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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Anna et Molly sont soeurs. Il y a quelques décennies, elles étaient coude à coude dans les manifestations, les distributions de tracts, les fabrications de banderoles... le militantisme se composait à deux, l'une galvanisant l'autre, l'autre admirant l'une. L'une tout à l'action et l'autre encore avec quelques volutes de rêveries dans la tête, pas assez organisée ou volontaire, se laissant plutôt porter par les sentiments, les émotions...

Anna et Molly, bien sûr, mais aussi Boris et Marek pour faire quatuor et être plus déterminés, plus forts dans l'adversité, s'exaltant l'un l'autre pour une cause ou une idée.
Et aussi Mélini, la mère d'Anna et Molly, qui préfère l'une de ses filles et bouscule l'autre… Mélini excentrique et insupportable jusque dans ses derniers instants. Mélini source avouée et assumée de discorde entre les deux soeurs.

Molly est devenue médecin, Boris s'est remarié avec elle. Marek est mort, Anna a été écrivaine mais peut-on parler de cet art au passé ? Simplement pour dire qu'Anna a perdu l'inspiration, ou l'a enfouie dans un coin de son esprit pour vivre en paix et ne pas se quereller parce que faire un récit des luttes partagées, en extraire les vérités peut amener des scissions, des rejets...
Alors, solitaire et désoeuvrée, Anna relit ses carnets, ces pages où elle a tout consigné et elle digresse, s'échappe, réécrit presque les années passées.


A Côté des thèmes qui s'entrecroisent dans le roman, ce qui attire et retient, c'est la plume de Geneviève Brisac, trempée dans un zeste d'acide, qui vrille, qui fustige, les attitudes d'avant... mais aussi celles d'aujourd'hui...et quelque part celles de toutes les époques. C'est la plume qui parle de ces idéaux qui ont été la charpente des existences et sont devenus des regrets, des souvenirs nostalgiques. Que reste-t-il de la révolte des deux soeurs, quelles fleurs ont germé sur les idées d'entraide et de révolution, sur les cris ou les slogans scandés, sur les coups reçus, sur les amours vécues ou imaginées ?
On pense au "Carnet d'Or" de Doris Lessing - que j'ai une folle envie de relire peut-être pour l'apprécier davantage - pour les personnages – Anna et Molly -, pour les carnets d'Anna, les engagements, les désillusions et les interrogations.
On croise des libertaires, des écrivains, Franz Kafka et Milena Jesenska, Bakounine, et bien d'autres, et des poètes ou plutôt des vers de poésie qui ponctuent fort à propos le récit et les réflexions des personnages…
On court au fil des lignes, au fil des pages. le style est entraînant, je dirais sautillant, mais toujours cinglant qui ausculte les travers, les faiblesses, les lâchetés d'hier et d'aujourd'hui.
On intègre la lutte , celle des opprimés de tout pays et des femmes pas toujours écoutées, celle des fratries et des familles, on caracole au fil des pages et on se prend d'amitié pour certains personnages quand on en déteste presque d'autres. C'est cela la littérature : entrer dans les phrases d'un livre, s'en draper, et avoir le coeur qui tressaute aux rythme des vies que l'on y côtoie

Un livre qui ne se raconte pas vraiment, un livre qui part dans toutes les directions, qui entraîne le lecteur dans son sillage, le secoue, le fait rencontrer une galerie de personnages tous plus hauts en couleurs les uns que les autres, qui se bousculent et se télescopent dans les premières pages pour mieux être rencontrés au fil du récit, pour mieux bâtir un roman sur l'engagement, le politique et aussi l'intime. Un livre qui parle d'écriture, des écrivains, des idéalistes, des engagés pour mieux en extraire la réalité, les rêves, la vérité, les illusions, l‘hypocrisie et la vanité, la sincérité.

A lire pour être bousculé...
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Portées par leur idéal de justice, Mollie et Anna Jacob ont été, dans les années 70, de tous les combats, de toutes les manifs. Différentes mais unies, les deux soeurs rêvaient d'un monde meilleur et d'une révolution qui jamais n'arrivèrent. Avec Boris et Marek, compagnons de lutte, à la fois amis et amants, il fut donc décidé de poursuivre cet idéal au Mexique. Mollie, les garçons et Mélini, la mère des filles, étaient du premier voyage, Anna, abandonnée à Paris pour régler les détails administratifs.
Des années plus tard, Mollie est devenue le Docteur Jacob, elle vit avec Boris qui milite toujours, cette fois dans une association pour le droit au logement. Anna, quant à elle, est une femme brisée. Elle a raconté ses années d'engagement et la période mexicaine dans un livre qui a eu un succès fulgurant mais que ses amis et sa famille ont vécu comme une trahison. Depuis sa plume s'est tarie, ses illusions se sont envolées, elle se noie entre l'impression d'avoir tout perdu et celle de n'avoir jamais rien possédé. Pour tenter de reprendre pied, elle replonge dans son passé en lisant les carnets qu'elle remplissait dans sa jeunesse : le rouge pour la politique, le bleu pour les autres, le noir pour sa mère.


Un roman à deux, trois, quatre voix même. Anna, idéaliste et rêveuse qui n'est plus qu'une blessure béante, celle d'avoir été trahie par son amant, par sa mère, celle d'avoir été rejetée plus tard et qui cherche dans ses carnets à refaire le parcours qui fut le sien. Celle de Mollie, la pragmatique, qui recueille sa soeur malgré sa rancoeur, qui se dit toujours militante mais peine à concilier ses idées gauchistes et la vie de nantie que lui procure son métier. Celle de Mélini, mère excentrique, égoïste qui ne sait pas aimer ses filles, mais aime à attirer l'attention, à être le centre du monde. Et de temps en temps, celle de Geneviève BRISAC qui intervient, pour préciser un détail, pour recadrer ses personnages, pour prendre le lecteur à parti. Cette construction originale qui mêle les parcours, les textes anciens consignés dans les carnets d'Anna, les poèmes dont elle se souvient, déboussole de prime abord, on se perd dans les lieux, les personnes, les dates. Mais très vite, on se laisse porter, on apprend à connaître les deux soeurs et ceux qui les entourent, on s'imprègne de l'atmosphère particulière aux cellules d'extrême gauche, un idéal romantique, un enthousiasme plein de fraîcheur qui se prennent de plein fouet les exigences du fonctionnement rigide et hiérarchisé d'une organisation politique.
D'ailleurs, la lutte révolutionnaire n'est qu'un prétexte pour évoquer des histoires de vie où jalousie, désamour, rivalité, tous ces sentiments petits-bourgeois, peinent à laisser la place aux grands idéaux désintéressés. L'humain est donc au coeur de ce roman qui touche aussi au besoin d'écrire pour exorciser le passé, pour en guérir...peut-être. Une belle réussite.
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Il y a longtemps que je fréquente Geneviève Brisac ; que ce soit dans ses ouvrages pour la jeunesse ( Petite) ou pour les adultes( Week-end de chasse à la mère) , j'apprécie cette plume précise, un tantinet introspective, sans manquer d'humour.
Dans cet opus, les années 70 sont le fil rouge, mais les périples des deux soeurs, Anna et Molly- et leurs amours, amants- constituent la trame de l'Histoire ; tout cela "festonné" de références littéraires françaises et étrangères...
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