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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Une robinsonade moderne, pour les vacances, ça vous dit ?


Tout commence comme la série LOST par un crash d'avion sur une île qui semble déserte (mais qui sait ?), avec un ou des survivants (vous verrez bien), et la découverte d'un bunker dans la jungle profonde… La référence à Robinson Crusoé ne tarde pas à se faire sentir, notamment dans les tentatives d'organisation de la survie en attendant les secours (mais viendront-ils seulement ?) : hutte, recherche de nourriture, domestication d'animaux… et jusqu'à vendredi, mais que se passe-t-il vendredi ? C'est le noeud du roman, qui certainement vous surprendra.


J'y ai retrouvé aussi une problématique que Robert Merle a déjà exploré dans « l'Ile », roman que j'emporterai sans hésiter sur une île déserte : Une réflexion sur l'organisation sociale et la suprématie ou pas de la démocratie. Il faut dire que le personnage principal a le temps de cogiter. J'ai aimé le fait que sa réflexion le mène à explorer une autre piste que Robert Merle justement, une piste qui nous donne un espoir pour l'humanité, même si au final, il se pourrait que tous les chemins, si pleins d'espoir fussent-ils, mènent aux mêmes impasses humaines.


Vous trouverez probablement avec plaisir dans ce roman autant de références possibles que vous aurez lu de livres sur le thème (sa majesté des mouches, etc…). Pour autant ne vous y trompez pas : Ce roman ne ressemble en réalité à aucun autre de ceux à qui il rend hommage. Fidèle à ce que j'ai lu de l'auteur pour l'instant, il vous offre une fin surprenante qui donne tout le relief au roman, et lui apporte tout son intérêt. C'est agréable à lire, le personnage, aussi fataliste que sarcastique, apporte la touche d'humour. Il est néanmoins plein de ressources et attachant : Dynamique et débrouillard, il représente l'essence même de l'instinct de survie qui sommeille en chacun nous. Son amour de la vie et son désir de vivre sont contagieux.


Puis quand vous finissez par vous demander si tout cela n'est pas juste une compilation modernisées de récits plus ou moins connus, vous vous offusquez soudain de la fin bâclée que vous sentez poindre à l'horizon, avant de vous rappeler qu'il s'agit de BOUFFANGES mais là, il est déjà trop tard : En moins de temps qu'il ne faut pour le lire, il vous retourne, vous et la situation, comme deux pancakes. Et vous êtes là, pantelant, souriant de vous être fait avoir, mais heureux qu'on ne vous ai finalement pas laissé en plan. La vague est passée, elle vous a brassé, lessivé avant de vous laisser échouer là, sur la plage où vous lisez, coquillages et crustacés.


Serveur ! Un verre de vin blanc sec s'il vous plaît !


« Dans de cruelles circonstances,
Je n'ai ni gémi ni pleuré,
Sous les coups du hasard,
Ma tête saigne mais reste droite.


En ce lieu de colère et de pleurs,
Se profile l'ombre de la mort,
Et bien que les années menacent,
Je suis et je resterai sans peur.


Aussi étroit soit le chemin,
Nombreux les châtiments infâmes,
Je suis le maître de mon destin,
Je suis le capitaine de mon âme. » (Invictus)
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Quand on s'appelle Hythlodée Édouard rien n'est jamais simple surtout quand on est poissard, il pourrait même servir de mètre étalon comme monsieur Richter ou monsieur Murphy et sa célèbre loi. Prendre l'avion pour se rendre à un congrès de vétérinaire pour une personne lambda est chose courante et peut sembler anodine mais pour monsieur Hythlodée c'est un aller simple vers la tragédie. Parfois des journées qui s'annonçaient bien peuvent vite dégénérer en cauchemar.
Un réveil douloureux sur une île inconnue, un manque total de repères, et surtout un instinct de survie à retrouver. C'est pas koh -lanta c'est pire.
Édouard après moult péripéties aperçois l'étrave d'un voilier s'approchant de la plage.
Fini la solitude et retour à la vie en société avec son cortège de problèmes, car dans un groupe il y a toujours un mâle alpha voir deux et les divisions arrivent inévitablement.
Alors vivre seul ou mal accompagné ?
Rodden Eiland de Bouffanges commence comme une farce . Une "Robinsonnade ” comme celle de Daniel Defoe pour finir comme le roman de Robert Merle.
Un roman que l'on pense léger mais qui laisse à réfléchir sur une société où le moindre petit grain de sable peut vite devenir un enfer. Voici une belle découverte d'un romancier et de son oeuvre grâce à Nicola.
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Édouard Hythlodée se considère comme l'une des personnes les plus malchanceuses au monde. Et il semblerait que le destin ne cesse de lui donner raison. Tenez par exemple, lorsqu'il prend l'avion avec plusieurs de ses collègues pour se rendre à un colloque, il se retrouve enfermé dans les toilettes. La porte est coincée, et l'hôtesse, mal à l'aise, l'informe qu'il devra prendre son mal en patience puisqu'il faut attendre que l'avion ait atterri pour qu'on vienne lui débloquer la porte. Il reste deux heures de vol... Mais pendant ces deux heures, l'avion traverse plusieurs zones de turbulence. Pas attaché évidemment, il a beau s'agripper à ce qu'il peut, il ne cesse de se cogner partout... Puis arrive le moment où le commandant de bord informe les passagers qu'il va devoir amerrir suite à une avarie, il leur dit de surtout bien rester attachés et d'enfiler les gilets de sauvetage à leur disposition sous leur siège... Ça lui fait une belle jambe à Édouard, qu'une ultime secousse assomme. Quand il reprend connaissance, il est toujours dans ses toilettes, en queue d'avion, seul morceau qui a survécu à l'amerrissage. Édouard est le seul rescapé, perdu sur une île déserte...

Ne pourrait-on pas dire qu'il a eu de la chance dans sa malchance ? Tout dépendra de lui finalement...

Les secours tardant à venir, il lui faut apprendre et s'adapter au plus vite...

Au premier abord, on pourrait se croire dans une robinsonnade quelconque mais grâce à la plume quelque peu sagace de Bouffanges, on a tôt fait de se rendre compte du contraire. L'auteur se démarque avant tout par son style de narration, ou devrais-je dire plutôt ses styles de narration. Car, en effet, le récit se découpe en trois parties narrées chacune d'une manière différente.

La première partie, narrée à la première personne, nous relate le moment du crash et les jours qui suivent. Nous sommes dans la peau d'Édouard et nous vivons avec lui son désappointement, l'attente des secours et sa résignation. Nous l'accompagnons dans ces premiers jours de survie sur l'île, que nous découvrons avec ses yeux.

La seconde partie, dont les événements se situent deux ans plus tard, est narrée à la troisième personne, comme une invitation à percevoir plus loin que ce que le regard d'Édouard nous permettait de voir jusque-là. Ce dernier connaissant désormais l'île sur le bout des doigts, c'est comme s'il nous offrait une vision entière, sur plusieurs perspectives, de son lieu et mode de vie.

La troisième partie, qui se projette huit ans plus tard, est très particulière, puisqu'elle nous est relatée sous forme d'émissions radiophoniques. C'est un peu déstabilisant sur le moment puisqu'on se demande bien comment ce genre d'émissions peut être possible sur une île déserte. Mais tout s'explique rapidement, nous permettant de rentrer facilement dans le jeu...

Le ton donné est subtilement cynique. Là encore, comme avec "Zombies", on aime à lire entre les lignes. Et puis on aime aussi les petits clins d'oeil à l'actualité, glissés ici et là comme des petites piques ou des rappels (comme les drames de Malaysia Airlines de 2014, ou encore les régimes capitalistes). Les références culturelles, littéraires notamment, arrivent toujours à point nommé.

Mais je me rends compte que je n'ai pas encore parlé du fond. On est certes dans une robinsonnade et les références sont nombreuses, notamment en ce qui concerne l'organisation sociale et la nature humaine qui revient au galop dès lors que l'on n'est plus seul. Pourtant le parcours d'Édouard prendra un tout autre chemin, qui lui permettra de s'en démarquer. Difficile d'en dire plus sans prendre le risque de divulgâcher, je vous invite donc à le découvrir par vous-même.

Et que dire d'Édouard ? Un peu décrit comme un anti-héros, il a clairement la guigne mais sait finalement s'en accommoder. Il est débrouillard, un rien sarcastique également. Il n'hésite pas à jouer d'autodérision pour mieux se relever de sa dernière poisse. Édouard est un personnage aussi intéressant qu'original.

J'en arrive maintenant à la fin, que je pressentais décevante et baclée au fur et à mesure que je m'en approchais. C'était évidemment sans compter sur le retournement des toutes dernières lignes, nous offrant finalement une fin aussi inattendue que sensationnelle. Ça, je ne l'avais pas vu venir !

"Rodden Eiland" est un livre qui fait réfléchir par les différents sujets abordés (organisation sociale/sociétale, idéologies utopiques, vivre-ensemble, nature humaine). Mais c'est aussi un livre subtilement drôle, ironique et perspicace.

On le referme avec cette question en tête et dont on peine à trouver la bonne réponse : Sur une île déserte, vaut-il mieux y vivre seul ou mal accompagné ?

Je remercie une nouvelle fois @NicolaK, sans qui je n'aurais jamais découvert l'univers de Bouffanges.
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♫ Sur la plage abandonnée
Coquillages et crustacés ♪
Qui l'eût cru ! Déplorent la perte de l'été ♫
Qui depuis s'en est allé ♫
♫ On a rangé les vacances
Dans des valises en carton ♪
Et c'est triste quand on pense à la saison ♫
Du soleil et des chansons ♫

Durant quelques jours, j'ai jeté l'ancre à Rodden Eiland. Si l'endroit est exotique à souhait, il ne se prête pas pour autant aux joies insouciantes des vacances et de la farniente. En effet, Bouffanges nous invite ici à une robinsonnade. Mais qu'est-ce qu'une robinsonnade ?
Approchez un peu les amis, asseyez-vous sur le sable tiède de cette plage, mettez-vous en cercle autour du feu. La nuit sera longue, j'ai une histoire à vous raconter...
Parfois, certaines lectures sont des naufrages, chapitre après chapitre, page après page, nous bataillons parmi les mots comme parmi les vagues pour atteindre un hypothétique rivage.
J'aime les livres qui s'ouvrent comme devant un fleuve impassible que je descends et où je pousse ma barque avec jubilation. Les flots tumultueux ne me font pas peur. Qu'importe le chemin ! Qu'importe d'être bousculé ! Qu'importe de m'y perdre ! Qu'importe presque la destination ! Pourvu qu'il y ait en route de l'émotion, des aspérités, des fissures, des abysses où entrer, où tomber, des failles sidérales d'où s'échappent la vie à contrecourant de nos propres existences...
Ce récit, écrit par un certain Bouffanges, démarre donc comme je vous l'ai dit sous l'allure d'une robinsonnade. Mais au fond, qu'est-ce qu'une robinsonnade ? Je ne vous apprendrai pas que le modèle du genre fut Robinson Crusoé avec son célèbre créateur, Daniel Defoe. D'autres se sont essayé au genre sans égaler le grand maître, tout en s'en rapprochant, voire l'imitant.
Le synopsis est souvent le même : prenez un navire, une mer furieuse de préférence en hémisphère sud, un équipage en panique, un personnage qui va devenir héros malgré lui, seul survivant après le naufrage, l'aventure qui continue sur une île déserte, sauvage et hostile, puis survivre... Agitez le tout et vous obtiendrez une robinsonnade. Parfois certaines se veulent porteuses d'un message philosophique, ou tout au moins d'un éclairage sur une morale forte.
Bouffanges cite d'ailleurs ici quelques-unes des plus célèbres robinsonnades...
Mais qu'en est-il de Rodden Eiland qui reprend à son compte le fameux thème ? Peut-être le renouvèle à sa manière. D'ailleurs est-ce vraiment une robinsonnade ? Ou n'est-ce qu'une robinsonnade ? Qu'apporte-t-il de plus au genre ?
Approchez, approchez près du feu que je vous en parle... Apportez vos guitares et vos carnets de chants, faites-nous entendre Maxime le Forestier, Hugues Aufray, Graeme Allwright et tutti quanti... Alors, pour les béotiens de la variété, je préciserai que tutti quanti n'est pas un chanteur révolutionnaire piémontais, hein ?!...
Le récit de ce naufrage n'en fut pas un pour moi. Voilà, déjà c'est dit.
Des amis m'ont convaincu de rejoindre leur archipel, celui de ceux qui ont été séduits par ce texte d'un auteur qu'une certaine Nicola nous a fait connaître sur Babelio et je l'en remercie.
À contrevent, j'ai donc rejoint la horde de mes amis pour cette lecture qui m'attendait depuis des lustres, - entendez par là des semaines...
Ici notre Robinson Crusoé est un anti-héros, - quoi que sur cette définition nous pouvons engager de multiples discussions... Échouant sur une île déserte et sachant faire preuve d'une telle résilience, je serais prêt à accepter le qualificatif d'anti-héros.
Il s'appelle Édouard Hythlodée. Pourquoi ce prénom d'Édouard ? Ne me le demandez pas, je suis aussi atterré que vous de le découvrir. Malgré sa belle réussite professionnelle, - Édouard Hythlodée est vétérinaire spécialiste en chirurgie, internationalement renommé, il véhicule cependant la poisse depuis sa plus tendre enfance. Vous vous en étiez déjà aperçu, n'est-ce pas ?
J'ai connu quelqu'un un peu comme cela quand j'étais étudiant parmi un groupe de copains. Il s'appelait d'ailleurs Marcel lui aussi. Lorsque nous étions au bord d'une plage, s'il y avait un seul goéland qui passait dans le ciel dégagé, c'était pour son crâne... Lorsqu'on prenait l'apéritif chez l'un d'entre nous, on évitait de lui confier la tâche de dresser les verres sur la table et surtout de les débarrasser après...
Pour revenir à notre vétérinaire émérite, embarqué dans un vol Tokyo-Sydney pour un congrès international, le destin semble continuer de lui donner raison : il se retrouve coincé dans les toilettes, tandis que l'avion traverse d'interminables zones de turbulences. Se heurtant la tête contre la cuvette, il finit par sombrer dans l'inconscience. À des moments très rares de mon existence, il m'est arrivé de vivre les mêmes désagréments. Et mon esprit chahuté par les paliers de décompression se situait comme dans un Boeing sept-cent-quelque-chose... Bon, il y a heureusement prescription depuis...
Lorsqu'il en émergera, Édouard Hythlodée se retrouvera seul, sur une île oubliée du Pacifique. À l'exception d'un fragment de queue, l'avion aura disparu, et avec lui l'intégralité des passagers.
Avouez, avoir la vie sauvée par une porte de chiotte capricieuse, tout de même...
La première partie écrite à la première personne du singulier nous donne à voir son apprentissage des lieux, des premiers jours, d'une nouvelle vie. L'humour n'est pas en reste. Ainsi, cherchant à ouvrir les deux valises de son célèbre rival Piet de Band qu'il retrouve échouées près de la queue de l'avion, ce moment est un pur bijou déclenchant le fou rire lorsqu'il cherche à identifier leurs codes d'ouverture.
Les jours s'égrènent, se passent dans le meilleur des mondes. On pourrait en rester là.
« Il avait trop longtemps cru pouvoir vivre seul. Mais bientôt, Vendredi serait là. »
Et vendredi arriva.
Nous le savons tous, sans Vendredi Robinson Crusoé n'existerait pas... Ne survivrait pas... C'est Vendredi qui donne l'existence et le sens du personnage de Robinson Crusoé.
« Gooooooooood evening, Rodden Eiland ! »
Alors il y a ce cri de rage lancé chaque vendredi par Édouard dans une radio où il espère que son message sera porté à l'universel, cela m'a évoqué une sorte de parodie touchante et désespérée, qui forcément nous fait penser à « Good Morning, Vietnam », comme un cri de ralliement que lançait Adrian Cronauer alias Robin Williams...
C'est lors de cette seconde partie, - où la narration passe à la troisième personne du singulier pour suivre de plus près Édouard, sa vie, son oeuvre, bref c'est là que le texte prend une tout autre dimension...
Dans le ressac du récit, cette seconde partie offre une digression fort intéressante vers les organisations sociales, sur les joies et les contraintes de la vie communautaire, les apprentissages de la démocratie, ses lois, ses chemins, ses impasses, ses illusions, ses contours, ses rebonds... L'expérience de la démocratie vécue difficilement en territoire hostile suscite une observation intéressante lorsque les contingences extérieures fragmentent le collectif, renvoyant chacun à son intérêt personnel. Cela ne vous parle-t-il pas ?
Et puis la fin est sidérante, comme une mer qui se retire sur le naufrage de nos vies, ayant effacé les dernières traces qui subsistaient et c'est peut-être tant mieux.
Dans les clapotements furieux des marées, je me retrouve à présent seul. Devant moi un archipel me tend ses rivages, alors je ne suis pas tout à fait seul puisque vous êtes là.
Rodden Eiland, une bien belle robinsonnade, mais pas que... qui trouve son ton particulier, sa musique, une île où viennent aussi à notre rencontre des livres, ceux de l'île déserte de Bouffanges, son panthéon littéraire...

« Sur l'eau calme voguant sans trêve
Dans l'éclat du jour qui s'achève
Qu'est notre vie, sinon un rêve ? »
Alice au pays des merveilles, Lewis Carroll

« Gooooooooood morning, Babelio ! »
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« Où le coucou
Disparaît
Une île »
Basho

Sous ses airs de thriller, « Rodden Eiland » est plutôt une robinsonnade que nous propose avec beaucoup de talent et d'humour Bouffanges.
On y trouve tous les ingrédients pour un cocktail savoureux qui plaira à tous les vacanciers : il y a la mer, une île déserte, un environnement certes exotique mais hostile, et un homme, seul.

*
C'est l'histoire d'Édouard Hythlodée, un vétérinaire de renommée internationale, spécialiste en chirurgie.
Il aurait pu s'appeler François Perrin. Poursuivi par une malchance incroyable, cet homme se rend à un congrès de vétérinaires orthopédistes. Embarqué sur le vol Melbourne-Tokyo, il se retrouve d'abord coincé dans les toilettes, alors que l'avion traverse une zone de turbulences, puis il s'assomme contre la cuvette des wc. A son réveil, force est de constater que l'avion s'est écrasé sur une île déserte du Pacifique et qu'une partie de l'épave a coulé avec ses passagers, le laissant seul survivant du crash.

*
Chance ou malchance ?
En pesant le pour et le contre, il n'est pas facile de répondre à cette question. Car si Edouard est vivant, la situation est délicate, voire périlleuse. Comment survivre seul, en milieu sauvage, sans aucune connaissance en survivalisme ?

« L'instinct de survie était trop fort. Ce n'était pas tant la mort qui l'effrayait : continuer à vivre s'annoncer bien plus dur que renoncer. Mais il ne pouvait se résoudre à mourir ainsi. Attendre de mourir de faim et de soif, c'était s'assurer d'atroces et lentes souffrances. »

*
Un certain nombre de compétences paraissant, de prime abord, assez simples sur le papier, sont indispensables pour pouvoir rester en vie jusqu'à l'arrivée des secours, comprenant entre autres : faire du feu, boire, se nourrir, s'abriter, se protéger des animaux sauvages, et bien sûr, avoir quelques connaissances en secourisme.

« À tous les coups, c'est quand j'aurai appris à débrouiller seul, que j'aurai repris le contrôle de mon destin, que les secours arriveront. »

Comme vous voyez, j'ai réfléchi à la question, et, heureusement pour moi, j'ai vécu cette aventure par procuration, confortablement installée sur ma chaise longue, vivant sereinement cette expérience unique et dépaysante.
En ce qui le concerne, même s'il est particulièrement malchanceux et en dépit des nombreux coups du sort qui s'acharnent sur lui, je l'ai trouvé très dégourdi et astucieux.

« J'essaie de songer aux diverses manières de se manifester. Je me replonge dans mes souvenirs de robinsonnades.
Dans Sa Majesté des Mouches, les enfants naufragés entretiennent un feu, un peu comme je le fais. le Robinson Crusoé de Defoe, quant à lui, bénéficie de la chance du feignant : un bateau approche sans mérite de la part du héros.
Je ne parle même pas de Tom Hanks dans Seul au monde, qui prend la mer sur un radeau de fortune : mourir déshydraté au milieu d'une étendue d'eau infinie me semblerait du dernier cynisme.
L'option la plus intelligente qui me revienne est celle de Paasilina dans Naufragés du Pacifique : les héros décident de déboiser la jungle pour former des lettres SOS assez grandes pour être visibles par satellite. Option intelligente, certes, mais romanesque : j'ai déjà du mal à couper du bois pour entretenir mon feu, alors déforester ! »

*
Découpé en trois grandes parties très distinctes correspondant chacune à trois époques différentes, le récit se développe sur une période de huit ans.
Le style évolue, s'adaptant aux émotions et aux pensées d'Edouard.
La narration est vraiment bonne, le ton juste, utilisant plusieurs registres de langue pour mieux s'adapter à chaque situation et à l'évolution psychologique du personnage. L'humour, l'ironie, la dérision, jalonnent ce récit court et rythmé.

« Je rouvre les yeux, horrifié. La terreur envahit mon ventre, et j'ai à peine le temps de me tourner sur le côté pour vomir mon angoisse en petits flots de grumeaux verdâtres. Ce n'est pas tant la mort de l'intégralité des passagers qui me terrifie. C'est cette idée qui s'infiltre soudain dans mon esprit, cette idée terrifiante : et s'ils n'étaient pas morts ? S'ils avaient pu sortir de l'avion avant qu'il sombre ? S'ils étaient tous déjà dans les hélicoptères de secours, en train de convaincre les secours qu'enfermé dans les toilettes, je n'avais aucune chance de m'en sortir ? »

Ne m'attendant pas à un changement d'orientation aussi radical, la seconde partie m'a particulièrement déstabilisée. On ne comprend ce qui s'est réellement passé qu'à la toute fin et je dois dire que la chute fait tout l'intérêt de ce roman.

*
Cette histoire offre une belle combinaison d'aventure et d'évasion, de souvenirs d'une vie passée, de nombreuses réflexions sur le sens de la vie et de la mort, sur la société, la démocratie, notre rapport à la nature, et notre dépendance à la technologie.
Bouffanges explore aussi de manière approfondie, les relations humaines, la complexité des émotions et des sentiments humains.

*
Pour conclure, jouant sur tous les registres et en particulier celui de l'humour, Bouffanges parvient, avec ce roman parfaitement bien construit, à créer la surprise.
Une belle découverte, sans aucun doute.

Un grand merci à Miss NicolaK qui m'a donné des envies de goûter à un univers très différent de mes lectures habituelles.

« Sur l'eau calme voguant sans trêve
Dans l'éclat du jour qui s'achève
Qu'est notre vie, sinon un rêve ? »
Lewis Carroll
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Pas son jour à Hythlodée, il se retrouve coincé dans les gogues d'un coucou qui survole la grande bleue, puis trou d'air, défaillance mécanique ou fausse manip sur le manche à balais… Patatrac roulé-boulé le revoici sens dessus dessous.
Ma première pensée fut : j'espère qu'il avait tiré la chasse.

Notre bonhomme qui devait se rendre à une convention pour le boulot se retrouve sur une plage déserte sans collègues, mais alors c'est le paradis ?! Non car c'est sans le cocktail avec la tranche d'ananas et le petit parasol, ni transat qui va bien pour le déguster... mince la vraie tuile alors !

Heureusement en école de véto l'enseignement ne se limite pas à assaisonner ses clients prolo qui viennent pour le contrôle technique annuel du chat, on y enseigne la défiscalisation, la vente de croquette à prix d'or mais surtout un peu de science aussi, je laisse votre esprit critique deviner ce qui sera le plus utile dans le lieu choisit par l'auteur.

Notre héros roux, s'il avait pu se réchauffer grâce à sa chevelure de feu, et serait donc devenu le sauvage central, mais ce n'est pas un conte de fée qu'on a la alors débrouilles-toi bonhomme.

Redécouverte des technologies primitives et adaptation en milieu extrême grâce a du bon sens mêlé à un instinct de survie ont fait le bonheur du lecteur que je suis, me rappelant ce bon vieux Crusoé, son copain vendredi et puis Tom Hanks dans Seul au monde.

Survint ensuite un revirement de scénario à environ ¾ du feuillu, ce serait déplacé de vous révéler ici quoi car cela enlèverait un intérêt certain au livre, mais cela m'embête un peu car c'est la partie du livre que j'ai le moins appréciée.

Disons que le fond était très instructif bien étayé, sérieux et ne manquait pas d'excellentes idées, j'ai eu par contre une déception sur la forme utilisée un peu trop soudaine et bâclée à mon goût...

Heureusement j'ai retrouvé comme dans ma précédente lecture de l'auteur un dénouement qui a su raviver une fin de bouquin qui s'annonçait un peu décevante car bien moins captivante que la quasi-totalité du bouquin.
Ravi de m'être envoyé cette oeuvre de Bouffanges qui m'a rappelée la précédente que j'ai lue, ayant pour thèmes communs le rapport à l'autre, la société et ses dérives, et les intérêts croisés.

Un livre bien amené tissé d'un peu de philo de beaucoup de (sur)vie.

Merci à Onee pour le conseil de lecture !

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Retour sur Rodden Eiland, de Bouffanges.

Dès les premières pages, je me suis dit qu'on n'allait pas s'entendre. La narration à la première personne du singulier et au présent de l'indicatif, c'est comme mettre en présence Lou Reed et Metallica, ou mélanger de l'eau de Javel et de l'acide chlorhydrique : il n'en ressort souvent rien de bon. le péquin moyen te dira que non, c'est parfaitement réussi dans Bridget Jones HIHIHI, mais moi je sais que j'ai raison, le monde entier s'accorderait-il à affirmer que les épinards sont un délice du palais que je soutiendrais mordicus que c'est dégueulasse, les épinards.
Et donc, la première partie m'a horripilé dans son traitement narratif, d'autant plus que le seul personnage a être mis en scène est le héros, et que tout transite par lui : Je vois ceci, je vois cela... "Je réfléchis", précision dispensable... "Je sens" telle odeur... Cette manière de raconter produit l'effet inverse de ce qu'elle est censée faire, elle met une distance entre le lecteur et le cadre du récit. C'est un écueil sur lequel Bouffanges a foncé et s'est brisé.
Dommage, car aussi non, je n'avais rien à reprocher au style, qui me bluffait même au détour d'un paragraphe : "Il va falloir que je me méfie de ces saletés : on n'a pas des crochets pareils par seul dandysme, et je parierais qu'il y a là-dedans de quoi rigidifier tout être vivant de moins d'une tonne."
Pouce en haut.
Et puis tout soudain, la narration change, et tout ce que je viens d'écrire auparavant ne sera plus jamais un problème jusqu'à la fin du livre. Je ne peux pas t'en dire plus sans te spoiler le livre, mais sache seulement que le vrai propos de l'auteur arrive.
A se demander à quoi a servi la longue (et passionnante, malgré la réserve que j'avais sur la narration) première partie. Cette seconde partie vaut la première, mais alors que la première est une sorte de guide de survie en milieu hostile aussi bien fichu que Seul au monde de Robert Zemeckis, sans jamais pourtant pomper le film, la seconde partie devient plus... politique, plus profonde. Rodden Eiland devient une métaphore de la société des Hommes, pertinente et intelligente. On lorgne plus vers Michel Tournier et son Vendredi ou les limbes du Pacifique que vers Zemeckis.
C'est tellement bien fait, c'est un thème tellement puissant, qu'on se demande pourquoi l'auteur n'a pas concentré tous ses efforts sur ce sujet plutôt que nous offrir un twist final un peu facile et auquel je m'attendais un peu.
A noter qu'hormis le défaut que je souligne en début de retour, je n'ai à aucun moment été dérangé par des problèmes de style foireux ou de syntaxe comme ça a été le cas dernièrement dans certaines de mes lectures.
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une belle découverte...un auteur à suivre.
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