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sur 1217 notes
Le 25 février 1980, en sortant d'un repas avec François Mitterand, Roland Barthes est heurté par une camionnette. Les papiers qu'il avait sur lui disparaissent et le commissaire Jacques Bayard soupçonne rapidement une affaire plus grave qu'un simple accident de la route. Pour progresser dans les méandres du monde universitaire et mieux comprendre toutes les théories linguistiques qui se dressent sur son chemin, Bayard réquisitionne les services du jeune Simon Herzog qu'il embarque dans son enquête qui se déploie de la France à l'Italie en passant par les États-Unis. « Il sait que pour faire avancer l'enquête, il doit comprendre ce qu'il cherche. Qu'est-ce que possédait Barthes qui valait si cher pour que non seulement on le lui vole mais qu'en plus on veuille le tuer ? » (p. 97) Alors que le linguiste Jakobson a défini six fonctions propres au langage, il semble que Roland Barthes en ait découvert une septième et que cela ne plaise pas à tout le monde, tant dans les cercles universitaires et littéraires qu'au niveau politique. Nombreux sont ceux qui cherchent le dernier écrit de Barthes, pour le connaître ou le détruire. Bayard découvre l'existence du Logos Club, cercle d'éloquence d'où les jouteurs vaincus repartent plus ou moins diminués. Il y a aussi une Fuego bleu et une DS noir qui apparaissent à tous les tournants et des gueguerres de clochers entre différentes écoles de pensée. Sans oublier les préparatifs de la présidentielle de 1981 : ça milite, ça gueule, ça distribue des tracts, ça appelle à la révolution, ça voudrait casser du bourgeois et du facho. Accident de voiture, meurtre, attentat, cambriolage, empoisonnement, mutilation, torture, il va s'en passer des choses avant la résolution de l'enquête et, peut-être, la découverte de la septième fonction du langage.

Roland Barthes, ma bête noire, auteur obligé et incontournable de mes années d'études littéraires. J'ai sué sur ses textes et pourtant... Pourtant, avec son roman, Laurent Binet me donne une furieuse envie de me replonger dans la sémiologie ! « Tout laisse supposer, en effet, que la sémiologie est en réalité l'une des inventions capitales de l'histoire de l'humanité et l'un des plus puissants outils jamais forgés par l'homme, mais c'est comme le feu ou l'atome : au début, on ne sait pas toujours à quoi ça sert, ni comment s'en servir. » (p. 9) L'extrapolation autour de la mort de Barthes est brillamment menée et convoque tous les acteurs de l'époque, chercheurs, politiques et autres. Au fil des pages, vous croiserez Julia Kristeva, Michel Foucault, Philippe Sollers, Gilles Deleuze, Bernard Henri-Levy, Valéry Giscard d'Estaing, Daniel Balavoine, Laurent Fabius, Hélène Cixous, Tzvetan Todorov, Umberto Eco, Jacques Derrida, Björn Borg et un paquet d'autres ! L'uchronie est un genre littéraire qui me plaît décidément beaucoup, surtout quand elle met en scène une telle brochette de protagonistes ! « le 25 février 1980 n'a pas encore tout dit. Vertu de roman : il n'est jamais trop tard. » (p. 169)

Mazette, que ce roman est drôle ! Je ne m'y attendais pas du tout. L'enquête est menée tambour battant. La confrontation intellectuelle entre Bayard et Herzog est à elle seule très savoureuse, mais tout est sujet à un humour à la fois érudit et potache, fin et vachard. « le langage de Roland Barthes est imbitable. Mais alors, pourquoi perdre son temps à le lire ? Et, a fortiori, à écrire un livre sur lui ? » (p. 26) L'intrigue est stimulante et enjouée, et si le propos est souvent très théorique (la sémiologie, ce n'est pas toujours easy...), il n'est jamais obscur. Les rebondissements s'enchaînent à toute allure sur un mode romanesque déjanté. « À Bologne, il couche avec Bianca dans un amphithéâtre du XVII° et il échappe à un attentat à la bombe. Ici, il manque de se faire poignarder dans une bibliothèque de nuit par un philosophe du langage et il assiste à une scène de levrette plus ou moins mythologique sur une photocopieuse. » (p. 295) Et ce n'est qu'une partie de ce qui arrive à Simon Herzog, à tel point qu'il se demande un peu ce qui lui arrive. « Je crois que je suis coincé dans un putain de roman. » (p. 295) Avec ses airs sanglants de slasher linguistique, La septième fonction du langage est un roman policier jubilatoire où la langue est sur le banc des accusés.
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Difficile de faire une critique sur ce livre tant ma lecture a évolué au fur et à mesure pour finir carrément en diagonale pour hâter un peu la fin !

Intriguée par l'idée d'un Da Vinci code littéraire et suite aux critiques dithyrambiques je me suis précipitée sur cette enquête pour le moins originale qui prend place dans le milieux intellectuel littéraire parisien du début des années 80.
Le début m'a emballée, j'ai beaucoup souri devant l'apparition de nombreux personnages très connus, les dialogues percutants, le duo du flic très classique avec un jeune intello de gauche ...
Et puis les dialogues sont devenus très répétitifs et prévisibles, les scènes s'enchainaient mais se ressemblaient beaucoup, pour finir la fin fut très laborieuse en ce qui me concerne. Je l'ai finit un peu dans la précipitation pour connaître la fin parce que ça reste une enquête e que malgré tout on a envie de connaitre l'assassin !

Je lui mets 2 étoiles parce qu'il y a de la recherche, Laurent Binet a très bien su restituer ce milieu intello-bobo des années 80 à la veille de l'élection présidentielle avec tous les enjeux que cela comporte. Mais je me suis pas mal ennuyée au final !

Je recommande néanmoins l'excellent "Hhh" du même auteur qui n'a rien à voir ! A sa sortie ce livre m'avait profondément emballé, d'où une grande déception ici ...

CHALLENGE ATOUT PRIX 2015/2016 - Prix Interallié 2015
CHALLENGE MULTI-DEFIS 2016 - Un livre qui a gagné un prix littéraire
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Un polar linguistique foldingue … comme un jeu de massacre culturel !

Voilà comment je décrirais ce roman déjanté, jouissif, plein de références délirantes et d’explications philosophiques accessibles au non-initié, et surtout d’une cruauté suprême envers la caste des intellos gauchisants qui a pollué toute ma jeunesse. Alors, il faut s’accrocher de temps en temps pour savoir qui, de Searle (John) ou Derrida (Jacques), l’emporte dans l’univers des spécialistes du langage, ou encore de quel côté il convient de pencher entre les deux traditions philosophiques qui déchirent le vingtième siècle finissant : analytique ou continentale. Et ne pas s’irriter de rencontrer des passages entiers en anglais ou en italien en version originale (les non-multilingues, dém…ez-vous).

Mais là n’est pas le cœur de cette histoire échevelée à la manière de Ian Fleming ou de Dan Brown, avec un jeune doctorant pour héros invincible (est-il une incarnation rêvée de l'auteur ?) – même s’il laisse une part de son intégrité physique dans cette aventure - qui fait équipe avec un ancien de la guerre d’Algérie.

En bref, il s’agit de récupérer un document d’une importance capitale, qui recèle une formule magique permettant d’exercer le pouvoir suprême - une sorte de pierre philosophale des temps modernes – la clé de l’emprise de son détenteur sur ses compétiteurs. C’est pour s’en emparer que le sémioticien Roland Barthes (sans accent grave sur le e, s’il vous plait !) a été renversé par une camionnette rue des Ecoles le 25 février 1980. Mais avait-il la copie de la formule magique dans sa poche ou l’original au moment de l’impact ?

Qui savait qu’il détenait le terrible secret parmi les multiples personnages de ce roman picaresque ? Michel Foucault ou l’un de ses gigolos, Régis Debray, Gilles Deleuze, Julia Kristeva, Louis Althusser et sa femme Hélène (avant que le philosophe bipolaire ne l’étrangle de ses propres mains), Bernard-Henri Lévy, Jacques Derrida, Serge Moati ? Mais peut-être aussi Giscard, d’Ornano, Poniatowski, Jack Lang, François Mitterrand, Laurent Fabius ou même Romano Prodi (j’en oublie …), qui tous viennent faire de la figuration plus ou moins active dans l’histoire ?

Comme dans tout bon roman policier, les cadavres se multiplient, les enquêteurs forment un duo rocambolesque : Jacques Bayard, l’homme des RG et Simon Herzog l’universitaire décodeur de symboles. On voyage du quartier Latin aux arcades et tours penchées de Bologne, de Ithaca (université Cornell, où l’on rencontre le professeur vedette Morris Zapp que les amateurs de David Lodge connaissent bien) à Venise, et pour la scène finale, Naples et les glougloutement sulfureux et terriblement inquiétants des solfatare.

En replongeant dans l’atmosphère si bien reconstituée de la campagne présidentielle de 1981, on ne peut se déprendre de cette intrigue aussi démente qu’érudite, qui fait toucher du doigt (c’est bien le cas de le dire …) ce que peut réaliser la force du langage, un texte à la fois classique ET baroque en diable.

En revanche, je me demande comment réagiront les protagonistes principaux de cette pochade que sont Philippe Sollers, Julia Kristeva et Umberto Eco, dont le destin est bien cruellement exposé ici …. Au commencement était le Verbe, dit l’Ecriture …. C’est le verbe qui a le mot de la fin pour Laurent Binet !

Lien : http://www.bigmammy.fr/archi..
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Ce qui est bien avec La septième fonction du langage, c'est qu'on en a pour notre argent. Je veux dire par là que j'ai réellement eu l'impression que Laurent Binet a bossé pour l'écrire. C'est riche de citations, d'évènements et de références.
S'ajoute à cela l'idée intrigante d'écrire un roman avec des personnages réels dans une ambiance réelle de l'année 1980.
L'enquête policière qui tourne autour d'un complot entre politiques et philosophes ne m'a pas paru superbement menée. En revanche, la plume de Laurent Binet, oui. Il ne se contente pas de décrire une scène au premier plan, mais raconte en même temps le second plan, voire le troisième. Autant dire qu'il est impossible de s'ennuyer tellement le lecteur est bombardé d'informations.
Je retiendrais moins l'enquête que les joutes verbales, que ce soit au sein d'une société secrète qui en a fait sa spécialité, ou entre nos deux enquêteurs.
Ce roman ne pourra que plaire aux grands lecteurs passionnés de mots puisqu'il met en avant le pouvoir d'un bon orateur, le pouvoir du langage quoi...
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Découverte de Laurent Binet, que je souhaitais lire depuis bien longtemps, découverte d'un lecteur comblé…découverte d'un livre aux multiples facettes
Sur fond de pastiche de roman policier, Laurent Binet a écrit un livre érudit, déjanté et jubilatoire, divertissant, intelligent et drôle….qui a laissé parfois le lecteur que je suis face à son ignorance crasse…
Le 29 février 1980 Roland Barthes est renversé par une voiture alors qu'il sortait d'un déjeuner avec François Mitterrand, pas encore candidat à la Présidence de la République…
Point de départ d'une enquête policière menée par un policier réac, associé à la demande de Giscard d'Estaing, Président de la République, à un professeur de sémantique…de gauche…Pourquoi Giscard, en fin de mandat s'intéresse t-il tant à cet accident? L'alliance improbable de deux caractères, de deux hommes que tout oppose et qui auraient du, à cette époque, se rencontrer de chaque côté d'une matraque. Une enquête avec ses courses-poursuite, ses morts, ses rebondissements, ses scènes de sexe, etc.
Dès les premières pages le lecteur sait qu'il a entre les mains un livre qui ne peut laisser indifférent, mais il sera loin d'imaginer où Laurent Binet l'emmenera
Un livre instructif et érudit…Ayant une formation scientifique je ne soupçonnais pas l'existence de six fonctions du langage, j'ignorais tout de ces fonctions….Et j'avoue que par moment j'ai été un peu comme Bayard, le flic du roman…je n'ai pas compris grand chose « le commissaire Bayard comprend qu'il ne comprend rien, ou pas grand chose à toutes ces conneries. Il lui faudrait quelqu'un qui l'affranchisse, un spécialiste, un traducteur, un transmetteur, un formateur. Un prof quoi. »…et je ne pense pas être le seul…Laurent Binet Agrégé de lettres modernes, m'a affranchi et donne à ses lecteurs un cours sur les six fonctions du langage, et en imagine une septième, cause probable de la mort de Roland Barthes
Et notre flic associé au prof vont tous deux mener leur enquête, parcourir le Paris des années 80…, Walkman, premiers décès du Sida, Parapluies bulgares, Événements en Pologne, Brigades rouges attentat à la gare de Bologne, Arrivée de la Fuego, nouvelle voiture de Renault, voyages en avion au cours desquels on pouvait fumer, sauf pendant les décollages et atterrissages…Ah oui! je m'en souviens…comme le temps passe….retour vers mes 30 ans !!
Un parcours initiatique pour les moins de quarante ans. Ils vont s'envoler vers l'Italie, les États-Unis, toujours à la recherche d'un mystérieux document présentant cette nouvelle fonction évoquée par Roman Jakobson dans son ouvrage « Essais de linguistique générale ». Ce document qui aurait été dérobé à Roland Barthes permettrait à celui qui maîtriserait cette septième fonction de prendre l'ascendant sur tout interlocuteur… et de devenir maitre du monde….on comprend pourquoi la recherche de ce document intéresse tant de monde, bulgares, russes américains français, japonais….
Un voyage également dans le monde de la littérature des années 80 dans lequel on croise, souvent avec dérision et dans des situations cocasses Solers, Jean-Edern Hallier, Sartre, Sollers, Michel Foucault, Gilles Deleuze, Althusser, Derrida et le jeune BHL qui a déjà sa chemise blanche, sauf une fois….pour être non reconnu, des personnalités littéraires souvent homo accompagnés de leurs amis.
Le monde de la politique n'est pas non plus épargné et Laurent Binet égratigne avec bonheur, Giscard, Lecanuet, Poniatowski, Dornano mais aussi Mitterrand, le jeune Fabius déjà dégarni, Lang, Badinter, Attali, Serge Moati…..Laurent Binet les met en scène et décrit le repas entre Mitterrand et Barthes, précédant son accident, repas subtil, et intelligent…un bonheur
Laurent Binet voue certainement une grande admiration à Umberto Eco, personnage souvent présent, côtoyant Monica Vitti et Antonioni…membres d'un club secret le Logos Club également actif aux Etats-Unis, club de débats dans lesquels les perdants peuvent perdre égalemnt un doigt…ou autre chose…Solers en est encore tout surpris…..La dérision est toujours présente, sourires assurés
Laurent Binet a écrit un roman qui m'a souvent rappelé « le nom de la Rose », de ce même Umberto Eco par ses rebondissements, ses mystères, sa trame narrative, son coté policier…
Je ne vous raconterai pas la fin, je vous laisse ce plaisir jubilatoire…..une belle analyse de Laurent Binet….Souvenir…Souvenir
Je vais poursuivre cette découverte

Lien : http://mesbelleslectures.com..
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Laurent Binet : La septième fonction du langage.

L'un des meilleurs romans de la rentrée littéraire 2015. Avec humour et sagacité, Binet retrace une énigme policière inventée de toutes pièces dans laquelle les protagonistes sont la rhétorique, la linguistique, et la fonction du langage. Existe-t-elle, cette septième fonction qui permet de traduire les mots en acte et de donner le pouvoir absolu de conviction à qui l'emploie? Dans les rôles: Barthes, Sollers, Derrida, Kristeva, la politique, la pensée des années 80, Venise, une Université américaine, un flic, un prof de Vincennes, les Brigades rouges et un parapluie bulgare. Il en faut du talent pour faire de tout cela un livre à la portée de tous, drôle, matière à réflexion sur le rôle du verbe, et nostalgique de ce que fut la pensée française. Sollers dans le rôle de Sollers qui fait du Sollers est parfait. Une réussite totale que ce Prix Interallié 2015! A lire d'urgence pour se changer vraiment les idées!
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Un délire potache et déjantée (de 496 pages, quand même) où Barthes se fait assassiner, Derrida dévorer par un chien et Sollers émasculer, pendant que Kristeva passe son temps à ses casseroles, BHL à ses chemises et Foucault à ses gigolos. Petite vengeance de brillant agrégé qui plaira à tous ceux qui se sont arrachés les cheveux sur ces gloires des années 80 faites pour époustoufler les gogos des campus américains. Intelligent (voire pédagogique) et drôle, démonstration par l’absurde de ce que fut le snobisme intellectuel de ces années où Binet était encore en maternelle (ce qui permet de dire que comme dans HHhH, il fait oeuvre d’historien !) Un délire à la Voltaire où les citations parlent d’elles-mêmes…
Malgré quelques scènes ébouriffantes comme le dîner chez les Sollers, le club SM, le colloque partousard et meurtrier de Cornell University (le jeu étant de se demander qui n’y assiste pas ?) ou l’exposé magistral de Sollers (« La croyance au guili-guili sur l’organe permet de maintenir le cadavre comme seule valeur fondamentale »), il y a quelques longueurs, en particulier toutes ces « disputatios » au long desquelles Binet semble malheureusement vouloir nous prouver qu'il aurait réussi à l'épreuve de "cult-gèn" de n'importe quel concours, ce qui épate le bourgeois, si l’intello s’en tape. Il y a ainsi des moments où l’on hésite vraiment entre la cuistrerie et la farce de Khâgneux doué. Mais dans l’ensemble ce sont quand même 500 pages bien agréables de complicité et de bonne humeur.

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J'ai apprécié vos critiques et en ait extrait quelques passages like a supralanguage.

Si vous aimez la littérature de haute volée, la linguistique et le style polar, vous trouverez ici la parfaite combinaison...

ce roman ... tient à la fois de l'enquête policière, d'un traité sur les fonctions du langage, d'une photographie des années 80 au sein du milieu universitaire et intellectuel français, d'une analyse de la victoire de François Mitterrand face à Valery Giscard d'Estaing et d'un magistral plaidoyer pour la littérature !...

Une intrigue policière avec ce qu'il faut de clichés, de complots et de sociétés secrètes pour pasticher Brown ou Eco...

L'originalité plaisante de l'ouvrage, une fiction, est que les protagonistes en sont majoritairement des personnages réels. Des figures intellectuelles de 1980, avec leurs foucades : Foucault, Derrida, Althusser, Umberto Eco...

j'ai souvent pensé à Tintin : deux moustachus à parapluie, au début, qui ressemblent aux Dupond-Dupont ; des étrangers louches qui rrroulent les rrr comme des Syldaves et des Bordurrres...

Enfin on aime aussi la mise en abîme du personnage qui se bat contre son auteur...

Un bémol : j'ai trouvé dommage que, dans certains chapitres, les élucubrations philosophiques prennent tant de place...

Il sera question, surtout, du pouvoir qu'octroie le langage à qui sait le manier...
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Un livre très original, que j'ai trouvé captivant, drôle, intéressant, ...mais par moment ennuyeux lors de quelques passages trop longs et hermétiques.

A la différence de ma précédente lecture (Le bruit et la fureur, de W. Faulkner), j'ai lu La septième fonction du langage, de Laurent Binet, sans préparation, sans en rien connaître, si ce n'est que l'ouvrage rencontrait un vrai succès d'estime, qu'il avait obtenu le prix du roman Fnac 2015 et qu'il était en piste pour des grands prix littéraires de cet automne.

Pendant ma lecture, je me suis longuement interrogé : ce livre est-il une enquête sur un fait divers, un recueil de débats linguistico-rhétoriques, un essai politique, une farce bouffonne, un roman d'espionnage, un polar, un pastiche de polar, un faux polar, un vrai-faux polar ?...

Tout part de la mort accidentelle, en 1980, de Roland Barthes, sommité de la linguistique et de la sémiologie, figure emblématique de la pensée intellectuelle et littéraire. L'auteur transforme l’accident en meurtre, avec pour mobile la possession d'un document secret dévoilant un mode d'expression orale ouvrant l'accès au pouvoir absolu.

Il s'agit donc d'un polar, empreint d'une coloration mi-burlesque, mi-intello. L'originalité plaisante de l'ouvrage, une fiction, est que les protagonistes en sont majoritairement des personnages réels. Des figures intellectuelles de 1980, avec leurs foucades : Foucault, Derrida, Althusser, Umberto Eco, et surtout Sollers, halluciné et délirant dans un rôle central, accompagné de son épouse Kristeva, d'orrrigine bulgarrre, sombre et machiavélique. Et dans des passages jubilatoires, les stars politiques de l'époque, Giscard et Mitterrand, entourés de leurs fidèles, déjà prêts à toutes les turpitudes un an avant le débat télévisé décisif qui précédera de quelques jours le vote pour l'élection présidentielle.

C'est très amusant de retrouver le paysage de 1980 : PPDA et le journal d'Antenne 2, les étudiants chevelus noyautant les facs, Borg dominant le tennis mondial ; et surtout la cigarette ! On avait presque oublié, tout le monde fumait partout et tout le temps, même en avion. Rappel aussi de faits d'actualité marquants : le parapluie bulgare, cocasse, et beaucoup plus tragique, l'attentat de la gare de Bologne.

Moins plaisants, à mon goût, car inaccessibles (pour moi), les trop longs développements sur la linguistique, la sémiologie la rhétorique, la dialectique, au cours de discussions et de conférences de spécialistes dont les noms me sont inconnus. Lassantes aussi les joutes oratoires répétitives du Logos Club. Et je n'ai pas non plus aimé les interminables et déjantées scènes d'orgies.

A la fin du livre, le héros de l'histoire, personnage fictif, s'interroge sur son propre être : est-il réel ou fait-il partie d’un roman ? Son sort est-il prédéterminé par un romancier ou est-il maître de son destin ? Figure de style certes imaginative, mais qui n'apporte rien à l'ouvrage qui en compte déjà beaucoup. Pourquoi ne pas l'avoir gardée pour une prochaine œuvre ?

Moi aussi, mon imagination a gambadé. Signes et symboles étant affaire d’interprétation personnelle, sachez que j'ai souvent pensé à Tintin : deux moustachus à parapluie, au début, qui ressemblent aux Dupond-Dupont ; des étrangers louches qui rrroulent les rrr comme des Syldaves et des Bordurrres ; et quand j'ai lu "anacoluthe, catachrèse, enthymème..." (section 85), j'ai cru voir une bulle d'insultes proférées par le capitaine Haddock...

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Une comédie burlesque à Saint-Germain-des-Prés.

Voici un livre jouissif avec beaucoup de mauvais esprit et qui va faire parler de lui dans les médias. La raison en est que Laurent Binet met en scène dans son roman beaucoup de figures du paysage littéraire parisien (Philippe Sollers, Julia Kristeva, BHL...) en se moquant copieusement d'eux. La difficulté est qu'il mélange savamment, réalité et fiction, pour crédibiliser son propos et qu'il est parfois difficile à un lecteur non averti de savoir où est le pastiche et où est la réalité. En tout cas je me suis bien marré en lisant ce livre.

L'auteur démarre en 1980 par la mort de Roland Barthes, écrasé par une camionnette de livraison à la sortie du Collège de France, après un repas avec François Mitterrand (ça c'est vrai). Il imagine que le grand linguiste n'aurait pas été victime d'un accident, mais qu'il aurait été tué en raison d'un manuscrit inédit, dans lequel il théorisait une nouvelle fonction du langage. Ce manuscrit permettrait d'utiliser le langage pour obliger les gens à faire ce que l'on veut par la simple force de la parole. Celui qui maîtriserait le langage de cette façon pourrait être le maître du monde. Ce manuscrit est donc convoité par les services secrets de plusieurs pays et intéresse beaucoup les hommes politiques et les puissants de ce monde.

Un commissaire des RG est mis sur l'enquête, mais il ne comprend pas grand chose ni à la linguistique ni à la sémiotique, et il ne sait pas décoder ce milieu universitaire dans lequel évoluait Barthes. Il va donc réquisitionner, contre son gré, un jeune linguiste de Vincennes pour l'éclairer. Nous allons croiser Derrida, Foucault, Deleuze et tout le gratin de cette époque. Mais Laurent Binet les dépeint sans fard en nous montrant leur côté libidineux et leurs égo surdimensionnés. Habilement, il nous initie également à la linguistique et à la "French Theory". Ces matières sont complexes mais Binet arrive quand même, en bon vulgarisateur, à nous faire toucher du doigt ce qui a séduit tout le monde dans cet édifice de la pensée. Les aventures rocambolesques de ses deux enquêteurs ne manqueront pas de vous faire sourire. Des saunas moites de paris où Foucault se tape tout ce qui bouge, en passant par Venise où Umberto Eco se fait pisser dessus par un étudiant, jusqu'à l'université de Cornell où des étudiantes nymphos se font sauter sur les photocopieuses... les situations grotesques ne manquent pas !

Ce roman est drôle et original mais extrêmement référentiel. Ce qui fait son intérêt pour certains sera aussi ce qui en fera décrocher d'autres. Si l'on n'est pas un petit peu familier avec la pensée de tous ces auteurs, alors l'humour et le décalage tomberont à plat. C'est à la fois la force et la faiblesse de ce livre.
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