Quelque part entre Brassac, Castres, Mazamet et Bédarieux, dans les monts de Lacaune,
Christian Carayon a imaginé La Vitarelle du Théron, village enclavé au milieu de forêts épaisses, trouées de gorges profondes et de gouffres, où en 1924, la mort suspecte d'un ouvrier de ferme puis l'assassinat sauvage d'un fermier met la population en émoi. Camille, jeune institutrice récemment nommée à l'école des filles, appelle à la rescousse son ami d'enfance et criminologue amateur, Martial, pour poursuivre l'enquête abandonnée par les gendarmes et les policiers toulousains, prompts à considérer les habitants des hauts-cantons comme des arriérés.
Dans ce thriller historico-sociologique de très haut vol, l'auteur, professeur agrégé d'histoire, met toutes ses connaissances et son immense talent de conteur au service de l'intrigue et fait partager au lecteur la vie d'une bourgade dans les années qui ont suivi la première guerre mondiale. Les 30 noms des jeunes gens inscrits sur le monument aux morts disent le tribut payé par cette petite communauté ; ceux qui sont rentrés de la boucherie, gueules cassées ou amochés psychologiquement, peinent à réintégrer leur vie d'avant. Certains partent vers la ville, l'élevage et l'agriculture étant en voie d'extinction. Dans cette campagne dépeuplée, les orphelins sont une aubaine pour les propriétaires fermiers qui trouvent en eux une main-d'oeuvre gratuite maintenue en esclavage. Les familles se connaissent toutes depuis des générations, partagent des secrets et entretiennent des haines dont les origines se perdent dans la nuit des temps. Tout nouvel arrivant est considéré comme un étranger dans ce monde fermé qui ne sait que rejeter. le maire, homme de bonne volonté lui aussi endeuillé par la guerre, tente tant bien que mal de garder soudée la population, et de maintenir l'activité en encourageant la création d'une laiterie ou d'une scierie. Il a également obtenu de haute lutte, l'ouverture d'une école publique de filles, établissement encore considéré comme d'avant-garde.
Lorsque les meurtres non élucidés secouent La Vitarelle, le fragile équilibre de la communauté menace de voler en éclats. Toutes les histoires de sorcellerie, de revenants, de diable, bien ancrées dans la mémoire collective et l'histoire de la région reviennent en force et infectent les esprits et les relations. Il faudra à Martial, à Camille et à Edouard son fiancé, beaucoup de diplomatie, de calme, de méthode et de rationalité pour prouver qu'un fantôme ne peut pas revenir de l'au-delà pour se venger, et lentement démêler les liens serrés qui unissent ou désunissent les habitants.
Le diable sur les épaules est un grand roman, ample, puissant, très agréable à lire, qui tient en haleine de la première à la dernière page, sans une minute d'ennui, sans une phrase superflue. Les personnages principaux ou secondaires sont tous intéressants, émouvants dans leurs haines ou leurs amours. Camille est particulièrement remarquable dans le combat qu'elle doit mener contre les préjugés pour être une jeune femme indépendante et libre. La vie quotidienne durant les années d'après-guerre est restituée minutieusement et comme dans
Un souffle, une ombre, les paysages sauvages, la météo parfois extrême, occupent une place importante. Les rebondissements sont nombreux, et même si quelques lecteurs perspicaces devinent l'identité du coupable, les dernières pages renferment un retournement de situation, qui lui, est impossible à détecter en cours de lecture.