Ce livre est issu d'un colloque qui a rassemblé historiens de l'art de tous horizons et spécialistes de domaines et d'époques variés. Il trouve néanmoins son unité dans un thème fédérateur : le rôle essentiel du peintre dans la création de l'art dit « décoratif ». La décoration réclame en effet l'intervention d'artisans, de fabricants, voire d'industriels, mais aussi de peintres, qui coordonnent souvent l'action de tous ces intervenants en imaginant l'ensemble du projet. L'intérêt de cet ouvrage est de traiter autant de peinture plafonnante et murale que de céramique, d'émail ou encore de vitrail. La tapisserie n'est pas oubliée, de même que le papier peint ou les cartons pour des tapis. Des entretiens entre historiens de l'art et artistes contemporains sont placés à la fin des articles. Cet excursus est une des parties les plus originales du volume, où l'on comprend de manière très vivante les rapports entre l'artiste, qui conçoit, et l'artisan, qui traduit l'idée première d'un autre, tout en l'interprétant. On saisit du reste que le savoir-faire de l'artisan est aussi « création », à laquelle le décorateur doit se conformer pour faire aboutir sa pensée. C'est finalement la frontière entre art et artisanat qui est débattue ici, mais aussi la place de l'atelier. La question est toujours d'actualité pour la plupart des créateurs du XXIe siècle, qui voudraient bien, comme le dit joliment la plasticienne Eva Jospin, être « leur propre ouvrier » pour pouvoir « laisser filer leur esprit ».
Par
Christine Gouzi, critique parue dans L'Objet d'Art 532, mars 2017