J'ai choisi ce livre dans le cadre de ce challenge « Je voyage » (sur Livraddict) que j'ai déjà cité plusieurs fois, car le pays à l'honneur en ce mois d'avril tout juste passé était l'Irlande, et ça tombe bien : il va me faire « avancer » aussi dans le challenge des Globe-trotters sur Babelio !
J'avais déjà entendu parler de cet auteur irlandais apparemment bien apprécié, sans avoir jamais rien lu de lui, et franchement c'est une bonne surprise !
Il est très difficile de résumer en quelques mots (et sans divulgâcher) l'intrigue de cette histoire qui met en scène une famille plus dysfonctionnelle qu'elle ne s'imagine seulement, où les personnages et leurs relations se croisent et s'entrecroisent, provoquant un nombre incalculable de conflits potentiels (dont seuls quelques-uns exploseront réellement), et donnant ainsi l'impression au lecteur d'en savoir plus sur chacun d'entre eux, qu'eux-mêmes. À travers cette chronique familiale bien un peu déjantée, l'auteur n'a de cesse de dénoncer notre société actuelle, où ce fameux « syndrome du canal carpien » est devenu une maladie comme une autre, à force d'avoir nos ordiphones greffés à nos mains !
Toutefois, ce livre n'est pas tant une critique de notre addiction à nos téléphones portables (pour cela, avis strictement personnel, je recommanderais plutôt l'excellente chanson de Soprano : « Mon précieux »), mais bien des dérives des réseaux sociaux. C'est une dénonciation un peu de l'addiction, un peu de l'ultracrépidarianisme (trop contente d'avoir réussi à caser ce mot improbable !), et surtout cette obsession débilitante du « politiquement correct », au point qu'on ne sait plus trop bien comment il faut s'adresser à qui pour ne pas blesser et, surtout, pour ne pas susciter (pourtant bien involontairement) un retour de flammes à cause de ce qui n'était même pas une étincelle.
En clair, ici, l'auteur commencer par nous présenter les différents protagonistes de cette famille, en alternant les différents personnages vus par un narrateur omniscient qui se pencherait sur chacun d'eux à tour de rôle. Cette famille apparaîtrait plutôt « de rêve » à première vue : les parents sont riches et célèbres, en quelque sorte « intouchables », et leurs trois enfants de 17 à 23 ans n'ont à première vue aucun souci (du moins matériel), mais ils sont en réalité tous complètement névrosés d'une façon ou d'une autre…
Et les ennuis se précipitent quand le père a le malheur de féliciter une personne en transition, dans un Tweet, et partant d'une bonne intention, mais en disant « il » alors qu'elle est devenue « elle »… Ce point de départ de l'intrigue principale, qui survient cependant assez tard dans le livre (je n'ai pas calculé, mais c'est au moins au tiers, si pas plus loin), aux côtés de toute une série d'intrigues secondaires qui s'imbriquent les unes dans les autres tout au long du roman, va amener les différents membres de cette famille de catastrophe en catastrophe… jusqu'à un final d'anthologie !
Il faut bien le dire : cette histoire n'est pas ultra-passionnante, mais est une vitrine tellement réaliste de notre société, certes poussée dans un certain excès, que chacun peut s'y retrouver plus ou moins… et en rire (parfois c'est juste un sourire, mais quelques passages sont réellement hilarants), car le ton est résolument humoristique !
L'auteur manie ainsi avec brio toutes les palettes de l'humour : un peu de pince-sans-rire qui fait très anglais (ce qui accentue le côté londonien de la famille… et ajoute une touche d'humour déguisée de la part d'un auteur qui s'assume irlandais, semble-t-il), ça devient caustique notamment dans certains dialogues, on a des traces d'humour noir (ah l'histoire de la tortue Ustym Karmaliuk et les After Eight !), c'est sans doute ironique aussi parfois (et même souvent). Bref, c'est une véritable satire, pas toujours très fine (pourtant qu'est-ce que j'ai ri avec le kazatchok !), mais qui met indéniablement le doigt là où ça fait mal, au mieux où ça chatouille un peu ; qui ne laisse donc personne indifférent.
D'ailleurs, je n'ai pu m'empêcher de me demander :
John Boyne ne craint-il donc pas lui aussi un certain retour de flammes – pas de ma part cependant, moi j'ai beaucoup apprécié ! - avec un tel livre, qui s'avère finalement, délicieusement, politiquement... incorrect ?