Ma première impression a été très bizarre, mal à l'aise dans la lecture de la première partie, et écoeurée par la crudité des dernières lignes. le début m'a beaucoup plu avec une situation banale, bien réaliste et l'irruption d'un grain de sable qui fait basculer le récit vers du fantastique. le lecteur se place du côté du héros, parce qu'
Emmanuel Carrère, même s'il écrit à la troisième personne, nous fait tout voir du point de vue de son héros. On pense qu'on est dans un récit du genre du Nez de
Gogol. Il faut dire qu'anatomiquement
la moustache n'en est pas loin ! Et puis au fur et à mesure que la situation prend de l'ampleur, que le héros se demande alternativement s'il est fou, victime d'une blague, victime d'un complot, on se pose les mêmes questions que lui, et on ressent un certain malaise avec lui, repérant les mêmes failles de raisonnement, dans un sens, puis dans l'autre. le héros se demande si cette histoire ne va pas finir par le rendre fou, il faut dire que, dans une spirale infernale, il perd pied physiquement (manque de sommeil), psychologiquement (relations avec sa femme) et professionnellement (il ne va plus bosser). le lecteur n'est pas encore à la moitié qu'il se demande comment cette histoire peut finir. Mais il n'y a pas trente six solutions, et lorsque le héros fuit Paris, dès la première escale, avec la disparition de l'Espagne de la carte du monde, c'est plié, le personnage est fou. Ensuite j'ai trouvé le récit de son séjour à Hong-Kong un peu longuet, en particulier les passages d'un hôtel à un autre. Par contre les trajets répétés en bac d'une rive à l'autre sont une très bonne idée, remettant un peu d'humour alors que la situation en a de moins en moins. Quand à la chute, elle est décevante, mais surtout d'une rare violence, crue, hard, physiquement écoeurante. Bref, je n'ai pas spécialement aimé, mais quelque part, je trouve qu'
Emmanuel Carrère a une sacrée plume, et je regrette qu'il n'écrive plus de fictions !