AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,48

sur 32 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Lu en v.o. Ce qui m'a oblige a recourir sans arret au Diccionario de americanismos mis en ligne par la Asociacion de Academias de la Lengua Espanola. Et cela m'a bien rejoui.


C'est un roman noir. Sans conteste. Je me casse la tete pour essayer de mieux le definir. Noir politique. Noir desabuse, desespere. Noir absurde. Mais peut-etre c'est mon ridicule essai de le caracteriser qui est absurde. Il etale beaucoup de facteurs de violence, de meurtrissures physiques qui ne peuvent cicatriser, de traumatismes mentaux qui ne peuvent se dissiper. Parce qu'en l'Amerique centrale qu'il decrit rien n'est jamais fini et tout s'imbrique, les guerres civiles, le narcotrafic, la crise migratoire. Parce que les emigres sont poursuivis, hantes, par leur passe, par le pays qu'ils ont laisse, qu'ils ont fui, ou ils n'habitent plus mais qui les habite encore, qu'ils portent en eux comme une escarre, comme un ulcere.


A travers deux personnages principaux Castellanos Moya ecrit l'impossibilite de la fuite; et la vanite de la recherche de la verite, de toute certitude; et l'oeuvre tenace, souterraine, surmontant le temps et l'espace, de la trahison.

Deux personnages qui ne sont relies que par d'anciennes connaissances ou des rencontres fortuites, et dont on n'est pas sur jusqu'a la fin s'ils se croisent vraiment ni si et comment ils se sont achoppes par le passe. Un ancien guerrillero qui essaie de vivoter sous une nouvelle identite dans un patelin perdu des Etats Unis et un ancien journaliste devenu historien qui essaie de demeler dans des archives les vraies raisons pour lesquelles on a execute un poete revolutionnaire. le guerrillero se verra proposer une besogne risquee par un de ses anciens lieutenants mais se dedira quand il croira comprendre l'enjeu. Trahit-il ou c'est lui qui se sent trahi? L'ancien journaliste se fera racketter et sera entraine dans une affaire de guerre de gangs qui fera plusieurs morts. Simple hasard? Une ancienne histoire qui le rattrappe? Ou est-ce qu'obnubile par sa quete exasperee de sexe il parle trop?


Deux personnages tres differents. L'ancien guerrillero est fatigue, desillusionne, un peu sombre. le journaliste chercheur est anxieux, tirant vers le parano. Castellanos Moya excelle a adapter a chacun d'eux le style d'ecriture qui leur convient. le chapitre sur le guerrillero sera fait de phrases courtes, d'un langage mesure. Par contre le chercheur nous saoulera avec une sorte de monologue interieur desequilibre, d'une locacite frenetique, une logorrhee tourmentee de pensees et de dialogues. Et une troisieme partie s'habillera de la secheresse d'un compte-rendu de police pour feindre de demeler les liens entre ces deux personnages et les intrigues ou etaient meles des personnages secondaires, qui prennent alors toute leur importance, comme ce Moronga qui s'est approprie le titre.


C'est une histoire de violences. Au pluriel et a differents nouveaux. Violence larvee. Violence psychologique. Violence physique. Une violence endemique en Amerique Centrale, gangrenant ces pays et leurs habitants, les poursuivant meme quand ils emigrent. Ils ne peuvent l'oublier, passer outre, s'en debarasser. Castellanos Moya non plus. C'est pour cela qu'il developpe amplement les recherches d'archives de l'historien: est-ce que le poete salvadorien Roque Dalton etait vraiment un agent de la CIA comme l'ont accuse ses camarades revolutionnaires qui l'ont execute? Ou est-ce que, comme souvent, la revolution, toute revolution, a tendance a immoler ses propres enfants? L'historien tend a l'acquitter de toute accusation de trahison, et on sent que c'est aussi la position de l'auteur, bien qu'il sache qu'il n'y a de verite que subjective, fugace. Son devoir de memoire le pousse a rehabiliter ce poete engage. Meme si ce n'est que dans un roman. Mais nous savons qu'il a fait plus en ce sens. En 2021 il a publie le livre: “Roque Dalton: Correspondencia clandestina y otros ensayos" (Correspondance clandestine et autres essais). Roque Dalton est un grand salvadorien qu'il admire, victime de la violence sans freins et sans frontieres qu'il denonce dans ce roman. Et peut-etre en est-il le troisieme personnage? le plus cache mais le plus important?


P.S. J'ai atermoye longtemps la lecture de ce roman que tu conseillais, Booky. Ce me fut un conseil benefique, a n'en pas douter.
Commenter  J’apprécie          672
José Zeledón, alias....
Ex-guérillero du Salvador, ironie du sort, recyclé aux États Unis après la débandade qui suivit une embuscade par les américains.....alors que ses anciens camarades se sont hissés jusqu'à la présidence après avoir gagné les élections au pays.
Planqué à Merlow City, college town, Zeledón galère entres divers petits boulots , dont un, d'”espionnage légal “ au bureau informatique de l'université de la ville. C'est ainsi que son chemin croisera celui d'Erasmo Aragón Mira. Historien et journaliste salvadorien, il enseigne l'espagnol à l'université. Il vient de faire une demande de bourse pour une recherche sur un poète salvadorien assassiné par l'ERP, l'armée révolutionnaire du peuple, accusé d'être un agent de la CIA, plusieurs années avant le déclenchement de la guerre civile.
Zeledón se sent en prison, difficile de garder le moral dans ce trou perdu et de perdre ses vieilles habitudes. Surtout que les souvenirs remontent et qu'une occasion s'y présente,........
Quand à Aragon, arrivé à Washington pour sa recherche sur le poète assassiné, où son obsession de “jolies culs”, va l'entraîner de surprise en surprise pas forcément à son avantage, dans une Amérique où tout est prétexte à une accusation d'harcèlement sexuel....

Deux hommes seuls, “comme un palmier nain dans la toundra”, qui fuient leur passé chargé de violence, mais dans l'impossibilité de se défaire de la méfiance coagulée dans leurs veines, n'arrivent pas à vivre au présent.

Moyà dénonce un pays malade de moralisme et de surveillance, étranglé par ses lois et où les avocats règnent comme des bourreaux.
Un puritanisme qui met en péril toute personne victime d'une dénonciation d'harcèlement sexuel, justifié ou non.
Un imperturbable système de contrôle paranoïaque, stigmatisant tout individu qui de près ou de loin pourrait être un ennemi potentiel, sans aucun respect pour la vie privée, caméras de surveillance dans les villes, restos, cafés et même dans les wc, contrôle des comptes internets...

Bien que parfois un peu cru, j'aime bien le style sec et concis de Moyà. Trés méticuleux dans les descriptions des personnages et des faits, entrecroisant divers intrigues avec l'histoire centrale des deux protagonistes, il maintient la tension sans aucun temps mort. Une histoire haletante bien ficelée, sur fond de violence, et de sexe en garniture, où moronga ( penis en salvadorien ) est le mot clé , un portrait au vitriol d'un pays qui se veut gendarme du monde. Mon deuxième Moyà, excellent !
Commenter  J’apprécie          654
"Moronga" signifie "boudin" et par extension, peut désigner, de manière peu flatteuse, l'organe sexuel masculin.
Foin cependant de cours de cuisine ou d'anatomie ici, encore que. Avec "Moronga", l'auteur dissèque la manière dont la violence à l'oeuvre en Amérique centrale dans les années 70-80 (à droite, des coups d'Etat à répétition, à gauche, des guérillas en tous genres) s'est transplantée, quelques décennies plus tard, aux Etats-Unis. Une greffe bien réelle même si elle est peu apparente au départ, puisque personne à Merlow City, Wisconsin, n'imagine le passé de José Zeledón et d'Erasmo Aragón, deux solitaires aux aguets, qui ne se connaissent pas et ne veulent surtout pas faire de vagues.
Le premier, ancien guérillero, a fui le Salvador et ses représailles, et s'est (en)terré dans cette petite ville universitaire endormie où il s'est trouvé un petit boulot de chauffeur de bus scolaire. le deuxième, militant gauchiste dans ses jeunes années, également salvadorien, est professeur d'espagnol à la faculté locale et mène des recherches sur l'assassinat, en 1975, de son compatriote, Roque Dalton, poète et résistant communiste. Il espère que la consultation, à Washington DC, des archives déclassifiées de la CIA à ce sujet lui permettra une avancée décisive dans son enquête.
Deux personnages, deux chapitres, qui leur ressemblent. Dans le premier, Zeledón nous raconte sa vie pendant les dix mois passés à Merlow City, clôturés par son voyage "d'affaires" à Chicago. Descriptif et très factuel, émaillé de flash-back sur son passé au Salvador, le récit donne à voir son quotidien désormais rangé, inconsistant, déprimant, sécurisé. Un peu trop, peut-être, pour les réflexes toujours aiguisés de Zeledón. Dans le deuxième, c'est Erasmo qui s'exprime, dans une logorrhée proche du flux de conscience. Là où Zeledón prend 140 pages pour décrire dix mois de sa vie, le professeur en noircit autant pour seulement cinq jours aux archives nationales, c'est vous dire le bavard invétéré. Sa paranoïa et son hyper-anxiété lui font imaginer les pires complots, et comme si ce n'était pas suffisant pour son cerveau en constante ébullition, il ne peut s'empêcher de courir le moindre jupon qui passe, d'attirer les ennuis qui vont avec (ou pas, d'ailleurs), et qui le conduiront, par hasard, à Chicago.
Les deux chapitres, dans lesquels il ne se passe finalement pas grand-chose, prennent tout leur sens à la lecture du troisième. Ils ne constituaient en réalité que la mise en place de cette sorte d'épilogue, écrit sous la forme d'un rapport de police, dans lequel le roman culmine et se dénoue. Mais, plus que ces derniers événements – violents –, ce qui est intéressant ici, c'est la liste des ingrédients qui y conduisent : des personnages au passé pesant, dont la vie se désagrège parce qu'ils ne sont pas en phase avec leur nouveau pays puritain et policier, adepte de la délation et des caméras de surveillance mais qui échoue lamentablement sur les terrains de la pauvreté, de la délinquance et du narcotrafic.
Avec ses références à la famille Aragón et à d'autres personnages de précédents romans (entre autres "Effondrement" et "La servante et le catcheur"), "Moronga" est donc un nouveau plat de choix sur la carte de H. Castellanos Moya, une pièce supplémentaire dans son grand oeuvre centré sur l'histoire tourmentée de l'Amérique centrale et ses répercussions sur les survivants. Une histoire faite de guerres, de dictatures, de machisme et d'injustice, dans laquelle les âmes malades de violence ne trouvent que peu d'espoir de rédemption. Caustique, véhément, noir et amer. Un grand cru.

En partenariat avec les éditions Métailié.
Lien : https://voyagesaufildespages..
Commenter  J’apprécie          570
Histoires d'exil en 3 tons. Histoires qui nous parlent de la façon dont doivent se débrouiller aux Etats Unis , les réfugiés politiques, économiques (et parfois certains criminels) venus du sud, venus d'Amérique Latine.
Le premier ton qui me semble résigné, calme, patient , est celui d'un ancien guérillero marxiste du Salvador. Clandestin, il se retrouve dans une petite ville très froide, Merlow City, près de Chicago. Une ville universitaire. Il y vivra de petits boulots et observera cette société si différente de la sienne sans perdre ses vieux réflexes de combattant. Et bien sûr, il y retrouvera des compatriotes qui pourront l'aider et le guider.
le deuxième ton me semble passionné, nerveux, hystérique presque . Lui aussi réfugié salvadorien, c'est un professeur émérite qui fait des recherches sur un poète compatriote soupçonné d'être un collaborateur de la CIA, à l'Université de Merlow City. Ses recherches le mèneront à Washington étudier des archives déclassifiées par le gouvernement américain.
Obsédés par la surveillance, un se prêtera à son jeu et l'autre en fera les frais.
Le troisième ton est celui du rapport des policiers. Neutre, plat, incolore, prudent, terne. Explicatif, informatif et où l'on découvrira bien des choses quand même.
C'est un peu ce qui déstabilise et en même temps enchante dans ce récit d'Horacio Castellanos Moya. Cette facilité de changer de ton, de changer de personnalité, de changer d'ambiance. C'est réussi, c'est mordant, c'est caustique et c'est corrosif. Une excellente découverte de lecture pour moi.
Commenter  J’apprécie          470
Deux narrateurs s'expriment successivement. D'abord, au début du livre, José Zeledon, guérillero salvadorien à la retraite émigré aux États-Unis et subsistant de petits boulots.
L'autre, Erasmo Aragon, également émigré, est un professeur d'espagnol, un tantinet parano, obsédé par les jeunettes qu'il peut avoir comme étudiantes. Dans le cadre de son travail, il se rend à Washington afin de consulter des archives de la CIA déclassifiées consacrées à l'assassinat du poète et résistant salvadorien Roque Dalton.
L'un et l'autre, hantés par leur expérience de la violence au Salvador, se heurtent à la dureté et l'étrangeté des moeurs états-uniennes.
Ils se rencontreront de façon tragique dans la dernière partie du livre.
Un livre tragi-comique, empli d'humour noir, qu'il faut lire sans arrière-pensée, comme il vient.
Quant au titre, "Moronga", il est longtemps resté pour moi un mystère. Ce mot revenant avec insistance dans un contexte sexuel, j'ai consulté Internet qui m'a éclairé : il s'agit d'une variété de boudin latino américain. "Comprendido !"
Commenter  J’apprécie          100
José Zeledón, citoyen salvadorien réfugié aux États-Unis, arrive à Merlow-City, morne ville étudiante du Wisconsin, où son ami Rudy, devenu Esteban, lui a dégotté un emploi de chauffeur de bus scolaire. C'est qu'Esteban et José ont une longue histoire commune. Anciens guerilleros marxistes ils ont fui leur pays toujours ravagé par la violence pour, ironie de l'histoire, refaire leur vie dans celui qui a soutenu la junte militaire qu'ils combattaient. Si Esteban, marié, père de famille, semble avoir définitivement tiré une croix sur son passé, tout est bien plus difficile pour José, toujours en lien avec d'anciens camarades, et surtout toujours habité par ses vieux réflexes de combattant clandestin. D'autant plus difficile qu'il touche du doigt à Merlow City l'obsession de son pays d'accueil pour la surveillance de ses citoyens.
Cette obsession, Erasmo Aragón la connaît bien. Enseignant à l'université de Merlow City, ce Salvadorien lui aussi réfugié fait des recherches sur la manière dont la CIA a organisé l'assassinat du poète Roque Dalton. S'il craint toujours d'éveiller les soupçons des services de l'État, d'autant plus qu'il doit consulter à Washington des documents déclassifiés, il est encore plus obnubilé par la façon dont l'Université surveille enseignants et étudiants. Et il faut bien dire que sa propension à draguer tout ce qui bouge, à rechercher constamment de nouvelles partenaires sexuelles, a de quoi l'inciter à la méfiance.
Ces deux hommes, que l'on a par ailleurs déjà pu croiser dans de précédents romans d'Horacio Castellanos Moya, vont bien entendu être amenés à se croiser. À tout le moins, on peut le dire sans trop en dévoiler, que ce sont des connaissances communes qui, par les hasards du destin, vont en quelque sorte amener les trajectoires de leurs vies respectives à se rapprocher l'une de l'autre.
À travers leurs deux histoires, Horacio Castellanos Moya, avec un humour mordant, une pointe de cynisme et un regard cru sur le pays où il vit lui aussi dorénavant – il enseigne dans l'Iowa – livre sa propre vision des États-Unis et de la manière dont y vivent les réfugiés politiques ou économiques venus d'Amérique latine. José Zeledón comme Erasmo Aragón trouvent aux États-Unis non seulement la surveillance constante des citoyens et la violence qu'ils ont fui et que, en sus, certains de leurs concitoyens ont importé en venant, mais aussi un puritanisme au moins de façade qui les déstabilise.
Car on surveille moins ici pour permettre de prévenir la violence ou les crimes que pour s'assurer que les gens n'ont pas un comportement déplacé. Si José peut à loisir aller utiliser des fusils mitrailleurs dans un stand de tir sans que cela pose problème, il vit dans la crainte d'une dénonciation à son patron de la part d'une institutrice à laquelle il aurait involontairement lancé un regard équivoque. Quant à Erasmo, presque entièrement concentré sur les moyens de dissimuler son penchant pour les sites pornographiques et sa manière de draguer les femmes qu'il croise, il en oublierait presque qu'il manipule un dossier sensible.
Tout cela donne en fin de compte un roman dont l'humour assassin, la manière dont Castellanos Moya dépeint le morne quotidien de ses personnages, leurs angoisses et leurs obsessions, révèlent un beau livre noir. Réflexion sur l'exil et la difficulté à comprendre une civilisation aux règles totalement différentes, la tentation de l'entre-soi quand toute relation avec quelqu'un en dehors de ce cercle risque de porter une dangereuses incompréhension, mais aussi poursuite du questionnement de Castellanos Moya sur la violence de la guerre et ses conséquences, Moronga est un roman d'une rare intelligence.

Lien : http://www.encoredunoir.com/..
Commenter  J’apprécie          100
Je ne lis pas beaucoup de littérature latino-américaine (je suis trop focalisée sur la littérature nord-américaine je le sais bien...) mais grâce aux éditions Métailié je rattrape un peu mon retard!

Il y a José Zeledon et Erasmo Aragon, l'un est un ex-guérillo qui doit affronter l'ennui et la monotonie d'une petite ville américaine, l'autre est un professeur obsédé par le sexe.

Deux êtres obsédés par des pulsions : des pulsions d'action, des pulsions physiques, des pulsions qui dirigent leur vie. Des fantômes du passé, des obsessions du présent qui viennent les hanter constamment.

Moronga est un roman qui mêle le portrait à vif des États-Unis à un style addictif. Horacio Castellanos Moya possède un humour, un univers, une écriture qui lui sont propres. Avec Moronga il signe un roman violent, puissant, unique. Un page turner terriblement efficace !

En définitive, Moronga est un roman d'action, un roman social, un roman qui dépeint un pays, une époque, un roman d'une grande modernité et qui met en lumière de nombreuses controverses contemporaines.
Lien : https://leatouchbook.blogspo..
Commenter  J’apprécie          90
Moronga

Un roman en trois parties.
La première donne la parole à José Zeledón, ancien guerillero salvadorien exfiltré aux Usa, dans un style ramassé, sans fioritures où la vie du héros est décrite sobrement.
Grâce à l'aide d'un compatriote, José Zeledón a trouvé un emploi de chauffeur de bus scolaire à Merlow city, ville universitaire et trou paumé du Wiconsin. Il complète ses revenus avec une vacation aux services techniques de la fac où il examine les courriels et autres communications des profs hispaniques qu'un programme spécifique a scanné, notamment pour éviter tout trouble de nature sexuelle entre profs et élèves. de surveillé il passe à surveillant, et grappille un nouveau job où il doit visionner en live les enregistrements de caméras de surveillance pour alerter la police en cas de présomption d'ivresse, voire de débauche sur la voie publique. On le quitte alors qu'il rejoint, à Chicago, un ex-compañero de guerilla, qui semble vouloir reprendre du service.
La deuxième partie met en scène Erasmo Aragón, prof à la fac de Merlow City, en déplacement à Washington DC, dans une prose qui m'a rappelé les mauvais côtés de ‘Le rêve du retour' où l'auteur m'avait déjà noyée dans un déluge de digressions, de réflexions sur sa vie actuelle et passée, sur ses amours malheureuses, …
Erasmo Aragón mène à des recherches sur l'assassinat, en 1975, de son compatriote, Roque Dalton. La fac lui a accordé un crédit de recherche pour examiner des documents de la CIA, tout juste déclassifiés. Hébergé dans un AirB&B assez glauque de Silver City, Erasmo fréquente bars et jeunes femmes se sentant bien plus libres maintenant qu'il n'est plus soumis au devoir de réserves de tout prof de fac.
La dernière partie du roman est un rapport de police décrivant les événements qui ont conduit au décès de deux policiers, de passants et de sud-américains dans une fusillade près d'un bar de Chicago. Un style clair, concis, administratif où seuls des faits sont évoqués. Style qui tranche brutalement avec la sobriété de la première partie et la logorrhée de la deuxième.
Un roman inégal où je me suis franchement ennuyée au cours de la seconde partie … Peut-être aurait-il fallu qu'elle soit moins longue, plus ramassée. Dommage !

Lien : http://les.lectures.de.bill...
Commenter  J’apprécie          50
On avance pas à pas, sans même le voir venir, dans une jungle urbaine, dissimulée par une vie estudiantine alentour, pour mieux cacher la masse colossale réservée à la violence, aux armes et à la peur.

Tout commence assez paisiblement pourtant, puisque José Zeledón, ancien guérillero, apprend à naviguer entre ces petits boulots aux horaires entrecroisés. Mais entre les trajets en bus scolaire et quelques courses en taxi, il voit son intérêt intrigué et tiraillé par un certain Erasmo Aragón Mira. En effet, son poste à l'université consiste à repérer des mots-clés en espagnol susceptibles d'être louches ou inquiétants, afin d'en écrire des rapports.

Malgré son quotidien bien rempli et son entourage, l'esprit de José ne cesse de revenir sur les zones de guerre. Les explosions, les hélicoptères, les courses à en perdre haleine pour épargner sa vie, les odeurs de sang, de putréfaction… Difficile de construire une nouvelle existence sans pouvoir confier entièrement son passé, son vécu. Ardu de vivre dans la crainte d'être trahi.

L'ambiance très intense, par moments tendue à l'extrême, est digne de Breaking bad et Better Call Saul. On retrouve le même plaisir à suivre les personnages, peu importe leur rôle, peu importe de quel côté de la loi ils se situent. Leur passé, leurs épreuves, leur attitude, leur façon de parler, tout est immersif, communicatif. Horacio Castellanos Moya décrit l'action comme personne. On croirait qu'il a vécu toutes ces vies à la fois !

La tension n'est qui plus est, pas faite seulement de violence. Elle est également très sexuelle. L'obsession sexuelle tient une grande place tout au long du livre. Tantôt hilarante, tantôt d'une gêne extrême, l'omniprésence du sexe semble tour à tour prendre une dimension comique puis dramatique. Ce qui tranche d'autant plus avec le puritanisme ambiant. Fantasmes, pornographie, prostitution, masochisme… Pas l'ombre d'un tabou ici.

L'importance des racines, des origines, de l'exil, de l'assimilation, du racisme, des préjugés ; autant de thèmes concrets, bruts, qui parsèment les pages de Moronga.

Mine de rien, une véritable étude sociologique se détache de ce roman. L'analyse de chaque personnage est un véritable régal ! La profondeur des protagonistes, des enjeux abordés, le recul et l'expérience apparents avec lesquels est traité l'ouvrage est remarquable.

Ce fut d'autant plus exaltant pour moi qui venais tout juste de refermer L'homme apprivoisé, qui fait suite à Moronga. J'ai donc bénéficié d'une vision inversée de l'histoire. J'ai en quelque sorte lu un prequel. Une expérience encore plus intéressante en somme.

Cynisme, sarcasme, mauvaise foi, humour noir, critique acérée des États-Unis, Horacio Castellanos Moya s'en donne à coeur joie et signe un livre explosif.
Commenter  J’apprécie          20
Ce roman a deux narrateurs. le premier, un Salvadorien, hanté par les affrontements qu'il a vécus comme guérillero, qui dispose d'une sorte de statut de réfugié politique. À travers José Zeledón, qui conduit un bus scolaire et Erasmo Aragon, enseignant déconfit, verbeux et un poil obsédé par les petits culs féminins dans la même ville, l'auteur nous brosse un tableau de l'après-guerre civile au Salvador qui dura de 1980 à 1992.
le premier narrateur José Zeledon, a gardé les réflexes acquis lors de son expérience de guérillero dans sa façon d'appréhender le monde qui l'entoure. Il débarque, à l'orée de la cinquantaine dans une petite ville universitaire du Wisconsin ennuyeuse dans laquelle il est embauché comme conducteur de bus scolaire. Parallèlement il travaille 2 heures par jour pour l'Université locale dans la surveillance du courrier électronique échangé en langue espagnole. Il est en contact avec d'anciens membres de son réseau révolutionnaire, émigrés comme lui. Il est amené à s'intéresser à un personnage qui fait des recherches intenses sur les dossiers déclassifiés de la CIA concernant un poète sud-américain révolutionnaire assassiné, Roque Dalton.
Il s'agit d'Erasmo Aragon, le deuxième narrateur. Les deux hommes, des survivants traumatisés, vont progressivement conter leur histoire à la première personne du singulier. Entre guérillas et narcotrafiquants, monde complexe où la violence est maîtresse. Tous deux sont paranoïaques, constamment inquiets.
Le deuxième narrateur, Erasmo Aragon rentre en scène dans la deuxième partie du roman, et nous parle de sa vie passée au Salvador et surtout de sa vie en Amérique tout aussi compliquée pour lui que pour le premier lequel, jeune guérillero, a tué sa mère involontairement.
Aragón lui, est enfermé dans son monde égocentrique, incapable de considérer simplement les gens qui l'entoure. Avec en arrière-plan, le monde américain, où chacun est désormais suspecté de tout et de rien, surveillé pour un oui ou un non, et aussi la violence, constamment à l'état latent. Une société qui donne le sentiment d'être proche de l'effondrement.
Les deux narrateurs apparaissent dans le final apocalyptique du roman. Plein de sang, de morts, de violence et de déconfiture pour Erasmo qui se retrouve condamné pour harcèlement par une jeune compatriote manipulatrice.

Je ne connaissais pas du tout cet auteur, je suis contente de l'avoir découvert. J'aime son écriture. La subtilité avec laquelle il aborde des sujets brûlants, et le Monde merdique qui arrive en Europe. Tout ça à travers la situation et le comportement d'un petit nombre de personnages très bien campé.
Commenter  J’apprécie          21




Lecteurs (70) Voir plus



Quiz Voir plus

Les classiques de la littérature sud-américaine

Quel est l'écrivain colombien associé au "réalisme magique"

Gabriel Garcia Marquez
Luis Sepulveda
Alvaro Mutis
Santiago Gamboa

10 questions
371 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature sud-américaine , latino-américain , amérique du sudCréer un quiz sur ce livre

{* *}