La justice n'est pas seulement une question de fond. C'est surtout une question de forme. Aussi, ne pas respecter les formes de la justice revient à ne pas respecter la justice.
Le sous-inspecteur Goma remet le crayon dans le pot en métal et se renverse dans son fauteuil tandis que, près de lui, la sergente Pires croise les bras sur sa poitrine. Melchor aperçoit le tatouage du cœur rouge traversé d’une flèche noire sur sa clavicule et, levant les yeux, se rend compte qu’elle a surpris son regard ; un sourire moqueur flotte sur ses lèvres. Assis à côté de Melchor, Salom tente de dissimuler sa gêne en feignant de s’intéresser moins à ce qui se passe dans le bureau qu’à ce qui se passe derrière la fenêtre, sur l’allée bordée de platanes, où il ne se passe rien.
- Moi aussi je pense que les assassins étaient des pros, commence Melchor. Mais j’ai du mal à croire que c’étaient de simples voleurs.
- Et pourquoi ? Demanda le sous-inspecteur.
- Parce que je trouve ça invraisemblable que des voleurs s’amusent à torturer comme ça deux personnes âgées.
- Je suis du même avis, intervient Pires. Le problème, c’est que la réalité est pleine d’invraisemblance. Et en cela, elle ne ressemble pas aux romans, n’est-ce pas ?
Melchor est habitué à ce que ses supérieurs et ses collègues ironisent sur sa réputation de lecteur. L’ironie ne le dérange pas, et ce n’est pas son genre de l’esquiver.
- Pas aux bons romans, répond-il. Mais aux mauvais, oui.
(...) La justice c'est une question de forme (...) , la justice absolue peut-être la plus absolue des injustices.
Assis à côté de Melchor, Salom tente de dissimuler sa gêne en feignant de s'intéresser moins à ce qui se passe dans le bureau qu'à ce qui se passe derrière la fenêtre, sur l'allée bordée de platanes, où il ne se passe rien.
C'est ce que je disais: la religion, ça rend les gens dingues.
— Les poètes, pour moi, ce sont des romanciers paresseux. Olga eut l’air songeur.
— Peut-être, dit-elle. Mais pour moi, presque tous les romanciers sont des poètes qui écrivent trop.
[Q]uand on pousse le bien à l’extrême, il se transforme en mal.
- Pour moi la haine est un sentiment respectable.
- Pas pour moi, dit Olga. Haïr quelqu'un, c'est comme avaler un verre de poison et croire que c'est comme ça que l'on va tuer celui qu'on déteste.
-- Arrête de lire, le français, ça va finir par te dessécher le cerveau!
… ici c'est une terre inhospitalière, très pauvre. Elle l'a toujours été. Une terre de passage où ne restent que les gens qui n'ont d'autre solution que de rester, ceux qui n'ont aucun autre endroit où aller. Une terre de perdants. Personne n'aime cette comarque, c'est ça la vérité. Et la preuve en est qu'on se souvient de nous uniquement quand il faut nous bombarder. Pour quoi nous connaît-on en dehors d'ici ? Pour la bataille la plus féroce qu'a connue ce pays, pour une tempête de feu comparable à un châtiment biblique, une apocalypse qui a tué des jeunes gens venus du monde entier. Évidemment, nous n'avons eu voix au chapitre, mais la bataille nous a laissé cette terre transformée en un désert plus noir encore que ce qu'il était avant cela, un endroit où, quatre-vingts ans après, on peut encore trouver des éclats d'obus sur les collines, et si on n'en trouve pas davantage, c'est parce que pendant des années on s'est chargé nous-mêmes de les collecter et de les revendre, pour éviter de mourir de faim. C'est ça, la Terra Alta.