“C-un zâmbet îndrăzneţ privesc în mine
şi inima
mi-o prind de mână. Tremurând
îmi strâng comoara la ureche şi ascult.
Imi pare
că ţin în mâini o scoică,
în care
prelung şi neînţeles
răsună zvonul unei mări necunoscute.
O, voi ajunge, voi ajunge
vreodat’ pe malul acelei mări,
pe care azi
o simt,
dar nu o văd ?”
Pax magna
Ma belle aimée,
Qui sait pourquoi dans le matin brûlant des étés
il me semble être une goutte de divinité tombée sur terre
et je m’agenouille devant mon image comme devant une idole ?
Qui sait pourquoi je m’abîme dans un océan de lumière
comme une torche noie sa flamme dans l’ardeur du jour ?
Qui sait pourquoi dans la nuit profonde des hivers,
Quand le ciel s’éclaire de soleils lointains
Et la terre d’yeux de loups voraces
Une voix transperce les ténèbres et me crie
Qu’il n’est lieu plus accueillant au rire du diable
que mon cœur ?
De toute éternité
ennemis, Dieu et Satan
auraient-ils compris que chacun serait plus fort
s’ils se tendaient une main pacifique ? Ils ont fait leur paix
en moi : unis ils ont versé en mon âme
la foi, l’amour, le doute, le mensonge.
La lumière et le péché
en s’embrassant ont fraternisé en moi pour la première fois
depuis le commencement du monde, depuis que les anges
ont écrasé de leur haine le serpent aux écailles de tentation
depuis que le serpent aux yeux de poison s’est posté à l’affût
pour planter son venin dans le talon de la vérité.
/traduction Jean Poncet
“Pribeag cum sunt,
mă simt azi cel mai singuratic suflet,
şi străbătut de-avânt alerg, dar nu ştiu - unde.
Un singur rând mi-e rază şi putere:
o, stelelor nici voi n-aveţi
în drumul vostru nici o ţintă,
dar poate tocmai de aceea cuceriţi nemărginirea.”
J’attends mon crépuscule
Voûte étoilée où nage mon regard –
et je sais qu’en mon âme aussi je porte
étoiles en myriades
et voies lactées,
merveilles des ténèbres.
Mais ne puis les voir,
j’ai tant de soleil en moi
que ne puis les voir.
j’attends que se couche mon jour
et que mon horizon ferme ses paupières,
j’attends mon crépuscule, nuit et douleur,
que s’enténèbre mon ciel tout entier
et qu’en moi se lèvent des étoiles,
mes étoiles,
que je n’ai encore
jamais vues.
/traduction Jean Poncet
Le Chêne
Clair, lointain, du
sein d'une tour
j'entends battre le cœur d'une cloche,
et dans ses doux échos
il semble que mes veines coulent
avec des gouttes de silence.
Chêne à la lisière de la forêt
pourquoi cette douce paix ailée
m'envahit-elle, me bat-elle
quand je me couche dans ton ombre
pendant que tu me caresses
avec tes feuilles espiègles ?
Oh, qui peut dire
Peut - être le temps viendra-t-il bientôt
où de ta malle
ils feront mon cercueil
et je sens maintenant la paix que
je goûterai entre ses planches :
je sens la paix tomber avec tes feuilles
dans mon âme - et, réduite
au silence avec chaque instant qui passe
J'écoute le bruit de mon cercueil qui
pousse régulièrement dans ton tronc,
chêne à la lisière de la forêt.
"Le chemin du poète le conduit toujours aux sources" Lucian Blaga
« Lucian Blaga (1895-1961) a parlé lui-même en termes inoubliables du monde où il est né. […] la première période de sa vie, l'enfance dans l'atmosphère magique du village ancien, l'époque de « Bildung » d'un fils de pope de Transylvanie et d'une mère paysanne […].
[…] la vraie tonalité du poète est pourtant ailleurs. Elle est dans le drame mystérieux qui se joue entre le ciel et la terre, dans « la grande traversé » à laquelle la nature, les étoiles, les bêtes et les hommes participent, dans leur lente procession vers la mort. Une grande mélancolie cosmique venue de l'accord avec le destin enveloppe l'homme […]. le désespoir humain prend chez Blaga le chemin du dépouillement frémissant ; le « cri vaincu », qui accompagne toutes choses humaines, se résout dans le silence et l'écoute des profondeurs. […] L'homme est au monde pour vivre face au mystère, pour tenter de pénétrer les côtés cachés des choses, pour écouter, pressentir, vivre des expériences qui débouchent sur des révélations venues des profondeurs de lui-même.
[…]
Un sentiment intense, personnel, du mystère des origines traverse la poésie de Blaga. […]
[…]
La poésie de Blaga est hantée par une étrange et symptomatique absence : celle d'un dieu caché, un dieu imploré qui s'est « enfermé dans son ciel comme dans un cercueil ». […]
[…] Ses tristesses dévoilent plutôt une obsession d'essence spirituelle, sa mélancolie et son amertume se confondent avec l'aspiration du vieux moine sur le seuil, qui attend sa fin en prêtant l'oreille au vide du tombeau. […] »
« […]
[…] Le miracle de sa naissance a voulu que Lucian Blaga soit avant tout poète. Par-delà le langage et ses symboles, sa parole éveille en nous un sentiment venu de loin. Elle est la voix de l'autre mémoire, celle qui se souvient de ce que nous sommes. La voix de l'humain avec ses racines liées à l'univers, avec ses profondeurs, ses capacités créatrices de mythes, son aspiration au silence contemplatif, à l'indicible, à la pureté, à la lumière, à l'accueil éveillé du mystère de la mort : … tourne ton visage vers le mur
et tes larmes vers le couchant… » (Sanda Stolojan)
0:00 - Je ne foule pas la corolle de merveilles du monde
0:59 - Aux lecteurs
1:46 - Biographie
3:13 - Désaveux
4:57 - Nous, les chanteurs lépreux
5:55 - Épilogue
6:14 - Générique
Référence bibliographique :
Lucian Blaga, L'étoile la plus triste, traduit par Sanda Stolojan, Éditions Orphée La Différence, 1992.
Image d'illustration :
https://www.amazon.com/Lucian-Blaga-Selected-Philosophical-Philosophy/dp/1622732936
Bande sonore originale :
Carlos Viola - Godforsaken Place
Site :
https://thegamekitchen.bandcamp.com/track/godforsaken-place
#LucianBlaga #LÉtoileLaPlusTriste #PoésieRoumaine
+ Lire la suite