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EAN : 9782710303824
432 pages
La Table ronde (13/04/1989)
3.25/5   8 notes
Résumé :
C'est le récit des tribulations d'un peuple d'exilés en lutte contre l'assimilation et la misère des conflits de race et de religion, au fil d'iintrigues sentimentales tumultueuses et à travers le train-train de la vie quotidienne des tisserands qui, pendant un siècle, ont habillé l'Amérique
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Récit extrêmement fascinant du point de vue historique, j'ai beaucoup apprécié ma lecture.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Toutes les fenêtres du rez-de-chaussée de la misérable maison du Petit Canada s’embrasèrent de lumière et les chats effrayés descendirent à toute vitesse chercher refuge dans la cave.

Jean-Baptiste, debout devant l’image de son saint patron, les yeux terrorisés, s’adressait à la caméra de télévision braquée sur lui:

— Vous autres qui me regardez, si vous avez encore un peu de cœur au ventre et si vous n’avez pas honte de vos origines, écrivez au poste que vous regardez en ce moment. Tous ensemble, nous allons les forcer à nous redonner nos programmes français.

La tirade sortit d’un jet, mais Baptiste eut l’impression qu’il fallut une éternité, que les mots se regroupaient en grosses mottes et le serraient douloureusement à la gorge avant de culbuter dehors. Raide comme un piquet, paralysé presque, il crut qu’il gesticulait de façon désordonnée, même de son bras gauche qu’il n’avait plus.

Des heures après le départ du jeune Laverdière, il ne dormait toujours pas; il descendit plusieurs fois, croyant voir encore les lumières qui l’avaient aveuglé pendant son discours. Puis, terrifié à l’idée qu’il pourrait s’endormir et manquer le bulletin de nouvelles où Richard lui avait promis de passer son message, il alluma le poste de télévision, dont l’écran était désert à cette heure de la nuit, et s’assit devant pour attendre.

La parfaite inutilité de sa vie frappa soudain le vieillard que la mort, immanquablement, ne laisserait pas patienter encore longtemps.

Sa vie lui parut comme cet écran vide, bizarre falot qui, même allumé, ne projetait ni ombre ni lumière tandis que, juste à côté, la minuscule flamme du lampion, brûlant sous l’image de saint Jean-Baptiste, faisait danser de grandes taches lumineuses dans la pièce où rien d’autre ne bougeait.

Il fut troublé aussi par ses actions de la veille, toute cette eau dormante subitement soulevée en trombe!

Il leva les yeux vers l’image de son saint patron qui souriait. Il eut un choc. Cette image qui était là depuis son enfance, devant laquelle il s’agenouillait chaque matin pour la prière, n’avait jamais souri. Au contraire, l’expression sérieuse, presque sévère de saint Jean-Baptiste l’avait toujours frappé. Il avait souvent pensé que le précurseur qui annonce au monde la venue du messie devrait avoir l’air plus jovial.

Les nouvelles du matin tirèrent vite Baptiste de son euphorie religieuse. Non seulement le message qu’il avait filmé pour Rick Laverdière ne passa jamais, mais le lecteur du bulletin, un Américain lourdaud à la voix ronflante, décrivit dans les termes les plus désobligeants son irruption intempestive à l’hôtel de ville.
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En l’apercevant, Frank reconnut tout de suite le petit bonhomme au carreau de la guérite. Ce matin même, en entrant au poste, il avait vu ce visage sur un moniteur, dans la salle de montage de Rick Laverdière. Le jeune journaliste avait élaboré un éloquent réquisitoire; il fustigeait les autorités municipales pour leur brutalité, illustrait les conditions misérables dans lesquelles vivait le vieil infirme, et couronnait son reportage par un vibrant appel de Baptiste en faveur du rétablissement des programmes français.
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Le petit homme, que l’âge avait encore rabougri, se planta au milieu de la cuisine, ses yeux s’accrochant aux objets familiers: une cuisinière électrique qu’il avait offerte à sa mère quelques années avant sa mort; la porcelaine avait jauni, le cadran du four indiquait maintenant «high», même quand il ne chauffait pas; une grande image encadrée du précurseur Jean-Baptiste, son saint patron, sous laquelle brûlait en permanence un lampion; les deux fauteuils délabrés, couverts d’anciens châles de laine, postés comme des sentinelles devant la télévision; le Frigidaire dont l’émail s’écaillait de partout, à droite de la porte de la cuisine, à la même place depuis que le premier réfrigérateur électrique était entré dans la maison, délogeant de là une vieille laveuse de bois avec essoreuse à rouleaux; au-dessus, une croix noire entourée d’une tresse de rameaux bénis; et juste en entrant, près du chambranle de la porte, un crochet de fonte strictement réservé à la casquette de travail de son père. Personne n’avait jamais osé s’en servir depuis la mort du père, même pas Baptiste, le dernier habitant de la maison.
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— J’espère que ça va me faire, dit la femme du notaire du village en détachant le fermoir de sa robe de laine.

Près d’elle, la marchande, dont le regard expert avait déjà parcouru le corps de sa cliente, tenait un corset: un Triomphe érotique en dentelle noire, doublé de rose avec une fleur sur la hanche.

— Savez-vous, Alexandrine, vous n’avez pas engraissé d’une once depuis l’année dernière!

— Aidez-moi donc, répliqua sèchement la femme qui se débattait depuis un moment avec l’agrafe de son soutien-gorge.

La marchande mit abruptement fin à ses observations et se précipita pour dégrafer le sous-vêtement; les seins fermes d’Alexandrine remplirent l’écran de télévision, mais seulement l’espace d’une seconde.

En effet, Baptiste s’était levé d’un bond pour fermer l’appareil. En voyant ainsi les seins d’Alexandrine disparaître comme une étoile filante dans la nuit, Cléophas avala presque le Muriel qu’il venait d’allumer, dans l’attente de sa scène préférée de Mon Oncle Antoine, un film qu’il était venu regarder, pour la dixième fois au moins, avec son vieil ami.
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Était-ce parce qu’il ne s’était jamais marié? Quand on lui amputa le bras gauche, à la suite d’un accident, à dix-huit ans, la gêne qu’il avait toujours éprouvée pour les filles s’en trouva décuplée. Même aujourd’hui, à quatre-vingt-cinq ans, on pouvait imaginer qu’il avait été assez joli garçon. Il était petit, certes, mais il avait les yeux bleus et vifs, le sourire moqueur. Son crâne n’était pas déplumé comme celui de son ami Cléophas, et surtout, en toute humilité, il se savait beaucoup plus intelligent que lui.
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