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L'essai de Gérald Bronner publié en 2021 repose sur un constat implacable : « le temps de cerveau disponible » n'a jamais été aussi important qu'aujourd'hui. Et notre avenir dépend de l'utilisation que nous ferons de ce temps autrefois dédié à un dur labeur. Selon que ce temps sera consacré à regarder des vidéos de chats, ou à approfondir nos connaissances, se dessinera un avenir très sombre ou porteur d'espoir.

« Apocalypse cognitive » est un essai foisonnant, parfois complexe, souvent passionnant, qui se propose d'aborder les enjeux relatifs à l'émergence d'un « marché cognitif », où se confrontent une demande et une offre de contenus numériques. Afin de nous éclairer sur le développement de ce marché d'un genre nouveau, l'auteur nous propose un décryptage très fin des mécanismes cérébraux mobilisés par l'offre permanente de contenus.

Hanté par la pandémie du Covid-19 qui a servi d'accélérateur au développement du marché cognitif, l'essai de Gérald Bronner revient sur ce monde à l'arrêt, dont le temps de connexion à différents contenus numériques (et notamment aux réseaux sociaux) a augmenté de manière exponentielle.

« Apocalypse cognitive » prend le temps d'analyser son sujet, de situer les enjeux, de tenter de comprendre les mécanismes en jeu. Et pourtant. L'essai publié en 2021 est déjà daté, sans que cela soit imputable à son auteur, qui ne pouvait prévoir l'émergence d'une Intelligence Artificielle capable de générer des contenus (livres, chansons, peintures, etc.). Si ce phénomène vient modifier le fonctionnement du marché cognitif tel que l'auteur l'envisage, il accroît surtout la pertinence des questions existentielles abordées par l'essai.

***

L'auteur se montre facétieux lorsqu'il nous dévoile à la page 190 le véritable sens du titre de son ouvrage qui emprunte à l'Apocalypse selon Saint Jean. le titre peut ainsi de prime abord se comprendre comme « catastrophe cognitive ». En réalité, l'auteur s'appuie sur les étymologies latine et grecque d'apocalypse, qui signifient respectivement, « révélation », et « action de dévoiler une vérité auparavant cachée ».

S'il est parfois teinté d'inquiétude, le but de l'essai n'est pas de décrire la fin des temps, mais d'examiner les conséquences de la fluidification du marché cognitif, de dévoiler le dessous des cartes d'un phénomène au développement exponentiel.

***

La première partie de l'ouvrage revient longuement sur la confrontation dérégulée de l'offre et de la demande du marché cognitif.

Son raisonnement s'appuie notamment sur les multiples mécanismes cérébraux qui expliquent notre pente « naturelle » à nous intéresser aux catastrophes, aux faits divers sordides, des informations qui mobilisent une forme de peur « archaïque » dévoyée. Il revient également sur appétit insatiable de nouveaux « like » sur les réseaux sociaux, permettant de sécréter la dopamine dont notre cerveau est si friand. Gérald Bronner revient ainsi en détail sur différents phénomènes documentés qui permettent d'expliquer les invariants ontologiques de la demande cognitive.

Après avoir établi la nature anthropologique de la demande, l'auteur s'intéresse à l'offre qui, selon lui, ne fait que satisfaire la demande. En bref, tout le monde prétend adorer Arte, mais préfère regarder un programme affligeant sur TF1. L'offre de qualité existe et « l'apocalypse cognitive » tient davantage à une demande paresseuse, avide de satisfaction immédiate, ou de sujets « sensationnels », pour des raisons complexes qui tiennent notamment à la nature même de notre fonctionnement cérébral.

On comprend que l'auteur n'est pas un adepte de la coercition et croit aux vertus du libre-échange même lorsque celui-ci concerne notre temps de cerveau « disponible ». Une position discutable qui est néanmoins défendue avec un certain brio.

Il me semble que l'auteur se trompe lorsqu'il ne voit nulle malveillance dans l'offre cognitive qui sature le marché, que TikTok (par exemple) est volontairement conçu pour abêtir les jeunes générations occidentales (en utilisant les mécanismes décrits par Bronner), et que l'addiction aux réseaux sociaux des plus jeunes doit être combattue, y compris par la coercition.

***

L'auteur consacre un long développement à combattre la théorie de « l'homme dénaturé », élaborée par de nombreux esprits critiques qui considèrent que l'offre du marché cognitif est volontairement dessinée pour asservir les esprits, destinés à être dévorés par l'ogre capitaliste.

Il cite l'un des tenants de cette théorie, Jonathan Heller :
« Les mass-médias sont une usine déterritorialisée, dans laquelle les spectateurs se fabriquent eux-mêmes de façon à correspondre aux protocoles libidinaux, politiques, temporels, corporels et, bien entendu, idéologiques, d'un capitalisme en voie d'intensification croissante. »

La théorie de l'homme dénaturé implique une logique implicite d'intentionnalité, dans laquelle « les groupes dominants cherchent délibérément à asservir les foules ». Une thèse que défendait déjà Gramsci, pour qui les médias sont au service d'une bourgeoisie cherchant à asseoir sa domination sur la société.

Pour l'auteur, cette analyse refuse d'admettre le caractère anthropologique et donc inéluctable de nos pulsions, qui doivent certes être encadrées, mais qui déterminent la demande parfois peu glorieuse (sexe, sensationnalisme) du marché cognitif. Une demande à laquelle, selon l'auteur, l'offre ne fait que s'adapter.

Si une fois encore, Bronner défend son point de vue avec un certain brio, la question de l'oeuf et de la poule laisse perplexe. Est-ce vraiment l'offre qui s'adapte comme dans de nombreux marchés « classiques » à la demande, comme le soutient l'auteur ? Ou faut-il considérer le marché cognitif comme un marché « à part » dans lequel l'offre pourrait imposer son primat sur la demande ?

***

La troisième thématique abordée est celle de la désintermédiation permise par le développement des plateformes numériques qui permet aux leaders néo-populistes tel que Donald Trump de s'adresser directement à leurs électeurs sans passer par les mailles des médias classiques.

Ce nouvel avatar de la dérégulation du marché cognitif ne laisse pas d'inquiéter, en permettant à quiconque d'asséner des contre-vérités avec une assurance qui laisse coi, laissant de côté toute tentative d'argumentation analytique.

En bref, la fluidification à l'infini du marché cognitif permet de propager des « fake news » à tout-va et nous fait entrer dans l'ère de la post-vérité. Ce contact direct entre les dirigeants et le commun des mortels permis par des outils tel que X (ex-Twitter) donne l'illusion de l'avènement d'une démocratie plus « authentique ». Ce n'est hélas qu'une illusion tant cette désintermédiation se fait au détriment de l'analyse, de la prise de hauteur, en un mot de la réflexion.

L'accélération inouïe de l'afflux d'informations vient saturer l'espace médiatique, qui souffre d'une absence de hiérarchisation, au détriment de sujets complexes tels que la situation géopolitique au Moyen-Orient, et au profit de faits divers scabreux qui captent une attention cognitive souvent trop paresseuse.

S'il est difficile de donner tort à l'auteur sur ce dernier point, rappelons qu'en 1986, les médias français nous ont doctement annoncé que le nuage de Tchernobyl s'était arrêté à la frontière avec l'Allemagne. Un mensonge éhonté que la multiplication des canaux d'information rendrait aujourd'hui impossible.

***

Gérald Bronner conclut en rappelant les nombreux défis auxquels nous faisons face : dérèglement climatique, épuisement de nos ressources, possibilité d'une auto-destruction massive, et plus étonnant, conquête spatiale dédiée à la recherche d'une civilisation extra-terrestre.

La hauteur de ces défis doit conduire à ne pas sous-estimer les « effets pervers de la dérégulation du marché cognitif : en fluidifiant les relations entre l'offre et la demande, elle nous abandonne à des boucles addictives profondément enracinées dans notre nature ». Autrement dit, c'est parce que notre ressource cognitive est finie « qu'il faut en faire un usage raisonnable et considérer le cambriolage attentionnel comme un fait politique. »

L'auteur revient également sur l'abolition de l'ennui, pourtant nécessaire à la rêverie, créée par la présence permanente de téléphones, tablettes ou ordinateurs. En affirmant que « toute amputation de ce temps de rêverie à explorer le possible est une perte de chances pour l'humanité », il dresse un portrait très sombre des conséquences de la fluidification infinie du marché cognitif.

« On se tromperait donc gravement sur tout ce qui précède si l'on croyait que j'approuvais, même avec la pudeur de l'implicite, des mesures liberticides pour réguler le marché cognitif ».

Tout est dit, Gérald Bronner est un libéral qui préfère « réguler » qu'interdire et craint que le remède ne soit pire que le mal.

***

« Apocalypse cognitive » évoque les dangers de la dérégulation du marché cognitif avec une hauteur de vue qui force le respect. Dans cet essai foisonnant, l'auteur aborde de nombreux versants d'une montagne bien difficile à gravir. Sans jamais tomber dans un catastrophisme racoleur, il dresse tout de même un panorama très inquiétant des conséquences de ce nouveau paradigme d'un monde virtuel qui prend une ampleur sans cesse grandissante dans nos vies, et mobilise, pour le meilleur et, hélas le plus souvent pour le pire, notre précieux temps de cerveau disponible.

***

Deux remarques pour conclure.

La première concerne l'obsession de l'auteur pour le plafond de Fermi (plafond civilisationnel permettant d'accéder à la rencontre de civilisations extra-terrestres) qu'il développe dans sa conclusion. À supposer que ces civilisations existent, je ne sache pas que les rencontrer puisse être considéré comme un enjeu majeur.

La seconde concerne le développement exponentiel de l'Intelligence Artificielle générative, qui vient fluidifier à l'infini le marché cognitif en y insérant des contenus générés par des robots. Des contenus désincarnés sans aucune valeur intrinsèque, potentiellement totalement erronés, dont la multiplication éclaire d'une lueur crépusculaire le développement à venir du marché cognitif, en privant notamment les jeunes générations du temps consacré à la réflexion personnelle, un temps bientôt aboli par un clic sur Chat GPT, un clic qui résonne comme un clap de fin, et pourrait bien redonner au titre de l'essai son sens premier d'Apocalypse.

***

Je remercie enfin sincèrement Anna@AnnaCan qui m'a permis de découvrir cet ouvrage aussi érudit que stimulant à travers sa superbe chronique que je recommande vivement.

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Il faut entendre ici Apocalypse dans son sens grec premier de révélation tout en assumant le risque engagé.
Révélation donc de certains des mécanismes fondamentaux de notre cerveau, son attirance pour le négatif, l'effet cocktail qui nous fait lever l'oreille quand on parle de nous dans un bruit ambiant et de ses biais cognitifs les plus flagrants.
Biais qui sont largement exploités par les grandes plateformes numériques et qui, combinés a la fluidité qu'apporte internet sur le marché de l'offre et de la demande d'information conduit a la prise en otage globale de la plus grande ressource de l'humanité : notre temps global collectif de cerveau attentif disponible.
L'intérêt du livre réside pour moi dans le fait qu'il réfute la tentation de rendre "le système" capitaliste ou néolibéraliste en particulier seul responsable de cette tentative de prise en otage pour mettre en lumière l'enjeu de dépassement de la "limite du plafond civilisationel" de l'humanité.
Cette perspective, si elle n'occulte rien des risques associés est en fait pleine de l'espoir d'un récit ouvreur de nouveaux horizons. Et nous sommes fondamentalement l'espèce fabulatrice pour reprendre le terme de Nancy Huston, l'espèce qui vit de ses récits qui peuvent être performateurs.
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Well well well… Voilà mon temps d'attention siphonné par les citations extraites de ce livre et les critiques des autres utilisateurs de cette application… Suis je en train de dilapider mon précieux capital ? le fait que je donne mon avis sur un livre sur ce site sans être critique professionnel met il en danger qui que ce soit ?
Toutes ces questions pourraient jaillir suite à la lecture de cet essai.
J'ai été très enthousiaste dans les deux premiers tiers du livre, apprenant par ci par là des anecdotes amusantes ou étonnantes. le fond de la question m'était connu, ayant déjà lu d'autres ouvrages et articles sur le sujet. J'ai ensuite eu un gros passage à vide jusque vers la fin de l'ouvrage. Je ne sais si ce n'est une moindre concentration ou une répétition du propos qui m'a un peu perdue.
Toujours est-il que l'écriture est claire, abordable et que l'auteur expose parfaitement sa thèse. Je me suis demandée à un moment de quel bord Bronner était exactement… étant assez fan de Chomsky, j'ai été un peu surprise qu'il s'en prenne plein les dents… idem pour les Pinson-Charlot (bien que là, je concède que les dernières années n'ont pas été les plus lucides)… mais en y repensant, sa position me semble relativement neutre : il dresse un constat, chacun en fera ce qu'il voudra.
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Décevant. Ressemble à un compte rendu des lectures de l'auteur, qui fait sans cesse référence à des études de psychologie et autres domaines dont on a entendu parler mille fois. Si vous lisez occasionnellement des livres de sciences cognitives, passez votre tour, celui-ci est redondant.
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Les progrès de la science et de la technique ont libéré l'être humain de beaucoup de tâches manuelles et intellectuelles qui monopolisaient son attention quotidiennement. La durée du travail a diminué et les activités domestiques bénéficient des progrès de l'électroménager.
Le temps ainsi libéré associé à la fluidité de la circulation de l'information a-t-il permis de faire de la prédiction de Jean Perrin une réalité ?

« Rapidement, peut-être seulement dans quelques décades, si nous consentons au léger sacrifice nécessaire, les hommes libérés par la science vivront joyeux et sains, développés jusqu'aux limites de ce que peut donner leur cerveau… Ce sera un Éden qu'il faut situer dans l'avenir au lieu de l'imaginer dans un passé qui fut misérable. » ( Jean Perrin)

C'est le sujet de « L'apocalypse cognitive ».

L'homme dispose maintenant de beaucoup plus de temps pour réfléchir, inventer apprendre et contribuer au progrès de l'humanité, mais qu'en est-il réellement ?

Ce temps n'est-il pas gaspillé sous l'effet des capteurs ou plutôt « kidnappeur » d'attention qui nous harcèlent lors de nos recherches en ligne.

Gérald Bronner nous fait voyager dans ce nouvel univers de la connaissance où la vérité est battue en brèche par les « fakenews » et où on nous délivre une information sur mesure pour retenir notre attention et mieux nous influencer par des messages ciblés.

L'ouvrage est bien documenté avec des exemples tirés de l'actualité récente et des références à des théories et expérience sur le comportement.

J'ai trouvé ce livre passionnant de bout en bout.
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Sur ce sujet, on a déjà beaucoup entendu mais cet essai à le mérite d'être très documenté/référencé et le ton pas trop dramatique/moralisant permet une lecture facile.
La partie sur les statistiques des temps passés sur écran et pour y faire quoi est révélateur.
Sans faire de moral, on peut dire que l'esprit humain est paraisseux (sexe/complots) et aime le conflit ce qu'exploite très bien les réseaux sociaux à coup de dopamine.
J'aurai aimé un peu de relativisme pour des projets modernes enthousiasmant, enrichissant et pationnant qu'on trouve sur Internet.
De même abstraction est faite sur les régimes autoritaires, dommage car c'est peut-être une piste quand on voit que la Chine limite le temps des ados devant tik-tok CQFD
Il faut tenter de sortir de ce maelstrom informationnel surtout pour nos enfants.
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Une oeuvre sociologique réaliste, instructive, mais parfois lourde à lire.

Le texte démontre que nous disposons d'une disponibilité intellectuelle qui n'a jamais été aussi abondante au cours de l'histoire humaine, tout en illustrant comment nous gaspillons ce potentiel.

Bref la connaissance est abondante et gratuite, nous n'avons jamais eu autant de temps pour en bénéficier, mais nous préférons regarder des vidéos de chats sur les médias sociaux plutôt que de nous instruire.
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La Pensée extrême (Denoël, 2009), du même auteur, laissa dans ma cervelle âgée, des traces importantes. Je découvrais alors, une pensée complexe, originale qui essayait de pister, avec une approche neuve, le chemin des fanatiques, J'essayais, à ce moment de mon existence, de comprendre comment on pouvait commander un einsatzgruppe, comment on pouvait le matin, se lever, prendre sa machette et aller tuer tranquillement son voisin Tutsis. Je n'y trouvais pas des réponses mais des idées au pouvoir explicatif indéniable avancées avec me semble-t-il une rigueur « scientifique ».

Avec Apocalypse cognitive, le ressenti est très différent car le propos de Gérald Bronner quitte le champ de la recherche, de la science pour un essai sur la « nature humaine » avec quelques saillies inappropriées pour régler des comptes ; saillies inappropriées comme celle, de plusieurs pages, sur les communautés anarchistes ardéchoises qui ne gênèrent personne. Comme Gérald Bronner croît à la science, au progrès technique à la domination de la Nature par l'Homme, « Dans sa négociation avec cette nature, l'humanité est très progressivement passée d'un rapport de soumission à un rapport de domination : de la supplication, les hommes entendaient faire table rase pour désormais contraindre le monde à produire les effets qui leur paraissaient désirables. » (page 39), il truffe son texte de chiffres parfois désolants [« Même dans certains domaines où le bon sens se plaît à croire que les temps passés étaient meilleurs, nous découvrons, pour peu que nous fassions l'effort d'évaluer les situations par des données objectives, qu'il n'en est rien. Ainsi, la qualité de l'air que nous respirons aujourd'hui s'est beaucoup améliorée par rapport aux dernières décennies. En France, tout du moins, la disparition des centrales à charbon et les normes pesant sur l'industrie ont conduit à une réduction radicale des émissions de CO2, responsables des pluies acides qui défrayèrent la chronique dans les années 1980. On pourrait en dire autant pour le plomb ou le cadmium. On remarquera que le nombre de dépassements des normes sanitaires pour les particules fines était de 33 en 2007 que de 3 en 2016 » (page 28) CO2 au lieu de SO2, erreur de clavier, mauvaise relecture ? ; la qualité de l'air qui s'améliore, avec au moins en Europe 400 000 morts prématurées par an et une condamnation de la France le 24/10/2019 pour non respect récurrent d'une directive de 2008 sur la qualité de l'air ? « airparif » note : « L'ensemble des Franciliens sont exposés à des niveaux de pollution en ozone et en particules fines PM2,5 qui dépassent les nouveaux seuils fixés par l'OMS en 2021. C'est également le cas de 9 habitants d'Île-de-France sur 10 pour le dioxyde d'azote et de 3 sur 4 pour les particules PM10. Ce fait illustre l'importance d'aller encore plus vite et plus loin dans l'amélioration de la qualité de l'air, malgré les progrès relevés depuis plus de 20 ans en Île-de-France. » En une du journal le Monde du 13 septembre 2023 « L'exposition au plomb à l'origine de 5,5 millions de morts par an. » Je rappelle gentiment à Gérald Bronner que l'espèce humaine est la seule espèce vivante à dégueulasser tous les lieux où elle passe même indirectement comme sur la planète Mars. Je me disais alors que Gérald Bronner était climato-sceptique, qu'il biaisait les données alors qu'une partie de son travail consiste à dénoncer ce type de biais, non Gérald Bronner n'est pas climato-sceptique, la suite du livre le montre, il est techno-solutionniste, c'est-à-dire un doux rêveur, un utopiste, un homme du passé, un fanatique de la raison. Je rappelle gentiment à Gérald Bronner, également, que certaines sciences ne sont pas figées, chaque jour y apportant de nouvelles données, de nouvelles interrogations.], de références issues des neurosciences qu'il maîtrise peu et donc interprète à sa façon, d'expériences de psychologies cognitives en apesanteur. [Stanislas Dehaene, auteur du remarquable Les neurones de la lecture, (Odile Jacob 2007) reçut une claque monumentale en essayant de transposer les acquis de laboratoire dans une classe]. Il faut attendre la page 347 à propos de l'expérience contestée du marshmallow pour qu'un brin de composante sociale arrive dans l'interprétation des comportements humains, vite relativisée à la page suivante car pour Gérald Bronner « Le chemin est encore long pour atteindre le moment où la recherche pourra nous éclairer parfaitement sur les relations complexes qui existent entre le fonctionnement de notre cerveau et son environnement social. Il n'est pas douteux, en revanche, que certains cadres sont moins propices que d'autres à lui permettre de donner le meilleur. Cette perte de chances n'est pas seulement dommageable pour les individus. Elle représente une dilapidation de notre capital commun. » (page 348), ce qui importe, n'est pas l'individu simple vecteur d'un cerveau mais l'espèce et sa survie ; il convoque d'ailleurs plusieurs fois Darwin ; je pensais la sociobiologie disparue (voir Pierre Thuillier Les biologistes vont-ils prendre le pouvoir ? La sociobiologie en question, Complexe, 1981), Gérald Bronner la réactive.
La notion de temps de cerveau libre, expression qui en elle même ne veut rien dire, libre de quoi ? [il est étonnant que Gérald Bronner qui semble avoir beaucoup lu sur les neurosciences, n'ai pas rapporté, ici, des expériences assez vertigineuses sur ce que l'on nomme le libre-arbitre] que l'auteur évalue à 5 heures quotidiennes par individu, mais immédiatement (page 64) il évoque le capital de temps de cerveau dont disposerait la France, entrant ainsi dans une logique économique de l'offre et de la demande, économie dans laquelle, bizarrement, l'argent ne semble pas être un acteur important à ses yeux. Gérald Bronner pense que l'externalisation de processus cognitifs augmentera encore ce temps de cerveau libre, et comme ce temps, selon l'auteur, mais cela reste à démontrer, génère le « progrès » en particulier, le Monde s'améliorerait et ainsi deviendrait un quasi paradis et sa devise adoptée par l'ONU sera cette phrase du prix Nobel Jean Perrin, que Gérald Bronner rapporte à plusieurs reprises « Les hommes libérés par la science vivront joyeux et sains, développés jusqu'aux limites de ce que peut donner leur cerveau. » ; Gérald Bronner s'interroge sur la deuxième partie de la phrase, moi je note la naïveté du prix Nobel « joyeux et sains ».
Deux moments très drôles :
- page 190 il nous dévoile qu'il utilise le mot apocalypse dans son sens premier quasi biblique « révélation de ce qui était caché », Gérald Bronner se rêve-t-il prophète en révélant ce que beaucoup de gens connaissent ?
- page 303 quand il évoque l'élection comme président de l'Ukraine d'un clown populiste, Volodymyr Zelensky ; Poutine qui a dû lire ce livre eut envie de se bouffer une tartine avec de la confiture de clown.
Je vais utiliser le peu de temps de cerveau libre qui me reste aujourd'hui (à quand l'application pour la gestion de ce temps de cerveau libre?) pour regarder en replay le premier épisode de la saison 12 des berrichons et berrichonnes à Pétaouchnok, je kiffe trop !
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Un livre si dense et pertinent qu'il a squatté ma table de chevet fort longtemps... L'auteur y démontre que le flux d'informations accessibles en permanence a de quoi faire tourner toutes les têtes. Alors que les médias ne parviennent plus à assurer le rôle de régulateur et que la variété des modèles intellectuelles se livrent à une concurrence acharnée pour capter l'attention du public, nous sombrons dans un gloubi boulga indigeste.

Les croyances et pensées méthodiques s'affrontent et luttent pour retenir le peu de temps de cerveau disponible qui nous reste. La libre concurrence, de plus, a paradoxalement facilité les "produits de la crédulité", comme le montre l'omniprésence sur la toile des platistes, créationnistes, et, plus récemment, des anti-vaccins. Car qu'allons nous faire de ce surcroit de temps libre, permis par les progrès techniques, que nous octroie le monde contemporain ? Pas grand chose apparemment, tant nous sommes sollicités par des broutilles, des futilités rédigées par des "auteurs" qui savent nous manipuler et nous absorber.

La constante augmentation des informations, associée à la libération massive de disponibilités mentales, devrait pourtant permettre de nouvelles innovations. Cela est heureusement encore le cas mais nous constatons l'écueil caché sous cette profusion. La durée du sommeil est en régression dans le monde entier, au profit du temps accordé aux écrans. Les réseaux sociaux ont encore amplifié ce phénomène, constaté déjà du temps de la télévision. La concurrence des sollicitations cognitives numériques sont d'une autre mesure, puisque tout est visionnable à la demande, et que la toile est en constante activité.

Nous voyons ainsi apparaitre une nouvelle forme d'addiction, liée aux multiples sollicitions. Même les moments d'attente, les temps morts, sont absorbés par nos écrans de poche, sorte de "montres attentionnels" qui siphonnent notre attention. de fait s'installe une difficulté à vivre l'instant présent qui risque de devenir générationnelle. Une autre forme d'addiction, aux marques d'intérêt, se crée en parallèle ; perdus dans leur misère attentionnelle, certains deviennent dépendants aux formes de validation sociale. Toutes ces dérives sont le fruit de la rencontre entre les invariants profonds de notre espèce et les variables technologiques contemporaines.

La nature profonde de l'homme est en quelque sorte révélée par le marché, et voici le champ libre pour une désinformation débridée. Car la vérité coûte plus à défendre qu'à travestir, et surtout, elle ne se défend pas toute seule ! Dans cet ouvrage passionnant l'on croisera le fameux "effet cocktail" et les moins célèbres "effet pop-up" et "effet cobra", l'expérience du gorille invisible, la théorie des jeux et le dilemme du prisonnier. L'auteur s'appuie également sur l'histoire des médias, revenant sur la création des radios libres, l'essor de la télévision et même l'émission top 50.
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Un suite décousue d'exemples statistiques souvent hors contexte. Non seulement les biais de l'auteur paraissent mais les exemples cités font souvent état de raccourcis intellectuels.

Un example frappant est lorsqu'il parle de la peur qui pousse vers l'irrationnel. Il mentionne que les gens font beaucoup trop de dons pour la cause de la sclérose latérale amyotrophique en comparaison au cancer, ce dernier étant beaucoup plus mortel, donc pour lui c'est une preuve que les gens ont une peur irrationnelle de la SLA. Ça a du sens quand on oubli de parler du fait que leur campagne du "ice bucket challenge" a connu un succès viral monstre, d'où la provenance des dons en masse.

J'ai abandonné mi lecture car l'autre problème est qu'on voit difficilement où l'auteur veut en venir avec tout ça. Non seulement il ne révèle pas vraiment de coupables mais ne semble pas vraiment vouloir apporter de solutions non plus. On dirait plus un vieil homme qui semble vouloir s'entendre crier aux nuages.

À un certain moment il se plaint que les jeunes passent beaucoup trop de temps sur leur téléphones et mentionne que ~40% de ce temps est passé à écouter la télévision! Diantre! On sait tous que trop de temps de télévision est mauvais et que ça a toujours été un problème mais en quoi exactement c'est pire sur un téléphone qu'en face d'un téléviseur? On s'en fou, vite, passons à la prochaine statistique tappe à l'oeil
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