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EAN : 9782863642825
128 pages
Parenthèses (14/11/2013)
3.91/5   11 notes
Résumé :
Toute une vie invisible… C’est dans son grand âge que cette grand-mère adorée choisit de partager son secret et de transmettre « l’inoubliable ».
« Mes enfants, n’ayez pas peur des morts, ils ne peuvent pas vous faire de mal. Le mal vient toujours des vivants, pas des morts », disait Héranouche Gadarian devenue Seher, la grand-mère de Fethiye Çetin qui écrit ce livre pour « créer une brèche dans le mur et permettre l’écoute, pour ouvrir le coeur et la consci... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
A la mort de sa grand-mère, femme à fort caractère et plus ou moins avant gardiste, Fethiye Cetin a ressenti le besoin de laisser une trace du passage de cette femme. Si elle a vécu longtemps - 95 ans quand même ! -, son destin l'a fait passer par la case "tragédie", car Heranus Gadarian - de son vrai nom - est une rescapée du génocide arménien.
Ce n'est que quelques années avant sa mort que (rebaptisée) Seher se libèrera du lourd silence qu'elle avait fait peser sur ses origines. Cet aspect du témoignage m'a beaucoup fait penser à La Bâtarde d'Istanbul d'Elif Safak (quand la réalité dépasse la fiction…).

Au moment où elle relate toute cette histoire, Fethiye Cent est sans doute encore très bouleversée, par la perte de sa grand-mère d'une part et par le "lourd" héritage qu'elle laisse derrière elle. C'est peut-être ce trop plein d'émotions pas encore digéré qui donne parfois un aspect confus au récit et sans autre fils conducteur que celui du souvenir de cette femme digne et courageuse.

Il a fallu que je m'y reprenne à plusieurs fois pour lire ce récit, car la première moitié est assez lente. L'auteur y décrit des souvenirs, des scènes de vie quotidienne d'une famille, a priori, tout à fait normal. le moins qu'on puisse dire c'est que la seconde moitié chasse complètement cette impression de "normalité" - ce qui rend le contraste d'autant plus saisissant.
J'avais repéré ce livre pendant l'opération "Masse Critique", et finalement (ouf!) il se trouvait également sur les étagères de la médiathèque ! Ce récit très émouvant et pudique fut une bien belle découverte. Et, en refermant le livre, j'ai réussi à oublier la lenteur du début tant j'ai été happée par l'histoire - d'autant plus que c'est une partie de la grande Histoire assez peu connue/enseignée.

Dans son malheur, cette femme aura tout de même eu la "chance" de survivre. Ses souvenirs témoignent que beaucoup n'ont pas eu cette "chance. Je conseille donc ce témoignage qui m'a coupé le souffle - bien que la partie "historique" soit courte, elle est bien suffisante -...
Comme l'écrit Fethiye Cetin :

" Quelqu'un sonna à la porte. Nous avions des invités. Ma grand-mère fit une pause. de toute façon, je n'étais pas en état d'en entendre plus. Ce que je voulais, c'était m'enfuir, courir dans les rues en pleurant et en criant. Je n'aurais rien cru de cette histoire si la personne qui me la racontait n'avait pas été ma grand-mère. "
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Fethiyé est turque, sa mère Vehbiye est la fille de Seher, la grand-mère chérie. Quand celle-ci meurt, on l'enterre selon la coutume musulmane et jusque là tout va le plus naturellement du monde. Seulement voilà, entre la naissance et la mort de Seher, il y a eu un génocide celui des arméniens. Après les cris et les barbaries, la mort donnée de mille façons, le silence a suivi. le silence des politiques, de certains intellectuels mais aussi des enfants d'arméniens enlevés. La grand-mère de Fethiyé est l'une d'eux. Seher, c'est Héranouche Gadarian, une petite arménienne qui vivait dans un village de 207 maisons à Havav. Son père n'est pas Hüseyin,c'est Hovannès et sa mère n'est pas Esma mais Iskouhi. Cette vérité mettra plus de 80 ans à être dite ! La narration - qui est un témoignage plus qu'un récit n'y cherchez pas de la littérature – s'organise autour de l'arbre généalogique d'Hiéranouche. On sent que l'auteur veut rendre compte d'une histoire par le menu, elle ne veut plus oublier. Il a sans doute fallu beaucoup de travail et patience pour arriver à tirer tous les fils d'une histoire que la vieille dame morte à 95 ans avait enfoui dans le secret de sa vie. On remonte le temps pour retrouver toute la famille, le père, la mère, les oncles et les tantes, les frères et les soeurs. Les plats cuisinés avec amour, les berceuses, les histoires pour enfants. Une partie des hommes de la famille Gadarian sont partis en Amérique pour y construire une nouvelle vie. Car déjà, bien avant le génocide, l'existence des arméniens est faite de pogroms, de massacres ponctuels. Un jour les hommes du village sont brutalement enlevés, tués, puis les familles emmenées sur les chemins de déportations ; des centaines de kilomètres à pieds pour finir en poussières dans les déserts de Syrie. La mort est au rendez vous mais Hiranouche et son frère Khoren vont être enlevés par des militaires. Ni aimé, ni malaimé, ils vont servir de domestiques à leurs familles turques. Seher/Hiéranouche va être marié à un homme dont elle aura des enfants. La vie s'écoule, Hiéranouche ne raconte rien, elle oublie même l'arménien sauf de temps en temps quand elle fredonne une mélodie venue du fond de sa mémoire. Elle est devenue une vraie turque mais n'oublie rien. C'est compter sans la curiosité et l'ouverture d'esprit d'une des ses petites filles Fethiye – Avocate et militante des droits de l'homme. C'est l'histoire qu'elle va découvrir qui nous est livrée ici mais pas uniquement, ce sont aussi les tentatives de ses parents de la récupérer (car sa mère va survivre et retrouver son mari aux Etats Unis). Khoren repartira mais elle, non car sa famille turque ne la laissera pas faire. Jusqu'au bout Hiéranouche va nourrir l'espoir de un des siens. Ce ne sera pas le cas, mais elle apprendra tout de même qu'ils ne l'ont jamais oublié et qu'aux Etats Unis une de ses nièces a été prénommée Hiéranouche en son nom.
Et puis il y a l'incroyable voyage du faire part de décès – que j'ai repris intégralement dans la rubrique citation. Fethiyé demande sa parution à Agos un journal bilingue turc-arménien. le rédacteur en chef– Hrant Dink (journaliste et écrivain turc d'origine arménienne assassiné par un nationaliste turc) va l'envoyer à Haratch quotidien des arméniens de France. Un ecclésiastique arménien lui-même originaire d'Havav le découvre et va faire en sorte de le diffuser plus largement. le faire part va arriver aux Etats Unis, va être lu par la famille américaine de Hiéranouche et les rapprochements vont se faire. Si la mémoire turque semble avoir oublié ces épisodes douloureux, espérons que le récit de la vie Seher donne aux turcs l'envie d'écrire une page vraie de leur Histoire.
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Babelio nous gâte avec ces envois de livres à lire ! Un grand merci encore une fois pour ce nouvel opus de Fethiye ÇETIN que je vais commencer dès cet après-midi. A très bientôt pour ma critique.
Une journée plus tard ....
Oh !
Je suis restée sans voix à la découverte de ce beau récit.
Certains se creusent la tête pour chercher des histoires poignantes à inventer pour faire le thème de leurs livres, pour Fethiye ÇETIN, ce ne fut pas le cas. L'histoire était toute trouvée en la personne de cette grand-mère, silencieuse, douce, mais qui a toujours en elle cette force, cette énergie, cette intelligence, tranquille qui fait bouger les situations, alors que tout le monde n'y pense pas.
Lorsque Heranouche, sa grand-mère lui prend les mains alors qu'elles sont seules, c'est qu'elle a décidé qu'il était temps de parler, de lui ouvrir les portes de sa mémoire, pour transmettre, révéler le secret de sa vie. Il lui faudra du temps, pour raconter à sa petite fille toute son histoire ; l'histoire de cette famille, et de quelques autres de ce village, qui se confond avec L Histoire avec un grand H !
Mais je ne veux pas dévoiler trop des souvenirs qui ressurgissent à chaque page de cet émouvant témoignage. Accrochée, littéralement, ne pouvant qu'avec peine poser le livre afin de continuer le travail de tous les jours. J'ai reçu ce paquet en fin de matinée des Editions Parenthèses, à la fin de la journée je l'avais presque terminé, le reprenant dès mon réveil toujours matinal. J'ai refermé la dernière page, sans attendre je rédige mes impressions.
Je vais cocher cinq étoiles, chose que j'ai rarement fait, c'est tout dire, je pense, de mes appréciations à propos de cet ouvrage. Un récit émouvant, raconté avec des mots simples dont je ne peux que conseiller la lecture.
J'aimerai remercier personnellement Fethiyé ÇETIN d'avoir pris la plume pour nous avoir si bien évoqué cette émouvante histoire de sa famille. J'ai connu une grand-mère, musulmane, émouvante telle la sienne, qui n'était pas allée à l'école car à son époque les filles n'en avait pas besoin, mais qui avait une telle "intelligence du coeur", peut-être est-ce ce qui m'a tellement émue dans la vie de cette femme arménienne !
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Silence, silence ! le massacre a lieu, mais silence ! Silence pendant 80 ans, silence sur la vraie vie de sa grand mère, silence sur l'enfance de la grand mère qui a 94 ans quand elle meurt et est enterrée en bonne musulmane.. qu'elle n'est pas ! Seher n'est pas son nom, elle s'appelle Heranouche, elle n'est pas turque, non, mais arménienne, elle n'est pas musulmane mais chrétienne, elle n'est pas tout ce qu'elle a été toute sa vie ; Elle est la survivante, la seule qui vit encore sur le territoire de ses parents. Elle a vécu en turque, musulmane, parlant le turc, ayant même oublié sa langue natale sauf dans des cas bien précis, les chants d'enfant !
Sa petite fille a fini par ouvrir une brèche dans le voile, dans l'armure que Seher s'était fabriquée et quelle avait tenu serré , elle va enfin révéler la vérité à l'enterrement de sa grand mère et permettre à tous de connaître le passé, et le présent, de savoir où est la famille, qui ils sont et où ils vivent !
C'est un livre tendre, passionnant, tout en douceur malgré les révélations épouvantables et les descriptions réalistes du massacre des Arméniens en 1915.
Recettes de cuisine, gâteaux sucrés, petits gestes qui rappellent ou plutôt dévoilent tout un passé commun, mais pas de rancoeur, d'amertume, la vie a fait son oeuvre, la famille peut supporter le choc.
Le décès de la grand mère va engendrer une forme de retrouvailles avec les membres en diaspora aux États Unis, et des allers retours entre les deux continents, des explications claires sur les événements qui ont conduit à la séparation brutale et la certitude que tous étaient morts, détruits par le génocide.
Pas de révolte, du silence, quelques paroles et 80 ans revivent, comme renaissent les fontaines d'Havav que l'auteure a réussi à remettre en eau !
Un livre inoubliable, à ne pas laisser de coté !
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Toute sa vie, Héranouche Gadarian a vécu dans le silence de son histoire. Un silence partagé par la Turquie, son pays. Son autre pays. C'est une fois assez avancée en âge pour pouvoir se retourner avec un semblant de recul sur son passé qu'elle livre des bribes de ce dernier à Fethiye, sa petite-fille, auteure de cet ouvrage-hommage. Héranouche était une petite fille arménienne, dont la famille a été dévastée par le génocide. Une tourmente qui a dispersé les uns – sans qu'ils puissent se retrouver – et tué les autres. En dépit de ces horreurs, Héranouche a réussi se bâtir une vie et une famille aimante où il fait bon vivre dans un dénuement généreux. Fethiye mêle ici ses souvenirs à ceux de sa grand-mère, les enrichit d'éléments historiques, d'anecdotes apparemment insignifiantes et d'une enquête familiale pleine d'émotions.

Le Livre de ma grand-mère a certes un caractère honorifique. Mais il ne s'agit pas seulement pour l'auteure d'écrire à la mémoire d'Héranouche, de revenir sur son histoire familiale : cette dernière quitte la sphère privée pour s'inscrire dans un tout méconnu, voire nié. le génocide arménien fige les êtres et les soumet à la loi du silence. Fethiye Çetin se trouve ainsi dépositaire d'une vérité enfouie qu'il faudra imposer à de multiples reprises pour que légitimité lui soit faite. Un combat pour la justice et la liberté qui remue, qui vit.
Lien : https://auxlivresdemesruches..
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
De nombreux enfants étaient déjà morts sur la route, mais Isquhi avait jusque-là réussi à sauver les siens. Epuisés, crevant de faim et de soif, ils furent bientôt incapables de faire un pas de plus. Ils se sont effondrés là où ils étaient.
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Elle s'appelait Héranouche. Elle était la petite-fille de Haïrabed Gadarian, l'unique fille d'Iskouhi et Hovhannès Gadarian. Jusqu'en classe de quatrième, elle a vécu une enfance heureuse à Havav, un village de la région de Poulou. Soudain les jours de tereur sont arrivés, elle disait : "Que ces jours aillent et ne reviennent plus jamais". Héranouche a perdu toute sa famille, elle ne les a plus jamais revus. Elle a eu une nouvelle famille, un nouveau nom. Elle a oublié sa langue et sa religion, elle a appris une nouvelle langue et adopté une nouvelle religion. Tout au long de sa vie, elle ne s'en est jamais plaint, mais elle n'a jamais oublié son village, sa mère, son père, son grand-père ni aucun de ses proches, jamais. Elle a vécu dans l'espoir de les retrouver, les serrer dans ses bras, jusqu'à l'âge de quatre-vingt-quinze ans. C'est peut-être cet espoir qu lui a prêté une longue vie, elle a conservé sa lucidité jusqu'à son dernier souffle.

Ma grand-mère Héranouche nous a quitté la semaine dernière et nous l'avons accompagnée jusqu'à sa dernière demeure.

Avec la publication de ce faire-part, nous espérons retrouver ses parents, nos parents, que nous n'avons pas pu retrouver de son vivant, partager leur peine et leur dire : "Que ces jours s'en aillent et ne reviennent plus jamais"
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(…) les grands pensent toujours qu'ils arrivent à cacher certaines choses aux enfants, mais les enfants entendent tout, comprennent tout.
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La cérémonie des obsèques se déroula en présence de la foule des fidèles qui sortait de la prière. Le religieux déclara à voix haute : « Que dieu pardonne ses péchés », puis demanda par trois fois « Accordez-vous votre pardon ? » L’assistance présente dans la cour répondit : « Oui, nous lui pardonnons ». Je n’ai pas pu empêcher ma voix de s’élever « Qu’elle nous pardonne… Qu’elle nous pardonne… C’est à elle de nous pardonner… de nous pardonner à tous ! » Tous dans l’assistance me regardaient stupéfaits, pourtant la plupart n’avaient pas saisi le sens de mes paroles.
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"Mes enfants n'ayez pas peur des morts, ils ne peuvent pas vous faire de mal. Le mal vient toujours des vivants, pas des morts."
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