« L'enfer, c'est les autres »
Encore un livre formidable de cet auteur que je ne connaissais pas.
Je fais partie des happy few à découvrir ses « îles aux trésors »., merci encore aux babeliotes qui m'ont ouvert le chemin.
C'est un plaisir renouvelé de le lire, et de s'émerveiller des histoires qu'il nous raconte, avec son style malicieux et profond.
Rodden Eiland tient à la fois du roman ou du film d'aventures façon Robinson Crusöe ou Seul au monde, de la fable écologique, et du conte philosophique, dans la lignée du Candide de
Voltaire.
Le héros de cette histoire, Édouard Hythlodée, se définit dès le début comme un « poissard », confronté depuis toujours à accumuler la malchance, ce qui, nous le verrons ensuite, lui a donné des ressources étendues pour résister aux coups du sort.
L'histoire débute par sa situation inconfortable de passager d'un avion enfermé dans les toilettes à l'arrière de l'appareil. Mais cet enfermement va le sauver lorsque l'avion se crashe sur une petite île déserte du Pacifique.
Il découvre qu'il est le seul survivant resté dans un morceau de l'avion, dont la majeure partie a du être engloutie dans la mer.
Après une phase de sidération devant ce qui lui est arrivé, très vite, sa capacité à résister à la poisse va faire merveille. Son tempérament de Géo Trouvetou va lui permettre d'appréhender son environnement, et de faire preuve d'une inventivité extraordinaire, et de respect du milieu dans lequel, au sens propre, il est tombé,
C'est un régal de découvrir toutes les trouvailles de ce naufragé émule de Mac Gyver. le voilà confronté à trouver des moyens pour ouvrir des noix de coco, pour sélectionner les fruits comestibles, pour pêcher et conserver le poisson, pour construire une hutte, un radeau, etc…. Une des plus surprenantes trouvailles, c'est sa domestication d'une espèce de rat qu'il appelle ses « colosses » par sélection des individus les moins agressifs, animaux qui lui servent d'alerte pour prévenir les orages et dont il ne comprendra pas le dernier message. le récit est ponctué de réflexions malicieuses, de références à
Lewis Caroll, à
Borges, et il m'est arrivé de me demander si cette histoire ne tirait pas sa substance d'un jeu initiatique.
La survenue d'un raz-de-marée va détruire tout le petit monde qu'il avait aménagé et tout est à recommencer, ce qu'il va faire avec patience et abnégation.
Et puis, au bout de 8 ans, apparait un trimaran ayant à son bord 5 hommes et 5 femmes se qualifiant eux-mêmes d'anticapitalistes. Et là, tout bascule, jusqu'à une fin subtile et déconcertante, je n'en dis pas plus, mais « le pluriel ne vaut rien à l'homme et dès qu'on est plus de quatre, on est une bande de cons », la chanson de Brassens s'applique tout à fait à la conclusion de cette histoire. Et pourtant, il y a en toile de fond, une réflexion malicieuse sur la démocratie qui ne manque pas d'intérêt.
Le thème de cette histoire est bien connu, me direz vous, les références nombreuses, et volontairement revendiquées (ainsi le clin d'oeil des émissions du vendredi!), mais justement cette revisite est complètement originale, et l'on est séduit notamment par son ton détaché, et souvent sarcastique. Et puis, ce poissard d'Edouard nous communique son amour de la vie sous toutes ses formes, et envers et contre tout,..et toutes et tous.
Bref, un roman à lire et à relire