Opération Masse Critique.
Merci aux éditions Mnémos et à Babelio...
Cela fait plusieurs années que j'attends un essai comme celui-ci. C'est dit.
Toujours fascinée par les vampires, non pas seulement par la créature surnaturelle en elle-même mais plutôt par ce qu'elle révèle de la société dans laquelle elle évolue, le reflet d'une humanité débarrassée ou au contraire embarrassée du carcan des moeurs, j'ai trouvé dans cet ouvrage une analyse approfondie, documentée et argumentée de ce phénomène culturel majeur. Et cette étude a pour cadre la Louisiane, les bayous, les rues poisseuses et envoûtantes de la Nouvelle-Orléans, ce qui ne gâche rien !
Qui n'avait pas encore remarqué que la Louisiane et le Sud en général était devenu depuis quelque temps un terrain de chasse privilégié des suceurs de sang ? Entre les "Chroniques des vampires" d'
Anne Rice, la série "True Blood" et les romans de
Poppy Z. Brite, nous pouvons dire que nous sommes copieusement servis.
Mais
Morgane Caussarieu ne fait pas qu'un inventaire et une description des différents romans, films et séries vampiriques que l'on trouve sur le marché ; elle avance une thèse très intéressante que l'on pourrait résumer ainsi : les vampires de Louisiane sont les reflets des tabous et des traumatismes sudistes. Racisme, rejet plus général de la différence, culpabilité coloniale, puritanisme, tabous liés à la sexualité, violence perverse, bref la décadence d'une société colonialiste moribonde traumatisée par la guerre de Sécession... Que de sombres tréfonds dans l'âme humaine présentés au travers d'une unique épouvantable créature, le vampire !
A travers une analyse documentée, rythmée par des chapitres percutants et des illustrations soigneusement choisies, l'auteur parvient à nous emporter dans cette atmosphère poisseuse du bayou où naissent et croissent les perversions et les violences les plus variées. Fascinant, non ? Parce que la décadence et les dépravations de l'être humain et a fortiori du vampire sont fascinantes, ô combien malsaines, certes, mais terriblement passionnantes.
Et pourtant, avec toute l'humilité dont je suis capable, je ne suis pas toujours d'accord avec
Morgane Caussarieu dans ses interprétations. Malgré une argumentation solide, certaines de ses théories me semblent discutables, voire hasardeuses. Ne pas oublier que, parfois, une thèse poussée à l'extrême dresse d'imperceptibles oeillères et ne laisse que peu de place à d'autres interprétations possibles. J'ai souvent eu des réactions épidermiques à ce qui m'apparaissait comme des catégorisations faciles et des jugements de valeur sous-entendus, d'autant plus dans ce genre d'ouvrage, et j'ai le regret de dire qu'il y en avait quelques uns. C'est faire insulte à l'intelligence du lecteur : ne peut-il lui-même discerner ce qui est de qualité ou non, sans qu'il soit pris par la main ?
Mais cet essai reste un ouvrage de qualité, et je fais confiance au plus grand spécialiste français des vampires,
Jean Marigny (qui a préfacé ce livre), s'il approuve, qui suis-je pour ne pas en faire autant ?