Varlam Chalamov, né en 1907, a passé 17 ans de sa vie au Goulag, dans la Kolyma, à l'extrême nord est de la Sibérie. de 1937 à 1953, il survit contre toute attente à des conditions de détentions inhumaines. Réhabilité après la mort de Staline, il passera 25 ans à réunir et à publier ses souvenirs sous forme de courts récits, sans artifices et sans effets littéraires. Cette dernière édition réunit l'intégralité de ces récits dans un gros livre pesant, au propre et au figuré.
L'oeuvre de
Chalamov est très complémentaire de celle de
Soljenitsyne, même si les auteurs ne s'entendaient guère.
Chalamov livre un matériau brut, assez désespéré et désespérant sur la nature de l'homme. Les récits se suivent et seuls ceux regroupés dans les
essais sur le monde du crime semblent se rattacher à une pensée construite. Pour le reste, le souvenirs remontent, sans ordre chronologique, laissant percevoir peu à peu, s'il est possible, l'horreur du goulag.
On ne trouve pas chez
Chalamov le recul de
Soljenitsyne qui met en évidence le lien direct et continu entre la révolution d'octobre et son idéologie et l
e goulag : Il ne pouvait pas y avoir de communisme sans goulag ou équivalent.
La lecture de
Chalamov est longue et exigeante. Elle génère un double malaise : d'une part, celui de constater de quoi l'homme est capable; d'autre part celui de constater la complaisance persistante de nos intellectuels passés er présents, avec un système que l'auteur compare à plusieurs reprises au nazisme. On ne peut parler de Céline aujourd'hui, malgré son génie, sans prendre quelques pincettes pour mettre à distance le talent de l'auteur de ses choix politiques nauséabonds. Et cela me semble juste. Pourquoi n'en fait on pas autant sur d'autres génie du 20ème siècle qui furent complices, et pendant des décennies, d'atrocités qui n'ont rien à envier à celles des nazis. Je lis la poésie d'
Aragon avec délectation, mais ses choix politiques ne me paraissent pas plus respectables que ceux d'un
Brasillach. Pourquoi a t on tant de mal à mettre à distance et condamner toutes ces idéologies néfastes? Y a-t-il donc un bon et un mauvais totalitarisme, une bonne et une mauvaise justification des massacres de masse?