Un jour, sur un coup de tête, pour changer et étonner son entourage, le narrateur décide de raser
la moustache qu'il arbore depuis longtemps. Mais à sa plus grande surprise, personne ne le remarque. Pensant d'abord à un canular, une mauvaise blague fomentée par sa femme, l'ex-moustachu va sombrer peu à peu dans le désarroi, la perplexité et l'angoisse devant la constance de ses proches : mais ! Quelle moustache ? Il n'a jamais porté
la moustache !
Une lecture extrêmement déstabilisante, car l'auteur et le narrateur amènent le lecteur aux frontières de la folie. Si la première partie est un véritable joyau,
Emmanuel Carrère sachant rendre à la perfection ces dialogues de couple absurdes, où la connaissance de l'autre est telle que les non-dits du discours sont plus importants que les phrases réellement exprimées, la seconde moitié et le final de ce roman m'ont laissée plus que perplexe.
Dérangeant et angoissant, ce roman évoque pêle-mêle les relations de couple, l'entêtement, la psychose, l'enfermement, ces détails qui peuvent, par un jeu de domino erratique, conduire parfois à de graves conséquences.
Emmanuel Carrère est un grand écrivain, qui connaît parfaitement l'âme humaine, ses incohérences et sa complexité. Son écriture est ciselée, précise et fait mouche. Sa thématique m'a cependant laissée sur ma faim. La question n'est évidement pas de savoir si oui ou non il y avait une moustache, mais plus de savoir si la pente relationnelle qui conduit deux êtres qui s'aiment à se déchirer, à douter de l'autre, à se soupçonner des pires vilenies, si cette pente psychotique a une fin, une sortie de secours, un bouton pause...
Un roman qui fait vaciller et qui donne envie d'en lire plus sur la paranoïa et/ou de se replonger dans les textes de
Descartes.