionnette de blanchisserie le 25 février 1980. L'hypothèse est qu'il s'agit d'un assassinat. Dans les milieux intellectuels et politiques de l'époque, tout le monde est suspect... » (4ème de couverture).
Jacques Bayard, commissaire de police est chargé de l'enquête et s'adjoint l'aide cérébrale de Simon Herzog, jeune universitaire spécialisé en sémiologie (science dont l'objet est l'étude de la vie des signes au sein de la vie sociale. Cf Petit Larousse) dont Barthes est un éminent spécialiste.
Maintenant, attachez vos ceintures, nous atterrissons en 1980. J'ai rencontré et passé un bon moment avec Foucault, Sollers et Kristeva, Derrida, BHL (et oui déjà !), Umberto Ecco... J'ai même assisté à des réunions dans le cabinet de Giscard en compagnie de Ponia d'Ornano, ou chez Jack avec Mitterrand et le jeune Fabius… Enfin bref, tout ce qui compte pour réfléchir et/ou gouverner à cette époque. C'est tellement bien documenté que je me suis vraiment retrouvée dans ces années 80.
Que font ces hommes politiques dans un livre sur la 7ème fonction du langage ? Et bien, il semblerait, selon des sources très bien informées, que cette 7ème fonction du langage soit la raison de l'assassinat de Roland Barthes et que ce serait une arme hautement efficace ? Qui tient les tenants et les aboutissants de cette fonction, tient le pouvoir, ni plus, ni moins !

Au milieu de tous ces littéraires et philosophes connus, Jacques Bayard, détonne et peine à suivre. Imaginez un ancien d'Algérie au milieu de ces intellos, étudiants chevelus, barbus, fumeurs, buveurs… N'oubliez pas, nous sommes dans les années 80, licencieux et permissif. J'ai aimé cet éléphant qui, chargé par les plus hautes instances, essaie vaille que vaille de comprendre et d'assimiler ce milieu, de continuer son enquête et ne pas s'y noyer. Je pense bien qu'à certains moments, il s'est noyé dans la luxure… Mais bon, c'est l'époque qui veut ça ma brav'dame.

Laurent Binet a écrit un livre foisonnant, thriller-western instructif, marrant, ironique, érotico-sportif qui nous promène de l'université de Vincennes aux USA en passant par Venise…, le tout en compagnie de polonais et leur fameux parapluie sous la houlette de Julia Kristeva, de japonais… Il se moque, sans méchanceté ( ?), du monde littéraire, universitaire, politique de leurs vanités, leurs arrogances, de leurs querelles, leurs impostures.

Les littéraires de tout poil ont dû se délecter avec ce livre, mais les non-initiés ramer (j'en fais partie) pour essayer de comprendre cette 7ème fonction du langage, la sémiologie et tutti quanti. Cela ne m'empêche pas d'avoir beaucoup aimé ce livre. Bien sûr, je ne l'ai pas lu en une nuit, il m'a fallu du temps pour lire et comprendre (ai-je vraiment compris ?) certains passages hautement intellectuels. Qu'à cela ne tienne, je me suis prise au jeu de cette enquête pipée, puisque l'auteur avoue, dès le début, en tirer les ficelles.
Grâce à la lecture de ce livre, je sais que si je rencontre un intellectuel avec deux doigts en moins, c'est qu'il est membre du Logos Club et qu'il aura été trop gourmand face à un adversaire plus érudit ou plus coriace. D'ailleurs un moment d'anthologie que la partie qui se joue entre Eco et Sollers ! Je sais également que Mitterrand a été plus malin que Giscard et aurait peut-être trouvé la 7ème fonction du langage, c'est ce que pense Herzog en écoutant le face à face historique qui a amené son élection.

J'ai aimé la véracité des faits « historiques » comme les pages sur l'Italie des brigades rouges, de l'attentat de la gare de Bologne… A partir de cet arrière-plan véridique, Laurent Binet brode, coud, coupe pour arriver à un livre quelque peu iconoclaste et irrévérencieux envers ces grands intellectuels. le style vivant, proche de l'oralité à certains moments contraste avec la « french theory ».
Bref, un livre très documenté, stylé, intelligent, iconoclaste avec des rebondissements inattendus et une fin volcanique. Une sorte de relecture du « Nom de la rose ». Je pense que Laurent Binet a beaucoup d'admiration pour Eco, Barthes, Foucault et autres Jacobson qui représentait l'élite de la pensé française, cette fameuse « french theory ». Beaucoup de regrets que cette élite n'existe plus et que nos «philosophes » actuels soient plus dans le paraître que dans l'être. Un livre à relire pour y trouver d'autres ouvertures, une lecture jouissive.

Lien : http://zazymut.over-blog.com..
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