AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,9

sur 1610 notes
Magnifique roman noir et rural.

Tout est impressionnant de maîtrise: le style, puissant, terrien, tragique; l'action, lente, secrète, filtrée; le lieu, âpre , enneigé, rude, et enfin , et surtout, les personnages taiseux, rudes, cassés, courageux et fatalistes, qu'il s'agisse des bêtes ou des gens- le chien Mars m'a émue autant que Gus son maître.. .lequel d'ailleurs porte le nom d'un chien cher à mon coeur, le mien!

Beau comme du sang sur la neige...

En effet, les Cévennes protestantes enneigées de Grossir le ciel n'ont rien à envier au Vercors glacé d'un Roi sans divertissement, de Giono, un de mes livres préférés, que je chroniquerai peut-être un jour si j'en trouve la force et les mots, tant il mérite d'être loué dignement .

Oui, il y a dans le beau roman de Frank Bouysse quelque chose de pascalien, il y a quelque chose de janséniste dans cette tragédie paysanne lente et funèbre, où le hasard et la nécessité tissent leurs toiles mortelles autour de deux vieux paysans, éleveurs de vaches d'Aubrac -chères à mon coeur elles aussi- ôtant, avec une ironie cruelle, tout libre arbitre aussi bien à Gus qu'à Abel , son voisin, son ami.

Et leur refusant,dans le repli hautain de leur (in)justice divine, si étrangère à nos coeurs, la grâce que nous, lecteurs bouleversés,
nous voudrions tant leur accorder...

Cette injustice, cette jalousie divine est soeur de la Némésis, la cruelle divinité qui envoie Oedipe au casse-pipe en feignant de l'aider, comme Gus , qui croyant être maître du jeu, le perd, se perd, et perd tous les êtres qui pourraient le tirer de sa solitude.

J'ai d'abord été désarçonnée par l'épilogue, mais avec le recul, je le trouve lui aussi magistral: de même que le choeur dans les tragédies grecques donne l'étiage d'une humanité moyenne face au rouleau compresseur du destin, Bouysse donne le dernier mot, celui de l'exodos, à une pauvre vieille qui redonne au personnage bouleversant de Gus toute sa fragile dimension humaine...

A peu de chose près , et avec un léger glissement vent arrière du H, une symphonie de Malheur.
Commenter  J’apprécie          7216
Quelque part. Qui ressemble à nulle part.

L'immensité des solitudes humaines. Dans les Cévennes.

Gus vit là. Dans ces lieux de silence, où les jours se ressemblent. Il traîne son identité et ses souvenirs lugubres. Cette jeunesse du manque d'amour avec la terre pour sale horizon.

Gus est seul ici. Si ce n'est le vieil Abel, le voisin.

Les deux hommes se ressemblent, comme hantés par les lieux.

Mais le jour de la mort de l'abbé Pierre, tout bascule.

L'angoisse monte et le silence oppresse dans les pages de ce roman maîtrisé de bout en bout. le passé déverse sa boue et les hommes se retrouvent face à ce qu'ils cachent.

J'ai retrouvé dans ce roman ce que j'aime tant chez Franck Bouysse. Cette presque folie des gens bruts. Cette claque des mots pour parler de la terre. Comme nul autre, il retranscrit une nature froide et inquiétante, palpable et presque terrifiante.

Il décrit une nouvelle fois cette ruralité brute, effarante. Il empoigne son lecteur et le laisse transi de froid. Comme hypnotisé par cette écriture qui ne ressemble à nulle autre.

Roman rural, roman psychologique noir comme la terre qui se gorge de sang. Roman à la puissance dévastatrice. Qui marque son lecteur.
Peu à peu, je m'enivre, littéralement, de chacun de ses romans et chaque périple est plus terrible que le précédent.

Il faut lire Bouysse.

Il le faut.

Lien : https://labibliothequedejuju..
Commenter  J’apprécie          707
L'hiver, la neige, le froid. Une ferme isolée. Gus et son chien à l'intérieur. Solitude d'une vie où son histoire est lourde de conséquences. Père et mère, mouais... Gus vit seul maintenant dans cette ferme. Les travaux de la ferme rythment ses journées. Il ne s'en plaint pas d'ailleurs. C'est sa vie. Il enfile ses sabots, siffle son chien, prend une masse. Il a une clôture à refaire au fin fond du jardin de son palais, la ferme des Doges.

Il rentre se réchauffer, regarde la café chauffer sur la gazinière. Café bouillu, café foutu disait sa mémé. Alors, il garde les yeux rivés sur la casserole. Brûlant, il l'aime, sans sucre aussi. Une goutte de gnôle, dedans pour aromatiser. Ou pour oublier ce genre de vie solitaire où son seul voisin est encore plus vieux que lui survit dans les mêmes conditions à quelques temps de sa ferme.

Gus enfile ses sabots, siffle son chien, prend sa carabine. Il grimpe sur une grosse branche et scrute le ciel. A la recherche d'une grive à déplumer pour ce soir. Il n'a pas appuyé encore sur la gâchette qu'il entend un coup de feu. La ferme du vieux, Abel. Il s'avance difficilement dans la neige fraîche et observe le silence alentours. Il ne voit personne, des traces de sang frais par contre tâchent la blancheur immaculée de cette neige. Il rentre chez lui. Après tout, les affaires des autres ne sont pas ses affaires. de toute façon il n'a rien à dire. Gus et Abel ne parlent pas pour rien dire, les amabilités ce sont pas le genre de la maison, quelques coups de mains, pour réparer une clôture, ramasser les foins ou soigner les bêtes, un point c'est tout. Et le silence règne.

Et voilà que commence l'atmosphère pesante de ce huis-clos silencieux et sombre en terres cévenoles. du polar rural bien de chez nous qui brûle le gosier de son tord-boyau maison. Il faut entrer dedans, penser à mettre des bûches dans le foyer de la cheminée, ne pas détourner les yeux de son café. Dommage. Je vais en décevoir, - oui, toi qui a lu ce livre et qui a adoré, ne te retourne pas je parle bien de toi, lecteur anonyme - ce polar a toutes les qualités requises, je suis resté un peu en dehors de cette ferme, j'ai pas réussi à me plonger dans cette terre sauvage, est-ce parce que je ne connais pas les Cévennes. En plus l'abbé Pierre vient de mourir, ça plombe d'entrée l'ambiance. Et les témoins de Jéhovah qui s'amènent... Un grain de sable dirait-on dans le désert, ici ça serait plutôt un flocon de neige, qui vient enrayer la mécanique de la vie, et qui entraîne un enchaînement d'événements où le Diable semble s'en mêler. Sombre et sans espoir. Et le silence se tut.
Commenter  J’apprécie          703
Tiens ? Un roman avec pour personnages principaux deux paysans d'un lieu-dit.
Je n'ai pas pu m'empêcher de penser au livre de René Fallet "La soupe aux choux" !
Les réminiscences c'est bien gentil, mais parfois, ça vous éloigne du sujet !
Car, ici, l'ambiance n'est pas à la rigolade, aux franches lippées et au concours de pets !
Gus et Abel, ne sont pas le Bombé et le Glaude, même si en y regardant de prés, on pourrait leur trouver quelques points communs.
Mais les Doges, ne sont pas les Gourdiflots, ici ce sont les Cévennes, pays rude, vie rude, gens rudes.
Et puis, il y a les secrets que l'on garde et qui blessent, et puis qui font plus mal encore quand ils sortent au grand jour.
Et le style de l'auteur, juste quand il parle de la ruralité, de la solitude, de la peine, de la mort, et parsemé de formules qui font mouche sans en avoir l'air.
Bref, un court roman, mais un grand livre, et un nom à retenir : Franck Bouysse.
Commenter  J’apprécie          6910
Gus et Abel vivent solitaires dans leurs fermes, aux Doges, dans les Cévennes. Quelques centaines de mètres et une vingtaine années les séparent. Deux décennies qui ont porté une vieille inimitié entre les deux familles, mais que les deux hommes ont réussi à surmonter.
Un jour de janvier, au lendemain du décès de l'abbé Pierre, Gus décide d'aller chasser sous la neige les grives qu'il a repérées dans un petit bois. Mais lorsqu'il entend des cris étranges près de la ferme de son ami, il renonce, puis découvre des traces de sang.
Les événements vont alors s'enchainer...

Deuxième roman de Franck Bouysse que je lis. Je n'avais pas été convaincu par le premier, Glaise (lire ma chronique ici). Celui-ci m'a beaucoup plus plu !
Les deux romans ont beaucoup de traits communs. L'écriture, pour commencer, fluide, riche et dynamique, sans fioriture inutile, et qui a peut-être gagné en truculence. L'environnement ensuite : des terres de montagne, fertilisées par la sueur de ceux qui les travaillent. Enfin, des personnages entiers, peu enclins à l'introspection et qui se réalisent dans l'action.
La différence réside dans l'histoire qui nous est racontée. Je l'avais trouvée assez insipide et convenue dans Glaise ; elle a beaucoup gagné en profondeur, en rebondissements et en suspense dans Grossir le ciel.
Une écriture singulière et un beau roman de terroir.


Lien : http://michelgiraud.fr/2022/..
Commenter  J’apprécie          682
Grossir le ciel raconte la vie de deux paysans pauvres et solitaires qui vivent un peu en marge de notre monde, loin des villes, loin des gens mais aussi loin des tracteurs modernes ou de l'agriculture productiviste ou bio.

Leur vie se concentre sur leur terre, leur chien, leurs vaches, la nature, la chasse, une petite discussion entre voisins devant un coup de rouge ou un reportage à la télé. Ils ne sont pas malheureux, ni bêtes, ils ont du coeur et savent apprécier leur vie; ils sont juste anachroniques et le savent. Même les habitants du village d'à côté les regardent comme des bêtes curieuses...

C'est ça que j'ai retenu et aimé dans Grossir le ciel, plus que l'histoire des coups de feu ou des secrets de famille : la philosophie toute simple (mais pas simpliste) de Gus, son amour pour son chien Mars, son refus de céder aux puissants.
Commenter  J’apprécie          662
Ce que j'ai ressenti:…Un tour de force: la poésie au service de la rudesse paysanne…

Le monde rural vous semble dénué de charme? Laissez vous conter Grossir le ciel, par Franck Bouysse, et votre regard va, du tout au tout, changer considérablement…Cet auteur arrive par la force de ses mots, l'impulsion de son talent, à nous rendre vivant, palpitant, déchirant même, l'univers de nos campagnes…Le paysage prendra forme sous vos yeux, l'odeur des champs vous emplira la poitrine, l'humanité de ce roman finira par vous soulever le coeur: oui, il y a tout cela dans ce livre, de l'émotion à l'état brut derrière une plume de poète. Un choc des contraires, la rudesse du monde agricole dans la douceur d'une écriture puissante.

Je crois que tout c'est joué, dans le premier chapitre…Le coup de foudre…J'étais comme hypnotisée par la beauté de ses images qui venaient s'imprégner dans mon imaginaire, la douce musicalité des mots posés, la force du sens qui s'en dégage. Je pense avoir lu au moins une dizaine de fois, ce début de roman, sans mentir, j'en reste encore émerveillée. Dès fois, on bloque comme ça, mais là, c'était juste étourdissant.

Bon, et finalement, (oui, oui, je suis allée au delà de la page 30, j'ai bien voulu aller au delà du coup de foudre des premières impressions…), pour me laisser guider dans cette atmosphère un brin noire, tout à fait humaine, et me laisser conter l'histoire de ses hommes avec une pointe d'asociabilité.

Verdict ?….J'ai adoré! On se plait à suivre ce duo de voisins, dans leur quotidien, connaitre un peu plus de leurs histoires, dénicher les plus lourds secrets dans ce temps suspendu. La vie de nos campagnes a ses reliefs monotones, mais quand le diable guette ses proies, il n'y a plus que des gouffres profonds qui parachèvent ce décor, donnant dans toute sa splendeur, un spectacle de sang électrisant.

C'est l'auteur, qui me l'a écrit dans sa dédicace « Belle balade en compagnie de Gus« …Merci bien, Monsieur Bouysse, elle fut surprenante et inoubliable…Un coup de coeur littéraire!

Lien : https://fairystelphique.word..
Commenter  J’apprécie          668
Grossir le ciel
pour y mettre les mots qui se taisent,
car ici ce sont des taiseux qui avancent, Gus, Abel, les autres... Mais surtout Gus et Abel...
Dire qu'ils sont taiseux est un doux euphémisme, dans ce paysage oppressant qui semble muet aussi. On tend l'oreille et on se demande si les oiseaux et leurs chants ne se sont pas envolés à jamais de l'autre côté du paysage. Dire qu'ils sont taiseux n'est pas tout à fait vrai, ils finissent par se parler, mais à quel prix ?
Grossir le ciel
pour y mettre deux solitudes paysannes qui se tiennent debout
dans la boue et la neige
et le cri des forêts
et des chiens qui hurlent dans la nuit.
Dans cette campagne cévenole, comme un bout de chemin sans issue, un hameau, quelques fermes se dessinent au loin, il y a encore un peu de vie qui subsiste, qui résiste, qui survit.
Grossir le ciel
pour y mettre de la lumière.
Ici c'est une terre âpre et le ciel d'hiver justement semble tarder à venir aux premières pages pour amener le peu de lumière qui manque, au plus près de l'herbe et du chemin, au plus près des gestes qui avancent à tâtons.
Et pourtant c'est un roman lumineux, un roman noir certes mais un roman lumineux qui tend vers cette lumière presque impossible, qui nous y entraîne comme un fil qui nous tirerait vers la fin du récit, des dernières pages, au travers d'un tunnel où nos pas se perdent,
ou bien c'est peut-être une dernière étoile qui fond dans la nuit.
Grossir le ciel
pour y enterrer le cadavre d'un chien
ou celui d'un faon dont les pieds viennent d'être fauchés par un engin agricole et qui agonise dans les bras d'un paysan taiseux en pleurs.
Grossir le ciel
pour y jeter à la pelle
tous les secrets de famille qui encombrent une existence.
Grossir le ciel
pour y mettre la vie d'un homme
et ce qu'elle a de dense et de fugitive,
ce qu'elle a d'aimante et de douloureuse.
Grossir le ciel
pour y mettre l'enfer et le paradis,
pas celui qu'on imagine, lointain, évanescent ou dantesque, celui d'un autre monde, non cet enfer et ce paradis que les personnages ont sans doute touchés des doigts, effleurés, étreints peut-être le temps d'un battement de coeur, dans le froid de l'hiver, dans le regard d'une femme désirée, d'une mère détestée, le bien et le mal qui gisent sur terre, sans parfois qu'on puisse faire la part réelle des choses.
Grossir le ciel
pour y jeter les territoires de l'enfance
ceux qui font mal, qui ne cicatrisent jamais en dépit du temps et de la neige de l'hiver
et du soleil brûlant de l'été,
malgré les saisons qui passent, immuables.
Grossir le ciel
pour y déposer les morts
tous ces morts qui gisent dans la mémoire
dont l'écho des voix hurle sous des pelletées de terre et de cailloux,
les morts et le vertige des âmes,
mais feront-ils moins de bruit là-haut si loin dans l'envers du décor ?
Grossir le ciel
pour y mettre les phrases de Franck Bouysse
et ces pages grandioses et vertigineuses que j'ai aimées.
Grossir le ciel
pour y mettre encore plus de ciel...
Commenter  J’apprécie          6517
"-T'es sûr que tu m'dis tout ?
-Qu'est-ce qu'y aurait à rajouter ?
-Je sais pas, moi ?
-J'ai rien à dire de plus que c'que j'ai déjà dit. "

Un dialogue entre Abel et Gus, deux travailleurs de la terre avec les joues burinées au gros rouge, sous une casquette perchée à l'arrière du crâne, et des mains tordues qu'ils essuient sur leur salopette sale. Des taiseux de la campagne cévenole qui n'ont rien à dire et qui se le disent. Pourtant malgré le silence assourdissant entre les deux hommes, Abel finit par révéler à Gus un secret qui précipite une catastrophe annoncée.

Bon, Grossir le ciel (joli titre) c'est une histoire de la campagne, avec petits oiseaux, rudes paysans, secrets de famille et suceurs de Bible comme l'écrit l'auteur. On aime ou on n'aime pas. Ou on trouve, comme moi, ce roman policier du terroir, avec d'authentiques morceaux de la vie paysanne, attachant, mais un peu beaucoup cliché.
Commenter  J’apprécie          653
Deux paysans Gus et Abel au coeur des Cévennes, deux paysans éloignés de tout et de surcroît, deux paysans taiseux. Voilà le décor planté.
Les échanges entre ces deux paysans sont brefs, dénués de fioritures, parfois même hostiles mais malgré tout, on sent entre eu un véritablement attachement.
La vie "tranquille" et la routine quotidienne de Gus et Abel vont être mises à mal par un fait que je ne dévoilerai bien sûr pas ici. Ce nouvel élément va complétement chambouler leur vie et de fait notre lecture !
Dans cette atmosphère bien particulière et pourtant peu avenante, je m'y suis fait une place facilement, sans doute parce que l'écriture est belle et accueillante !!!
La plume de Franck Bouysse nous plonge dans une contrée reculée et nous guide, nous prend par la main sans nous lâcher une seconde, jusqu'au bout du chemin. Nous ne nous perdons jamais, on suit sans hésiter notre guide talentueux. Merci!!!
Commenter  J’apprécie          641





Lecteurs (2896) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (6 - polars et thrillers )

Roger-Jon Ellory : " **** le silence"

seul
profond
terrible
intense

20 questions
2880 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , thriller , romans policiers et polarsCréer un quiz sur ce livre

{* *}