Le dépeçage économique concerté (qui n'est pas sans rappeler la situation de l'empire ottoman) peut donc se poursuivre sans heurts, tandis que deux pays directement intéressés en termes d'expansion territoriale profitent de l'occasion pour affermir leurs positions. La Russie utilise cette crise pour envoyer des troupes en Mandchourie (...). De son côté, le Japon acquiert une sorte de statut d'égalité avec les grandes puissances occidentales, avant que sa victoire sur la Russie, quelques années plus tard, ne révèle son poids réel.
Pendant plus de six mois et sur plusieurs milliers de kilomètres, le jeune capitaine s'aventure au plus profond de la Chine, utilisant les voix fluviales et les chemins de terre des routes mandarines, tout en parcourant une géographie où les hauts reliefs du Sichuan contrastent avec les plaines ponctuées de rizières du Yunnan méridional.
Les photographies du capitaine d'Amade montrent une armée fantoche, peuplée d'officiers et de soldats qui paraissent surgir de quelque pièce fantastique du théâtre traditionnel chinois. Leurs uniformes semblent être des costumes de comédiens, à la fois magnifiques et dérisoires. (...) Toutefois, en dépit de leur accoutrement désuet, les troupes du Petchili, photographiées au cours de leurs manoeuvres, conservent une certaine majesté et un panache accentué par les nombreux étendards flottant au vent.
Entre la fin du XVIIIe siècle et le début du XIXe siècle, les rapports de force entre le Céleste Empire et l'Occident s'exacerbent jusqu'à l'affrontement. Au cours de la seconde guerre de l'Opium, une armée franco-britannique met à sac le Palais d'Eté et l'incendie, le 18 octobre 1860, signant par cet acte ultime le déclin de l'Empire du Milieu. Dès lors la rêverie orientale est supplantée par l'irruption d'une autre Chine en clair-obscur.
Foyer de civilisation analogue par son poids démographique à l'Europe depuis la révolution néolithique, la Chine apparaît brusquement disqualifiée, au XIXe siècle, par son immobilisme technologique et se voit distancée par les pays déjà entrés dans la Révolution industrielle. Elle connaît dès lors une perte progressive de souveraineté, concrétisée par la succession de traités diplomatiques "inégaux".