Bernard Bretonnière dans son dernier livre "
Coeur d'estuaire et autres textes écrits à Cordemais", opte [… ] pour deux solutions […] : d'une part celle de l'extrême "je" dans "Tout simple poème du 15 février" où la banalité ordinaire des faits et gestes énumérés annihile tout ce que le "matériau biographique" a de personnel et d'unique, un miroir semble tendu au lecteur, ma vie, ta vie, notre vie, c'est itou ("Ce que l'on demande à un écrivain c'est qu'il écrive notre drame – ce qui ne signifie en rien qu'il puisse y parvenir en écrivant le sien" – a écrit un jour Bretonnière) ? À l'opposé, dans "Paroles données", "Paroles volées" ou l'étonnant "Situation de Cordemais et du monde en février 2000", Bretonnière choisit de s'effacer totalement : il laisse la parole à Joséphine
Vinet, veuve Simon, ou Guy Dénéchère, ou encore retranscrit littéralement des bribes de conversations captées çà et là, des phrases du bulletin municipal, des bouts d'info radio etc. le "je" poète laisse les membres de la "tribu" babiller, bruire, "dire". Il signe cependant de son nom les textes ainsi obtenus à titre d'"inventeur", celui qui a trouve le "trésor" du poème à travers les mots des autres, celui qui a donné au dire éclaté, mouvant, de la "tribu" une forme, à un moment donné, et pour toujours.
Roger LAHU, Noniouze n°6, octobre 2000