Écrire lorsqu'on ne trouve devant soi que cette paroi muette qui ne répond pas. Écrire parce qu'on n'a plus rien à dire ; c'est à ce moment, de tous le plus mauvais, qu'il faut le dire.
Je me trouve encore devant moi : il faut passer.
C'est l'immensité qui m'arrête. Indicible sensation d'étouffement devant la réalité qui me fait repartir. Je recommence, je crie derrière cette muraille de mots qui s'écarte lentement et va se refermer derrière moi ; on voulait sortir : on est simplement passé dans une autre pièce.
Payer de mots. Le silence ne donne que le silence.
Chaque poème est une écorce arrachée qui met les sens à vif. Le poème a rompu cette taie, ce mur, qui atrophie les sens. On peut alors saisir un instant la terre, la réalité. Puis la plaie vive se cicatrise. Tout redevient sourd, aveugle, muet.
André DU BOUCHET – La Pierre bleue (DOCUMENTAIRE, 1993)
Un film réalisé en 1993 par Laurence Bazin.