Saint Gilbert du Bon Sens, toi qui fus sur terre le sens commun hors-la-loi et la sagesse qui dansait libre et dionysiaque,
Gilberto Chesterton, toi qui pour être encore plus grand-breton que la Grande-Bretagne portais le nom d'un bourg de Cambridge-County,
Falstaff dévot, toi qui eus vocation d'apprendre le catéchisme illustré aux Anglais
En leur démontrant par là-même que Dieu n'avait pas précisément intérêt à leur laisser l'empire du monde
(et sans avoir d'objection per se contre leur bacon frit, leur steak argentin, leur golf et leur bridge, et encore moins contre la liberté et la joie),
Sinon le souci d'offrir à tous, coûte que coûte, l'empire du ciel,
Avec la croix cachée de Thomas More au prix du marché
Et un peu plus de lumière sous la peau…
Gargantua des lettres, Titan subtil, Robin des Bois des pubs et Sherlock Holmes prêcheur,
Plus exquis que Rabelais, trop brutal pour Benvenuto et la moniale Hrotsvita,
Toi qui pouvais réciter tout Shakespeare et la Bible itou en dialecte cockney à l'envers, dans l'ordre et dans le désordre,
Toi qui jamais ne pus résister à la tentation de l'espièglerie et du whisky glacé,
Saint Gilbert qui es au ciel entre saint Simon le Fou, Marie Stuart et le Bembo,
Saint Gilbert du Bon Sens, souviens-toi de nous face au trône de l'Éternelle Sagesse,
Et rends-lui grâce de t'avoir fait naître à notre époque,
À notre sale, sale, bien sale époque.
Maintenant, si l'on définit le nationalisme comme le mouvement qui résiste au mouvement actuel de l'internationalisme, cette définition, bien que négative, se révèle exacte. Alors que l'internationalisme actuel est un idéal, et comme nous le verrons, un idéal religieux, le nationalisme est une réalité, et une réalité naturelle. C'est pourquoi notre définition est — de fait — positive ; le négatif vient de l'internationalisme qui nie ou rejette la réalité des nationalités existantes au profit d'une grande nationalité future à construire. Suppression des frontières et confédérations des nations — à savoir l'État mondial, « The World State » comme l'appelle Wells.
La moraline est facile, superficielle, présomptueuse, puritaine et bavarde. La morale est difficile, profonde, humble, prudente, discrète et joyeuse. La moraline est toujours prête à corriger les autres, à les juger et à leur faire des reproches. La morale dirige le regard en soi-même. La moraline propose et promet beaucoup, et elle se fie à ses propres forces. La morale avance peu à peu, et elle finit toujours par chercher son point d'appui dans le sentiment religieux et l'espérance de sanctions futures, afin de pouvoir surmonter l'imperfection des sanctions humaines - ou leur absence totale. L'une lit volontiers Marsden et Smiles, l'autre Thomas a Kempis. La moraline n'est que l'illusion de la morale, quand elle n'en est pas la falsification.
Faire culture, c'est "cultiver". On ne peut créer une "nouvelle culture" en détruisant l'ancienne, tout comme on ne peut produire des fleurs sans racines. En arrosant les racines, la fleur vient toute seule à la vie, par l'œuvre de Dieu, du soleil et du vent. La culture est la fleur d'une vie sociale ordonnée, produit d'une grande quantité de causes concourantes, depuis l'école jusqu'au temple, depuis la langue maternelle jusqu'au prêche - causes souvent obscures, invisibles et secrètes, comme toutes les racines. Le slogan "Créer la culture socialiste en détruisant la culture oligarchique" est un contresens en soi. C'est comme si, en se convertissant, saint Augustin avait brûlé Virgile dans l'idée de mieux comprendre Isaïe ; or il commença à lire la Bible d'une main tout en gardant Virgile dans l'autre ; ou mieux dit : en le gardant "dans le ventre". ''Memoria quasi venter est animi'', dit-il un jour, un peu "culturellement" : "la mémoire est comme le ventre de l'âme."
Tout les systèmes politiques sont corruptibles et il n'en existe aucun d'infaillible. Mais le système actuel de la ''démocasserie'' est né corrompu, parce qu'il y a une erreur dans ses fondements. Bien qu'elle ait duré dix siècles et qu'elle ait construit l'Europe, la monarchie chrétienne elle-même connut la corruption. L'Église avait désinfecté l'exercice du pouvoir, sujet de bien des concupiscences, comme elle avait désinfecté l'autre concupiscence par la mariage. Disons mieux : peut-être ne s'agit-il au fond que d'une seule et même concupiscence dans les deux cas ; d'un axe unique, celui de l'amour dans l'homme, qui en se détournant de ce qui est au-dessus de l'homme, s'est infléchi pour se retourner vers soi-même, âme ou corps. Qu'elle qu'en soit la cause, cette torsion existe bel et bien dans notre nature ; des païens comme Platon et Aristote en firent eux-mêmes le constat.
Erick Audouard. Penser l'apocalypse avec Leonardo Castellani.