Du culot, du culot, du culot...
Voilà comment l'on pourrait définir
Boulgakov, d'une certaine manière...Non content de dépeindre de manière presque sympathique les Russes Blancs partisans du tsar avec
la Garde Blanche (le plus hilarant est que Staline aimait ce roman...Si, si, je vous jure!),
Boulgakov récidive avec
Coeur de Chien...
Personnellement j'ai sursauté quand j'ai entendu le professeur Philippe Philippovitch dire: "Je n'aime pas le prolétariat." Vous savez, la petite phrase qui révèle dans sa franchise brute le fond de la pensée de celui qui la profère, un peu comme le "Je n'aime pas les riches" lâché par l'actuel locataire de l'Elysée...
Vivacité, mordant, jeu entre le fantastique et la réalité aux limites de l'absurde. Les ingrédients qui feront la fortune du Maître et Marguerite se trouvent déjà dans cette nouvelle qui se laisse lire d'une traite. On quitte le réalisme de
la Garde Blanche et des
Récits d'un jeune médecin pour entrer de plein-pied dans la science-fiction mâtinée de fantastique et de réminiscences autobiographiques, le tout dans un arrière-fond soviétique très prégnant (
Boulgakov étant d'abord médecin).
Le chien Bouboul apparaît finalement bien plus humain que sa version humaine, Bouboulov, un individu de la pire espèce, caricature du prolétaire endoctriné par la vulgate soviétique...La transformation en être humain du chien donne lieu à quelques questions d'ordre pratique pour le moins...étranges: devoir donner des papiers à Bouboulov, sauf que l'on ignore complètement comment justifier de sa naissance...
Le plus étonnant chez
Boulgakov est cette sorte de gaîté naturelle, cette légèreté vivifiante qui irrigue nombre de ses
oeuvres, y compris celles traitant de la réalité soviétique dans ce qu'elle a de plus désespérante...
Coeur de chien ne fait pas exception. Aucune désespérance, aucune forme de crainte oppressante ne perce dans cette nouvelle pourtant bien ancrée dans une société soviétique avec ses travers bien connus (encore qu'en 1925, le régime, pour dictatorial qu'il soit reste encore relativement tolérant, Staline ne s'étant pas encore révélé).
Vassili Grossman, en comparaison, ne prend pas de gants en la matière: ses descriptions du quotidien soviétique, dans
Vie et Destin, faites de la crainte permanente de la délation, sont par moments proprement glaçantes de réalisme.
Une très bonne introduction à
Boulgakov, représentative de son oeuvre.