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4,1

sur 1328 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Dans ce conte à épisodes, histoire à n'en plus finir d'une grande drôlerie,
Cervantes nous invite à rire de la folie de son héros à la tête farcie de ces absurdités que l'on trouve dans les romans de chevalerie — genre très prisé notamment en Espagne entre 1300 et 1600, où tout le monde aime à en écouter (on en fait des lectures publiques) ou à en lire, le peuple comme les têtes couronnées.

Parodie désopilante des romans de chevalerie, véritable critique sociale au moment où la puissance espagnole connaît une crise décisive, Don Quichotte est aussi une oeuvre émouvante. Peut-être parce qu'elle a beaucoup à voir avec la vie mouvementée de Cervantes, qui fut blessé pendant la bataille victorieuse de Lépante contre les Turcs, puis plus tard emprisonné à Alger pendant cinq longues années en attente d'être racheté.

Des épisodes traumatisants qui furent malheureusement suivis d'autres. Mais si toute sa vie Cervantes rencontra des difficultés familiales, professionnelles et financières, celles-ci ne furent sans doute pas étrangères à l'ironie tendre et la bonté foncière portées à ses personnages, qui d'une oeuvre d'une modernité immarcescible en ont fait un inoubliable chef-d'oeuvre d'une humanité profonde.

Challenge MULTI-DÉFIS 2020
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Don Quichotte, c'est avant tout une guerre littéraire que Cervantès entreprend en faveur d'une littérature plus réaliste et originale contre les romans de chevalerie qui sont, d'une part, pleins de rêve et de magie, et d'autre part, une répétition à l'infini autour d'un même thème jusqu'à la saturation.
L'absurdité et le ridicule de l'idéal chevaleresque seront d'abord exposés par le biais du personnage de Don Quichotte, ce petit provincial à qui les romans de chevalerie ont tourné l'esprit à un tel point qu'il se croit réellement chevalier en mission dans un monde rempli de sortilèges et d'enchantements. Comme tout chevalier a besoin d'un écuyer, Cervantès lui fournit le secours de Sancho Panza, petit gros bonasse, peureux et superstitieux, mais également doté d'un gros bon sens rusé de paysan. Comme cheval, Don Quichotte devra se résoudre à une rachitique bestiole nommée Rossinante et en guise de dame à aimer, Dulcinée du Toboso, une paysanne des environs qu'il ne verra jamais deviendra l'élue de son coeur. Enfin, toute l'histoire consiste à promener son illuminé sur sa branlante monture avec son paysan d'écuyer dans les parages de leur village où ils s'émerveillent, s'effraient et s'enorgueillissent de leurs mésaventures insignifiantes pour le plus grand plaisir du lecteur.
D'autre part, Cervantès impose son propre style, déjà moderne, en intervenant personnellement afin d'introduire un constant rapport à la réalité au coeur même de son écriture. (À noter que Chrétien de Troyes intervenait aussi déjà personnellement dans ses premiers romans de chevalerie, mais que c'était plutôt pour faire de la surenchère vers le merveilleux que pour ramener son lecteur sur terre.) L'auteur s'amuse aussi à singer l'expression souvent fleurie à l'excès des mauvais romans de chevalerie pour accentuer la bouffonnerie et le ridicule des situations.
Cervantès use également de la position de « fou » qu'il a donné à Don Quichotte pour juger, en étranger d'occasion, les absurdités qui se glissent, par quelque détours de l'histoire, au sein de toutes structures sociales normales, comme le feront Montesquieu dans ses Lettres persanes ou encore Cyrano de Bergerac dans ses voyages sur la lune et le soleil.
Enfin, et c'est l'essentiel pour qu'une oeuvre intelligente et brillante devienne un classique de la littérature, le roman, dans tous ses détails, est un véritable plaisir à lire. On se laisse entraîner à survoler les excursions de Don Quichotte, Rossinante et Sancho Panza, toujours le sourire aux lèvres, parfois en riant franchement et même, comme il m'est arrivé quelques fois, en riant au point de devoir interrompre ma lecture car je riais jusqu'aux larmes. Et le plaisir quelque peu extrême qu'a provoqué chez moi ce livre ne date pas d'hier. Prosper Mérimé, dans une préface au chef-d'oeuvre de Cervantès, rapporte, en effet, que « Philippe III étant à un balcon de son palais de Madrid...aperçut un étudiant qui lisait au bord de la rivière, riait, se frappait le front et donnait les signes d'un plaisir extraordinaire. « Ce garçon est fou, dit le roi, ou bien il lit Don Quichotte. » Un courtisan s'empressa d'aller demander le titre de ce livre si amusant : c'était en effet le Don Quichotte. »
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Que dire si ce n'est de vous encourager à courir acheter ce livre et à le lire ! Enfin, dans la traduction offerte par la collection Points Seuil, bien plus accessible que d'autres pour avoir lu les prologues dans trois éditions différentes.

L'histoire des moulins à vent, ce n'est que la première aventure, il y en a tellement d'autres. Et puis, l'auteur profite de la moindre occasion pour faire l'une ou l'autre digression sur les moeurs de son époque, avec un modernisme étonnant.

Mais surtout, Cervantes nous offre un humour indéfectible, une immense parodie de son temps et c'est fort plaisant à lire. Pour ceux de ma génération, qui ont vu les films des Monty Python, je dirai qu'ils ont dû s'inspirer de l'humour de Cervantes tant le leur est comparable.

Ne vous dites pas, c'est vieux, certes l'ouvrage date, mais pas ces aventures qui m'ont bien divertie.
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J'aurai mis le temps à découvrir ce grand classique! Pour être honnête, je redoutais justement le classicisme de ce roman. Je craignais que cette écriture du 17ème siècle racontant les aventures d'un chevalier errant et de son écuyer soit particulièrement ennuyeuse et poussiéreuse... et je freinais des deux pieds à l'idée de me plonger dans la lecture d'un ouvrage de plus de 1 100 pages! Et puis, ce fût une excellente surprise. Nos deux héros, don Quichotte et Sancho sont deux personnages sympathiques et attachants. Ce livre est très drôle, alerte, très agréable à lire, et excessivement moderne. J'ai adoré au point de recommander cette parodie de roman de chevalerie à mes amis lecteurs. Donc ce Cervantès est vraiment une valeur sûre et un roman qui amuse et dépayse. Excellent livre!
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Je remercie chaleureusement les Éditions Balivernes ainsi que Babelio pour cette lecture et leur confiance !

Quel plaisir pour les parents d'initier leurs tout-petits à un texte aussi inventif, truculent, joyeux et drôle que le célébrissime roman d'aventure de Miguel de Cervantès « Don Quichotte » devenu un mythe à transmettre de générations en générations.

Le texte adapté pour les tous petits par Pierre Crooks d'après Miguel de Cervantès est un pur bonheur pour petits et grands. En 20 pages, votre tout jeune enfant va suivre cette histoire cocasse qui va le faire rire grâce aux merveilleuses illustrations d'un dessinateur, Frédéric Laurent, qui a déjà travaillé avec les Editions Balivernes pour l'adaptation des « Trois Mousquetaires ».

La collection « Farfadaises » des Editions Balivernes réserve de très jolies surprises. Ma nièce de 5 ans, Léane, a adoré « Don Quichotte » et les illustrations savoureuses de Frédéric Laurent. Un livre qui pour un prix modeste (moins de 10 euro) va faire rire votre enfant, développer son imaginaire, le faire rêver tout simplement.

L'épisode des Moulins à vent pris pour des géants par Don Quichotte est sans doute la plus emblématique des séquences. Don Quichotte et son fidèle destrier « Rossinante », Sancho Panza son modeste écuyer, et des aventures nombreuses pour retrouver la belle princesse Dulcinée de Toboso.. Tout est mis en place pour que texte et illustrations accompagnent aux mieux la lecture des parents et le regard amusé de vos tout-petits.

En ces temps difficile pour les petites maisons d'éditions, les librairies, les illustrateurs, les auteur(e)s, pensez à offrir à vos enfants, neveux et nièces en bas âge, pour les fêtes de noël et pas seulement, des livres des Editions Balivernes. Ils sont un gage de qualité et ils offriront un moment de doux partage entre les parents, grands parents et leurs tout-petits.

« Don Quichotte » c'est intemporel, culte et surtout c'est très drôle. Je tiens à saluer tout particulièrement le travail d'illustrateur de Frédéric Laurent qui est une franche réussite. Je vous recommande chaudement ce « Don Quichotte » paru aux Editions Balivernes.
Lien : https://thedude524.com/2020/..
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Un coffret somptueux . Je n'ai pas souhaité qu'il soit emballé dès son achat, pour pouvoir en profiter, juste un peu, avant de l'offrir, cadeau de Noël pour un de mes proches.
Une édition prestigieuse , traduite par Louis Viardot (1800-1886) , illustrée par Gustave Doré (1832-1883). Les dessins sont hyper réalistes, ils expriment avec une rude vérité les physiques, les mentalités, les tourments, ceux de ce pauvre hidalgo utopiste, fiévreux, maboul , de son serviteur, le replet Sancho, de bien d'autres personnages, ils décrivent férocement par de multiples détails cette Espagne du Siècle d'or, riche et rigide , on y retrouve les paysages spectaculaires de Castille et de la Manche, les géants de Consuegra, Don Quichotte dans son lit, agonisant...
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Même si on ne l'a jamais lu, on a l'image du chevalier Don Quichotte dans la tête. Tout le monde sait qu'il s'est battu contre des moulins à vent. Il fait partie des personnages littéraires passés dans l'imaginaire de tous, comme la créature de Frankenstein, Long John Silver et beaucoup d'autres.
Mais aujourd'hui peu de gens le lisent. Il faut dire que les 1400 pages environ du livre peuvent refroidir. Moi j'ai profité d'une intervention des yeux pour l'écouter. La version de ma BM est une traduction d''Aline Schulman lue par Jean-Pierre Cassel. L'enregistrement ne dure que cinq heures. Il manque donc apparemment un certain nombre de chapitres. Ceci dit j'ai pris beaucoup de plaisir à cette écoute. J‘ai même parfois rit, ce qui m'arrive très rarement en lisant. Si vous avez le moral un peu bas, je vous conseille ces CD, en cas de vraie dépression je ne crois pas que cela suffirait mais pour simplement un ras le bol de l'accumulation de soucis ça peut aider.
Faut-il vous raconter les aventures de ce chevalier qui prend les auberges pour des châteaux, les filles de joie ou les servantes pour des châtelaines et de Sancho Pança, paysan transformé en écuyer qui trouve toujours un proverbe pour illustrer pas forcément de façon appropriée leurs aventures. Sous le rire il y a bien sûr la critique, le mariage contre leur gré des filles, la dureté de la justice, l'Inquisition...
Je recommande ce livre ou si la longueur vous fait peur un enregistrement.
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Publié en Espagne au début du XVIIème siècle, Don Quichotte de la Manche, se révèle être un roman des plus plaisants, même lu plusieurs siècles après sa publication.

A l'origine, il s'agissait d'une critique de la société espagnole qui prend la forme d'une critique des romans de chevalerie et des moeurs de la noblesse. Lu dans d'autres temps et d'autres lieux, ce roman est devenu une sorte de métaphore qui n'est pas sans faire penser au roman le Joueur d'échecs de Stefan Zweig. le parallèle est certes osé, mais aujourd'hui nous pouvons y trouver comme une mise en garde à l'encontre des passions qui risquent de devenir dévorantes.

Même plusieurs siècles après sa parution, le texte est limpide et plaisant. Il se lit d'une seule traite, d'autant que le texte intégral regroupe les deux parties, qui étaient scindées à l'origine. Les personnages suscitent des sentiments qui ne cessent d'évoluer. Ainsi le principal intéressé suscite à la fois de la pitié, de la colère (lorsque qu'il envoie Sancho faire son sale travail et surtout prendre des coups), de l'agacement et à nouveau de la pitié. Il en est de même pour Sancho Pança (ah ses proverbes, que du bonheur).

Il est impossible de s'ennuyer ici, d'autant que le texte est découpé en courts chapitres avec une petite avant-première de ce qui va suivre. Difficile de rester insensible... Il est impossible de lâcher le texte en court de route. La langue est proche de la nôtre (aussi faut-il saluer l'excellent travail de traduction qui relève ici de l'art).

Il s'agit d'un grand classique de la littérature mondiale qui saura vous faire passer de bons moments. Lire ce roman lors d'un voyage en Espagne n'est pas un prérequis, mais cela pourra encore renforcer l'immersion.
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George Steiner disait : « demandez à un homme s'il préfère Tolstoï ou Dostoïevski et vous connaitrez le secret de son coeur ». A l'appui de son assertion il faisait, évidemment, une brillante démonstration sur le caractère inconciliable des philosophies de ces deux géants.
J'aurais peut-être l'air de brasser du vent, tel un moulin, à risquer une analogie, mais lisant Don Quichotte, riant d'abord comme rarement, des frasques de ce sympathique hurluberlu, m'émerveillant de son style et par lui, de celui de Cervantes, qui parviennent, l'un et l'autre, à se renouveler malgré une certaine répétition des situations, je me suis soudain pris à penser que si ce roman avait marqué l'histoire, s'il avait fait date, c'est peut-être qu'il invitait aussi, chacun, à prendre un parti.

C'est au chapitre XXII, pour ma part, que j'ai cru lire que la question m'était posée. Et plus encore, que j'ai cru comprendre que j'étais peut-être moins partisan de Cervantes ou de certains de ses lecteurs, qui voient en lui le pourfendeur de l'esprit d'antant que du héros à la triste figure, bientôt Chevalier aux lions.
Bien sûr il m'amusa encore : comment la marionnette de Miguel, quoique celui-ci fut, comme l'on sait, manchot depuis la bataille de Lépante, pourrait-elle lui échapper ? Comment l'artiste, pourrait-il lui céder le beau rôle ? Et pourtant, me semble-t-il : c'est lui qui le tient. A tout le moins, je lui accorde.
Don Quichotte serait le premier des romans modernes, s'évertuant par mil aventures et mises en scènes grotesques, à faire d'un chevalier un pauvre fou, transformant ses aventures en un récit picaresque (de l'espagnol « picaro » qui signifie « misérable »). Je vois, pourtant, la seule noblesse qui vaille dans ces valeurs d'honneur et d'amour dévoué, de don de soi et de sacrifice que porte haut notre Don Quichotte ; de désintérêt pour l'avoir et, malgré une certaine grandiloquence, de mépris pour la rationalité, pour le pleutre calcul des chances, pour le cynique individualisme et le « plein de soi » qu'incarne Sancho Pansa, dont le nom même est le symbole d'une seule quête. Comment ne pas s'attendrir pour Alonso Quichano dont l'amour est une fidélité à toute épreuve ? Comment ne pas louer la bravoure de cet hidalgo dont la seule mission n'est pas d'amasser les victoires à bas prix et les fortunes à bon compte, mais de servir la justice par monts et par vaux, aux profits des plus humbles et des déshérités ? Comment railler, avec les générations suivantes, cet âge qu'on dit Moyen, ces siècles que l'on salit, jusqu'en faire des siècles obscurs entre brillante Antiquité et glorieuse Renaissance lorsque, précisément, de part et d'autre, l'homme n'y fut jamais moins libre, jamais plus asservi par des maîtres tyranniques ; quand, encore, ces "sociétés", gargarisées du nom de civilisations ou d'empire, furent le théâtre d'une seule entreprise : la conquête et son cortège de violences sans foi ni loi et d'injustices criantes ; l'exact inverse de la chevalerie ?

Oui, j'ai pensé à George Steiner et aussi à Georges Duby, et son Guillaume Maréchal, "le meilleur chevalier du monde", modèle de vertu chevaleresque lorsque celle-ci régnait encore. Mais à l'heure où Miguel de Cervantès rédige sont Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche, la roue a déjà tourné : la curialisation de la noblesse est en cour, et avec elle l'avènement de l'État militarisé, le célèbre monopole de la violence légitime au profit d'une classe riche, et la construction, même, de ses appareils idéologiques (institutions culturelles), des décomptes (registres), l'harmonisation progressives des poids et mesures (unification), des langues et des cultures (standardisation), etc.
Quel projet est donc le plus fou : celui de voir dans des moulins à vent, manifestation d'une proto-industrialisation, des géants qui écraseront l'homme et épuiseront la terre et que Don Quichotte estime qu'il faut à tout prix terrasser, ou celui de n'y voir que de simples et inoffensives machines permettant de mécaniser le travail ? Les luddites, quelques années plus tard, comprendront fort bien l'enjeu, lorsque les moulins cèderont la place aux machines tueuses de bras. Quel spectacle est le plus navrant : celui de voir un homme seul (ou tout comme) chercher à renverser le sort de misérables condamnés aux galères ou celui de nous voir nous habituer à ces situations d'enchainement d'hommes par d'autres hommes ? Croyons-nous vraiment que nous sommes plus libres, égaux et fraternels derrière nos écrans, endettés, reliés au travail par un lien de subordination (et aujourd'hui confinés pour nous prémunir d'un virus) ou sont-ce les serfs, les marchands ou forgerons, qui logeaient à 10 dans une masure, certes, chauffée au feu de bois et parfois allant nus pieds, mais sur lesquels aucune banque n'avait d'emprise (et pour cause), pas davantage que sur un lopin de terre qu'ils pouvaient exploiter en propre (ou en commun) pour faire pousser de quoi être autonomes ? Et qui oeuvraient, sans surveillance, ou guerroyaient bien moins de jours dans l'année que nous n'en passons à travailler ? Sommes-nous plus éduqués par une presse aux mains de milliardaires que ne l'est Don Quichotte par son ouvrage de chevalerie ? N'est-il pas aussi "éveillé" que nous lorsqu'il comprend qu'Homère, était homme de son temps et que telle doit être la poésie, nous qui regardons Cervantès comme indépassable ?

Michel Onfray me semble avoir tort de faire de Sancho le véritable héros du texte : Sancho, aussi sympathique puisse-t-il parfois être, est dans l'avoir, le gain, l'accumulation, la préservation de soi avant tout, une raison toute orientée vers l'intérêt personnel, bassement égoïste, platement égocentrée, ce qu'il appelle (Onfray) : le bon sens. Or, le « bon sens » n'existe pas ! C'est le sens dominant (il devrait le savoir), un sens/un point de vue qu'on ne questionne pas, ou plus, ou qu'on aimerait ne plus voir questionné : et que l'on impose, donc, comme une évidence, la seule réalité possible. Pourtant, quelle est la vertu d'un Sancho qui, enfin gouverneur, fuit ses responsabilités et n'entend rien d'autre que gouverner sa panse ? Comment prétendre le comparer à celui qui donnerait sa vie pour celle qu'il aime ? Pour des condamnés ? Pour défendre son nom bien plus que son crouton ?

Cervantès, en se gaussant de Don Quichotte, participe de (parachève ?) cette entreprise d'imposition d'une nouvelle « vertu », d'un nouvel « esprit », d'une nouvelle ère : l'avènement de l'homme pour soi, de l'homme qui se suffit, qui est sa propre vérité, et dispose du monde plutôt qu'il n'y cherche sa place. Par son roman il participe à l'entreprise d'imposition de ce que ce doit être qu'être "digne", "grand", "vrai", "vertueux" ; et pour mieux le faire comprendre, il stigmatise, il voue au ridicule, l'âme chevaleresque - ses valeurs ancestrales, ses principes irrationnels, ses vains combats, ses amours folles, ses gloires immatérielles, ses hiérarchies célestes, ses représentations illuminées. La modernité serait, elle, devrait s'attacher à être : tout l'inverse.
Eh bien je suis du côté d'Alonso Quichano, le chevalier Don Quichotte, et contre la modernité qui écrase l'homme qu'elle prétend libérer. Je sais malgré tout, pourtant, le meilleur gré au siècle d'« or » (dont on oublie qu'il fut volé, et capté par une poignée seule de riches dominants dont l'esprit fut rien moins que chevaleresque), et à son enfant Miguel Cervantes de m'avoir offert cette lecture magistrale.
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L'auteur bien sûr est le maître de la satire quand il nous décrit ces deux héros à contre courant dans leur costumes trop larges pour Don Quichotte et trop étroit pour Sancho. Il est cependant aussi un admirable observateur de la société de sont temps qu'il nous décrit avec ses travers guindés.
Mais l'art véritable de Cervantes, c'est que, à travers de ses moqueries, il nous les fait aimer ces deux pauvres pantins qui comme nous, traversent leur époque se sentant investis d'une quête mais sont toujours une guerre ou deux en retard.
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