Le titre original, "Se una notte d'inverno un viaggiatore", a longtemps été traduit en français par "Si PAR une nuit d'hiver un voyageur". Il semble que ce PAR était de trop, et la nouvelle traduction de Martin Rueff l'a supprimé.
Ce détail amuserait notre cher Calvino, lui qui attachait tant de prix à la langue, au mot juste, à l'infini vertigineux de la combinaison des mots, à l'enchantement de toutes ces lettres éparpillées comme des petits cailloux et qu'il se plaisait à aligner pour en faire des histoires.
Je dis "notre cher Calvino", car il aime tellement ses lecteurs! Il les comprend et devine leurs attentes, connait leurs manies, leurs pensées secrètes, s'inquiétant si bien de leur confort, de leurs désirs, qu'il en devient un véritable ami, un confident.
La plupart des écrivains se moquent éperdument de leurs lecteurs, ils écrivent, un point, c'est tout. Ils livrent au monde une création, une oeuvre, un chef-d'oeuvre probablement.
Ils souffrent, ils transpirent, ils deviennent insomniaques, alcooliques, toxicomanes, ils vivent dans la misère, connaissent l'exil ou la prison, l'hôpital psychiatrique, pour pouvoir écrire et publier ces textes uniques, précieux, incomparables, arrosés de sang et de larmes. Ils refusent toute compromission, et ne cèdent pas à la facilité de vouloir plaire à leurs lecteurs, ah, non!
Mais ce cher Italo, lui, il n'hésite pas à s'adresser à nous, comme si on se connaissait personnellement, familièrement, il viendrait presque boire un café à la maison pour parler de tout et de rien.
Il va au-devant de notre imaginaire et nous conduit dans ces villes invisibles où tout peut arriver.
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Un livre dont la construction subtile est largement influencé par une conception oulipienne de la littérature.
L'oulipo nous oblige notamment à voir la littérature différemment : une contrainte littéraire ou narrative peut être une source de création et d'art ; ne jamais se prendre au sérieux.
Le roman est ainsi paradoxalement magnifié et remis à sa place.
Le fait de raconter au lecteur sa propre aventure et en alternant les débuts de roman donne à l'ouvrage une véritable originalité.
Une belle expérience, à consommer pour moi, lecteur parfois fragile, avec modération
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Difficile de poser une critique sur un livre aussi déroutant mais génial à la fois, je n'ai pas mis 5 étoiles car j'ai eu des passages à vide, mais d'autres de totale euphorie surtout le début.
Aimant les livres, les mots, l'écriture, forcément j'étais comme un poisson dans son bocal, aux anges pour tout dire !
Et puis cet originalité de nous appâter avec un début d'histoire puis non tient je change etc... c'est trop frustrant certes mais tellement subtile de nous allécher avec la suite du programme. Ne le lâche le morceau !
C'est certain ce n'est pas une lecture habituelle ni de tout repos, il faut s'accrocher au radeau, sinon risque le naufrage. Pour ma part, j'ai embarqué de pieds fermes, et d'emblée je me suis laissée voguer sur cette vague inconnue tantôt houleuse tantôt calme, tantôt fracassante.
Je peux l'avouer, j'ai passé des très bons même excellents moments mais aussi des doutes voire bu la tasse.
Est-ce que j'ai bien tout capter dans cette histoire ? Je me pose encore la question le livre achevé. Mais faut-il toujours se poser des questions après tout ? Ne peut on pas lire et se contenter d'aimer ou pas sans savoir pourquoi moi et pas l'autre ?
Je le conseillerai pas à tout le monde il est vrai bien que celui qui ne tente pas ne saura pas !
Par contre, si vous aimez les livres complètement en dehors de la norme avec en prime une belle plume, qui parle que de livres ou presque pour sûr, il y a de grande chance pour que vous fassiez un beau voyage.
Alors près pour le départ ?
Merci à Book en Stock de nous avoir proposé cette lecture.
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Il s'agit d'un roman (c'est tout du moins ce qu'en dit l'auteur) à nul autre pareil. Foisonnant d'idées, de pistes, d'impasses et de revers, il se lit comme on imagine, dans la fulgurance brulante et désordonnée (en apparence) des fantasmes libérés.
Livre-kaléidoscope, "Si par une nuit d'hiver un voyageur", ne se laisse donc pas apprivoiser. Au lecteur, le plaisir de s'assoupir ou d'emprunter ses labyrinthes tortueux. Quitte à se perdre plus que de s'y retrouver.
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Un livre difficile d'accès, pesant au début malgré la plume. Un contre-pied aux constructions romanesques classiques. Je peux comprendre l'abandon de certains lecteurs. Une histoire dans une autre, dans une autre, dans une autre... et un fil rouge, indicible qui n'apparaît que plus tard. Un miroir aux alouettes et multiples reflets, comme lorsque vous êtes face et dos à un miroir, sauf que votre reflet ne serait pas le même devant ou derrière, que vos mouvements ne seraient pas synchronisés. Au final, un livre comme un essai sur les styles, ou une compilation qui ne deviendrait homogène qu'en étant lue. Une belle expérience si on se donne la peine de la mener à bout.
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